Dépistage, détection fortuite et surdiagnostic du cancer, un travail de synthèse

Traduction, restitution par Cancer Rose, 29/10/2023

H Gilbert Welch, Regan Bergmark, Cancer Screening, Incidental Detection, and Overdiagnosis, Clinical Chemistry, 2023;, hvad127, https://doi.org/10.1093/clinchem/hvad127
G.Welsch est médecin universitaire américain et chercheur sur le cancer.

Résumé

Autrefois, le diagnostic de cancer n'était posé que lorsque les patients présentaient des symptômes. Aujourd'hui, grâce au dépistage et à la découverte fortuite, certains patients se voient diagnostiquer un cancer alors qu'ils sont asymptomatiques. Bien que cette évolution soit généralement considérée comme souhaitable, elle a eu un effet secondaire regrettable : il est désormais possible de se voir diagnostiqué d'un cancer qui n'est pas destiné à causer des symptômes ou conduire au décès - un phénomène appelé surdiagnostic. (NDLR, surdiagnostic)

Le surdiagnostic est une conséquence non intentionnelle du souhait de détecter le cancer à un stade précoce.
Étant donné les progrès réalisés dans la compréhension du fait que la biologie de la tumeur et la réponse de l'hôte sont plus pertinentes pour le pronostic que le moment du diagnostic, il est temps de remettre en question l'affirmation selon laquelle le diagnostic précoce est toujours la meilleure approche pour guérir le cancer.
(NDLR, biologie des tumeurs et valeur pronostique)

Introduction

Au milieu du 20e siècle, l'apparition d'une voie diagnostique alternative a entraîné de profonds changements dans la médecine.

 Auparavant, on ne se rendait chez le médecin que pour des symptômes gênants : douleur, fièvre, toux, indigestion, etc. Les médecins établissaient alors un diagnostic sur la base de ces symptômes, ainsi que des signes associés et des tests diagnostiques disponibles. Avec la reconnaissance de l'importance de l'hypertension, une autre voie de diagnostic a été établie : des diagnostics pouvaient être posés en l'absence de symptômes, sur la base d'anomalies détectées.1 L'idée était d'anticiper les problèmes et d'intervenir avant l'apparition des symptômes.

Cependant, le passage d'une médecine axée sur les symptômes à une médecine d'anticipation a eu un effet secondaire inattendu pour les patients : la possibilité d'avoir un diagnostic qui n'est pas destiné à provoquer des symptômes. La différence énorme entre une maladie diagnostiquée en raison de symptômes et la même maladie détectée en l'absence de symptômes est apparue très clairement dans le cas du cancer. À l'époque où les patients étaient diagnostiqués avec un cancer en raison de symptômes, la définition traditionnelle du cancer dans le dictionnaire était en grande partie correcte : "une maladie néoplasique dont l'évolution naturelle est fatale".2 Aujourd'hui, alors que le cancer est de plus en plus diagnostiqué sur la base de résultats subtils d'imagerie et/ou de résultats moléculaires, il est clair que l'histoire naturelle du cancer est beaucoup plus complexe. Certains se développent extrêmement rapidement, d'autres plus lentement, d'autres encore cessent complètement de se développer et certains même régressent. En 2021, la Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis a mis en évidence un nouveau terme de rubrique médicale (le MeSH, Medical Subject Headings est un thésaurus de références médicales) : le surdiagnostic 3 :
(NDLR : surdiagnostic, c'est officiel)
""L'étiquetage d'une personne avec une maladie ou un état anormal qui n'aurait pas causé de préjudice à la personne s'il n'avait pas été découvert, la création de nouveaux diagnostics en médicalisant des expériences de vie ordinaires, ou l'extension de diagnostics existants en abaissant les seuils ou en élargissant les critères sans preuve d'une amélioration des résultats. Les personnes ne tirent aucun bénéfice clinique du surdiagnostic, alors qu'elles peuvent subir des préjudices physiques, psychologiques ou financiers".4

La définition du MeSH est claire : le phénomène du surdiagnostic englobe un large éventail de conditions : de l'étiquetage des jeunes enfants comme hyperactifs5 à l'annonce aux hommes âgés que leur testostérone est faible6.
Cette étude se concentre toutefois sur le surdiagnostic en rapport avec le cancer, en s'inspirant largement d'un travail antérieur7 .

Qu'est-ce que le surdiagnostic du cancer ?

Le surdiagnostic du cancer fait référence à la détection d'anomalies qui répondent aux critères pathologiques du cancer, mais qui ne sont pas destinées à évoluer vers des symptômes ou la mort. Ainsi, par définition, le surdiagnostic ne peut pas se produire chez un patient présentant des symptômes de son cancer.
Le surdiagnostic est plutôt un effet secondaire des efforts déployés pour détecter le cancer à un stade précoce, avant l'apparition des symptômes.

Deux mécanismes en sont principalement responsables : le dépistage du cancer et la découverte fortuite.

Le dépistage du cancer est l'effort délibéré pour détecter le cancer chez les personnes asymptomatiques.
L'objectif du dépistage est de réduire la mortalité due au cancer et il y a deux conditions fondamentales pour atteindre cet objectif. Premièrement, le dépistage doit permettre de détecter plus tôt les cancers destinés à conduire au décès. Deuxièmement, le traitement mis en œuvre plus tôt chez les patients atteints de ces cancers doit être plus efficace qu'un traitement mis en œuvre plus tard. Cependant, même un test de dépistage qui remplit ces deux conditions préalables peut aussi détecter par inadvertance des cancers qui ne sont pas destinés à provoquer des symptômes ou le décès.

La détection fortuite fait référence à un résultat inattendu d'une évaluation diagnostique, un résultat qui n'est pas lié au problème évalué.
La détection fortuite est le plus souvent associée à l'imagerie diagnostique ; par exemple, un scanner thoracique réalisé pour évaluer l'essoufflement (afin de déterminer si une embolie pulmonaire est responsable), identifie également une masse dans le rein.
La masse rénale n'a rien à voir avec l'essoufflement, mais fait néanmoins l'objet d'un examen plus approfondi car il pourrait s'agir d'un cancer précoce.

Il est important de souligner que le surdiagnostic n'est pas intentionnel, mais qu'il s'agit plutôt d'un effet secondaire non intentionnel de notre souhait de détecter le cancer à un stade précoce.

Le surdiagnostic est une énigme pour les cliniciens : nous ne savons pas qui est surdiagnostiqué au moment du diagnostic du cancer. Comme les cliniciens ne savent pas quels patients appartiennent à quel groupe, nous avons tendance à les traiter tous.

Bien qu'ils soient souvent confondus, les faux positifs et le surdiagnostic sont des phénomènes bien distincts. Les patients qui obtiennent un faux positif à un test de dépistage sont alarmés à tort, mais après des tests supplémentaires, on leur annonce finalement qu'ils n'ont pas de cancer. Les patients surdiagnostiqués apprennent qu'ils ont un cancer et sont généralement traités pour cette maladie.

Ces patients ne peuvent pas bénéficier d'un traitement inutile - puisqu'il n'y a rien à "réparer" - mais ils peuvent subir des préjudices.
Le surdiagnostic du cancer est mal connu de nombreux patients, prestataires de soins et décideurs politiques. Pour le comprendre pleinement, il faut d'abord comprendre le paradigme évolutif de la progression du cancer.

Progression du cancer : Paradigmes historiques et actuels

Le concept de surdiagnostic remet en question des hypothèses de longue date sur l'histoire naturelle du cancer, c'est-à-dire l'évolution naturelle de la maladie en l'absence de traitement. Alors que le diagnostic du cancer est généralement basé sur une observation statique (c'est-à-dire l'évaluation par un pathologiste de l'apparence des cellules individuelles et de leur architecture microscopique dans un échantillon de tissu), les déductions sur l'histoire naturelle nécessitent des observations sur un processus dynamique : la façon dont les cancers évoluent.
(NDLR : l'histoire naturelle du cancer)

Le paradigme historique de la progression du cancer était simple : tous les cancers suivaient une progression ordonnée du site primaire aux ganglions lymphatiques, puis aux sites métastatiques éloignés, pour finalement provoquer la mort (figure 1, panneau de gauche). Ce paradigme familier d'une progression inexorable était tout à fait exact à l'époque où les cancers étaient diagnostiqués sur la base de symptômes et que les pathologistes faisaient des observations histopathologiques sur les grosses tumeurs prélevées lors chirurgie. Selon ce paradigme, un cancer détecté à un stade précoce était toujours destiné à entraîner la mort s'il n'était pas traité.

L'avènement de la détection précoce du cancer - et les diagnostics basés sur des collections de cellules de petite taille, voire microscopiques - ont clairement montré que le paradigme historique était une simplification excessive.
Au début des années 1990, la généralisation du dépistage du cancer de la prostate aux États-Unis a démontré que certains cancers de la prostate localisés se développaient si lentement qu'ils n'étaient pas destinés à provoquer des symptômes avant que les patients, en particulier les hommes plus âgés, décèdent d’autres causes.8,9

Par ailleurs, certaines lésions répondant aux critères pathologiques du cancer peuvent ne pas évoluer du tout. Les mêmes phénomènes sont rapidement apparus dans les essais randomisés de dépistage du cancer du poumon par radiographie thoracique 10.
Les observations ultérieures suggérant que certains cancers précoces du sein11, de la thyroïde12 et du rein13 en fait régressent, sont venues ajouter à la complexité de la situation. Dans l'ensemble, la détection de ces cancers à croissance très lente, non progressifs et les cancers régressifs représente le surdiagnostic.

Le paradigme actuel de la progression du cancer englobe la grande hétérogénéité des trajectoires de progression dans le cancer (figure 1, panneau de droite). À une extrémité, certains cancers détectés précocement représentent un surdiagnostic ; à l'autre extrémité, certains cancers sont déjà systémiques et présentent des métastases distantes occultes au moment où ils sont détectables. Bien qu'ils ne soient pas pertinents pour le surdiagnostic, les cancers qui se propagent si rapidement qu'ils ne peuvent être détectés à un stade précoce limitent nécessairement l'efficacité du dépistage. (Cliquez sur l'image)

Le problème est mis en évidence dans le cas du cancer du sein : malgré des décennies de dépistage par mammographie, le taux de femmes présentant un cancer du sein métastatique n'a pas changé.14

Il est important de souligner qu'il ne s'agit pas d'un problème lié à la mammographie, mais d'un problème lié à certains cancers : ils sont nés pour être néfastes.
Il existe donc un large éventail d'histoires naturelles associées au diagnostic de cancer -mettant en évidence les limites de l'étalon-or pathologique. Alors que les pathologistes utilisent de plus en plus de marqueurs moléculaires pour mieux comprendre la biologie et le pronostic des tumeurs, l'approche sous-jacente présente des limites inhérentes.
En bref, il est difficile de faire des déductions fiables sur un processus dynamique - ce cancer est-il destiné à progresser ? - sur la base d'observations statiques.

Preuves que la détection précoce a conduit au surdiagnostic

Le surdiagnostic n'est confirmé chez un individu que si un patient atteint d'un cancer détecté par dépistage ou de manière fortuite n'est jamais traité, ne développe ensuite aucun symptôme de son cancer et meurt d'une autre cause. Il n'est pas surprenant que le surdiagnostic soit rarement observé directement de cette manière. Au contraire, son existence doit être indirectement déduite sur la base d'observations provenant de plusieurs individus. Le surdiagnostic peut être facilement confirmé soit par un suivi à long terme d'un essai de dépistage randomisé, soit par des signatures épidémiologiques basées d’une population.

1-SUIVI À LONG TERME D'UN ESSAI RANDOMISÉ DE DÉPISTAGE

Le suivi à long terme d'un essai de dépistage randomisé constitue sans doute la preuve la plus solide de l'existence d'un surdiagnostic. Cependant, il peut être difficile de comprendre les mécanismes de ces preuves. La vertu de la randomisation est simple : c'est le meilleur mécanisme pour produire des groupes fondamentalement identiques, de sorte que toute différence observée à la fin de l'essai puisse être attribuée en toute confiance à des différences d'exposition.

Un essai randomisé sur le dépistage du cancer, par exemple, repose sur l'hypothèse que le risque de développer un cancer est le même pour les deux groupes. S'il n'y a pas de surdiagnostic (c'est-à-dire que tous les cancers détectés lors du dépistage sont destinés à évoluer vers une maladie clinique), le même nombre de cancers devrait finalement apparaître dans les deux groupes.

Mais comme le dépistage vise à avancer les diagnostics dans le temps - c'est-à-dire à détecter les cancers à un stade précoce - on s'attend à ce qu'il y ait plus de cancers dans le groupe dépisté à la fin de l'essai (c'est-à-dire à la fin de la période d'intervention au cours de laquelle un groupe est dépisté et l'autre non).

Toutefois, au cours du temps suivant l'essai (au cours duquel les deux groupes sont traités de la même manière), le nombre de cancers dans le groupe de contrôle (ou témoin NDLR) devrait "rattraper" les cancers qui auraient été détectés par le dépistage et qui se manifestent cliniquement par des signes et des symptômes.

L'absence de "rattrapage" complet - c'est-à-dire un excès persistant de cancers dans le groupe dépisté - suggère que le dépistage a détecté certains cancers qui n'étaient pas destinés à se manifester cliniquement, et donc qu'il y a un surdiagnostic.

NDLR, nous proposons une explication imagée à ce qui est dit au-dessus, pour une meilleure compréhension :
À quoi s’attendait-on exactement en généralisant la mammo ?
Au début, il paraît logique qu’il y ait une envolée des taux de cancers, puisque le dépistage sert à débusquer des cancers avant que ceux-ci ne se manifestent et ne deviennent symptomatiques. Dans un premier temps donc, après l’instauration d’un dépistage dans la population, il fallait s’attendre à une augmentation des cas de cancers (les cancers existants plus les dépistés).
C’est ce qui apparaît sur la partie A de la courbe présentée ci-dessous.

Issu du livre "mammo ou pas mammo?" , page 29/30, de C.Bour aux éditions T.Souccar

Mais par la suite, cet excédent de cancers dans le groupe des femmes dépistées devrait s’amenuiser progressivement. En effet, la mammographie étant censée dépister des cancers précoces non symptomatiques et les traiter dès leur détection, l’incidence totale des cancers devrait logiquement diminuer – notamment celle des cancers les plus graves – et/ou se stabiliser au fil du temps à des valeurs inférieures à celles d’avant dépistage. La courbe représentant le taux des cancers devrait s’infléchir (voir figure 2, partie B). Ne resteraient théoriquement que des cancers non dépistés.

Ainsi, selon cette logique, l’efficacité du dépistage doit se traduire par sa capacité à réduire le taux des cancers avancés dans la population,...
Or, il n’en est rien. L’incidence des cancers du sein augmente inexorablement, de façon continue et ininterrompue, avec l’intensité du dépistage par mammographie, comme l’illustre le tracé en pointillé de la Figure 2 ..., et cela sans que l’on n’observe dans le même temps de diminution des formes les plus graves....

La première preuve irréfutable de surdiagnostic a été apportée par un cancer généralement considéré comme agressif et mortel : le cancer du poumon.

 Le suivi à long terme de la Mayo Lung Study, un essai randomisé de dépistage par radiographie pulmonaire chez les gros fumeurs,...... il convient de noter que les cancers du poumon apparaissent cliniquement dans le groupe ayant fait l'objet d'un dépistage. En d'autres termes, malgré un dépistage régulier, certains cancers du poumon sont diagnostiqués à la suite de symptômes survenus entre deux examens de dépistage. Ces cancers dits d'intervalle sont les cancers les plus rapidement progressifs (nés pour être mauvais) et ont le pronostic le plus sombre. 15 Ce qui est révélateur du surdiagnostic, c'est l'excès persistant de cancers du poumon dans le groupe ayant fait l'objet d'un dépistage.
À la fin de la période d'intervention de 6 ans (radiographies pulmonaires de dépistage tous les 4 mois), 56 cancers du poumon supplémentaires ont été détectés dans le groupe dépisté (143 contre 87).

.................
Deux des neuf essais randomisés sur le dépistage par mammographie ont fourni des données de suivi à long terme sur le nombre de cancers du sein détectés.

 Le premier était l'essai de dépistage mammographique de Malmö (figure 2...)19 . Encore une fois, il convient de noter que, malgré le dépistage, certains cancers du sein apparaissent cliniquement pendant l'intervalle entre les examens de mammographie. Là encore, un excès persistant de cancers du sein apparait dans le groupe dépisté. A la fin de la période d'intervention de 10 ans, 150 cancers du sein supplémentaires ont été détectés dans le groupe dépisté (741 vs 591). Au cours des 15 années de suivi ultérieures, 35 cancers de rattrapage sont apparus dans le groupe de contrôle. Ainsi, l'excès persistant de 115 cancers représente des surdiagnostics.
NDLR : nombre de cancers dans le groupe de contrôle (ou témoin) qui auraient été détectés par le dépistage et qui se manifestent cliniquement par des signes et des symptômes.

......
Le carcinome canalaire in situ représente aujourd'hui 17 % à 34 % de tous les cancers du sein détectés par dépistage22 ; son inclusion (dans le calcul du surdiagnostic, NDLR) tendrait à augmenter l'estimation du surdiagnostic.
(NDLR : tout sur le carcinome in situ du sein)

2-PREMIÈRE SIGNATURE DE LA POPULATION POUR LE SURDIAGNOSTIC : INCIDENCE CROISSANTE/MORTALITÉ STABLE

La juxtaposition des tendances de l'incidence et de la mortalité d'un cancer peut facilement révéler un surdiagnostic.

L'incidence et la mortalité sont toutes les deux des taux basés sur la population : le nombre annuel de nouveaux cas de cancer pour 100 000 personnes et le nombre annuel de décès par cancer pour 100 000 personnes.  L'augmentation de l'incidence, associée à une stabilité de la mortalité, est très révélatrice d'un surdiagnostic.

Le phénomène du surdiagnostic amène à reconsidérer le mot "incidence".
Bien que l'incidence déclarée soit conventionnellement définie en termes d'occurrence de la maladie, il s'agit en fait du taux de diagnostic de la maladie dans une population définie. Les diagnostics de cancer sont une combinaison de 1) cancers cliniquement significatifs et 2) cancers surdiagnostiqués. Si l'augmentation de l'incidence correspondait à une augmentation des cancers cliniquement significatifs, on s'attendrait également à une augmentation de la mortalité. L'absence de changement dans la mortalité suggère que si le nombre de diagnostics augmente, il n'y a pas de changement dans la proportion sous-jacente de cancers destinés à évoluer pour provoquer des symptômes et la mort. Au lieu de cela, il doit y avoir un surdiagnostic.

Trois cancers illustrant la première signature de population pour le surdiagnostic sont présentés dans la figure 3. (Cliquez sur l'image)

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À notre connaissance, personne ne recommande le dépistage du cancer du rein dans la population générale.
l s'agit plutôt d'un cancer qui est régulièrement détecté de manière fortuite lors d'examens d'imagerie transversale (p. ex. tomodensitométrie/IRM).
Les masses rénales sont détectées de manière fortuite non seulement sur les images de l'abdomen, mais aussi sur celles du thorax - en raison de la courbure du diaphragme, une série complète d'images transversales du thorax inclut généralement les reins.23

Au cours des quatre dernières décennies, l'imagerie transversale est devenue plus courante et les découvertes fortuites se sont multipliées.
Les zones géographiques présentant des taux élevés d'imagerie thoraco-abdominale ont également des taux élevés de néphrectomie, reflétant probablement la détection fortuite de masses rénales.24
La croissance de l'incidence a ralenti ces dernières années, probablement en réponse à des directives plus conservatrices pour la prise en charge et à l'adoption plus large de la surveillance active pour les petites masses rénales (≤ 4 cm).25
Néanmoins, les preuves du surdiagnostic sont évidentes : l'incidence du cancer du rein a plus que doublé depuis 1975, alors que la mortalité due au cancer du rein est restée pratiquement inchangée.

L'augmentation rapide de l'incidence du mélanome est le résultat du dépistage. Depuis 1985, l'Académie américaine de dermatologie encourage les dermatologues à proposer des dépistages gratuits du cancer de la peau.26
La promotion du "Mois de la sensibilisation au mélanome" et des "Lundis du mélanome" ne fait qu'encourager les praticiens de soins primaires à effectuer également des examens cutanés de routine, même si la United States Preventive Services Task Force ne recommande pas cette pratique.27 L'effet net de ce dépistage a été l'augmentation la plus rapide de l'incidence de tous les cancers aux États-Unis : une multiplication par six depuis 1975. Comme il n'y a pas eu d'évolution concomitante de la mortalité, il doit y avoir un surdiagnostic massif.28
L'augmentation de l'incidence du cancer de la thyroïde reflète une combinaison de dépistage et de détection fortuite. La fondation Light of Life a fait la promotion du dépistage en encourageant les gens à demander à leur médecin "de vérifier leur cou"29,30 .

Mais le cancer de la thyroïde est également détecté de manière fortuite, à la fois par l'utilisation accrue de la tomodensitométrie thoracique et cervicale et de l'échographie carotidienne. Le dépistage et la détection fortuite ont entraîné une multiplication par 3 de l'incidence du cancer de la thyroïde, une augmentation qui touche de manière disproportionnée les femmes.31
(NDLR, dépistage thyroïde)

Pourtant, la mortalité due au cancer de la thyroïde est équivalente chez les deux sexes, extrêmement faible et (de tous les cancers américains) la plus stable dans le temps. Pour ces trois cancers, le tableau d'ensemble est le même : une augmentation substantielle de l'incidence, alors que la mortalité reste essentiellement inchangée.
Bien que cela suggère fortement un surdiagnostic, il est important d'envisager une autre possibilité : qu'il y ait une véritable augmentation des cancers cliniquement significatifs ET que l'amélioration des traitements ait coïncidé (et précisément) avec l'augmentation attendue du nombre de décès par cancer. Il convient de noter que le taux annuel d'amélioration des traitements devrait correspondre exactement à l'augmentation annuelle de l'incidence du cancer (pas trop rapide, sinon la mortalité diminuerait, pas trop lent, sinon la mortalité augmenterait).
Bien que possible, ce contrepoids parfait de forces opposées serait une coïncidence remarquable.

3-DEUXIÈME SIGNATURE DE LA POPULATION POUR LE SURDIAGNOSTIC : AUGMENTATION DE L'INCIDENCE DES STADES PRÉCOCES / STABILITÉ DE L'INCIDENCE DES STADES TARDIFS

Si l'objectif ultime du dépistage est de réduire la mortalité due au cancer, son objectif immédiat est souvent mal perçu. On croit généralement que l'objectif immédiat est simplement de détecter un plus grand nombre de personnes atteintes d'un cancer à un stade précoce. Or, il est plus important que le nombre de personnes atteintes d'un cancer avancé diminue. Ces deux objectifs ne sont pas identiques.

Un programme de dépistage efficace devrait non seulement augmenter l'incidence au stade précoce, mais aussi diminuer l'incidence au stade tardif, ce qui prouve que les cancers précoces détectés par le dépistage étaient autrement destinés à se manifester sous forme de cancers avancés. L'absence de diminution de l'incidence à un stade avancé suggère que les cancers précoces supplémentaires découverts ne sont pas ceux destinés à évoluer vers une présentation clinique à un stade avancé - et qu'il s'agit plutôt de surdiagnostic.

Deux cancers illustrant cette deuxième signature de population sont présentés dans la figure 4. Suite à l'introduction de la mammographie de dépistage aux États-Unis dans les années 1980,  l'incidence du cancer du sein au stade précoce a doublé chez les femmes en âge d'être dépistées (40 ans et plus). (Cliquez sur l'image)

Pourtant, l'avènement de la mammographie de dépistage n'a réduit que marginalement la proportion de ces femmes qui présentent un cancer du sein à un stade tardif.

Cette combinaison - une augmentation substantielle des cancers au stade précoce et peu de changements dans les cancers au stade tardif - suggère que le dépistage a mis en évidence un nouveau type de cancer du sein indolents et non progressifs.

Les critiques ont fait valoir que cette tendance pouvait s'expliquer par une augmentation de l'incidence sous-jacente des cancers du sein cliniquement significatifs et que la mammographie fonctionnait parce que l'incidence à un stade avancé était restée stable.33 Cependant, le taux stable auquel les femmes présentent initialement un cancer du sein métastatique plaide contre tout changement important dans l'incidence sous-jacente des cancers du sein cliniquement significatifs.14,34

La deuxième signature de la population a également été observée à la suite de la promotion du dépistage du cancer du poumon par tomodensitométrie thoracique dans les populations non fumeuses.
La figure 4 montre l'expérience des femmes taïwanaises, dont la majorité n'a jamais fumé. Le dépistage par tomodensitométrie a multiplié par 6 le nombre de cas de cancer du poumon au stade précoce. L'incidence du cancer du poumon à un stade précoce a été multipliée par 6, tandis que l'incidence du cancer du poumon à un stade avancé est restée stable.35 Des données remarquablement similaires ont été rapportées par la suite en Chine et en Corée.36,37
(NDLR, le projet de ce dépistage entraîne une grande controverse dans notre pays)

Là encore, il semble que le dépistage ait mis au jour un nouveau sous-ensemble de cancers du poumon indolents et non progressifs.
La figure 4 montre également que la mesure couramment utilisée de la distribution par stade peut être trompeuse.
La distribution par stade est une simple proportion, dans laquelle le dénominateur est le nombre de cancers diagnostiqués.
Avant le dépistage par mammographie, 45 % de tous les cancers du sein étaient diagnostiqués à un stade tardif, alors qu'après le dépistage, 25 % étaient diagnostiqués à un stade avancé.
Avant le dépistage par tomodensitométrie, 90 % des cancers du poumon étaient diagnostiqués à un stade tardif alors qu'après le dépistage, 58 % des cancers étaient diagnostiqués à un stade tardif.

Dans les deux cas, il est tentant de conclure que moins de femmes présentent un cancer avancé. Mais la stabilité de l'incidence des stades tardifs dément cette conclusion et démontre que la proportion de cancers à un stade avancé diminue simplement  parce que le nombre de cancers à un stade précoce augmente, et non pas parce que le nombre de cancers à un stade avancé diminue.

NDLR, il faut toujours utiliser les chiffres bruts ; les pourcentages indiquent des proportions ; la proportion des cancers graves sur le total cancers semble diminuer par le dépistage parce que la quantité de cancers de stades moins graves augmentent avec le dépistage, il y a donc un effet de dilution.

Issu de la page 124 du livre "mammo ou pas mammo", de C.Bour, aux éditions T.Souccar

Retour d'information trompeur suite à un surdiagnostic

L'exemple précédent de la distribution des stades n'est qu'une des façons dont le surdiagnostic produit un retour d'information trompeur - un retour d'information qui renforce apparemment la valeur de la détection précoce, encourage le dépistage et la détection accidentelle et, ironiquement, favorise le surdiagnostic.

 Mais un retour d'information trompeur encore plus puissant est fourni par le temps de survie, particulièrement de la survie à 5 ans.38,39 La survie à 5 ans est également une proportion simple, dans laquelle le dénominateur est le nombre de patients chez qui un cancer a été diagnostiqué et le numérateur est le nombre de patients qui sont encore en vie 5 ans plus tard.

NDLR, pour tout comprendre du critère "survie" et comment il est utilisé comme indicateur fallacieux d'efficacité du dépistage)

Le surdiagnostic augmente à la fois le dénominateur (nombre de personnes diagnostiquées) et le numérateur (nombre de personnes en vie 5 ans plus tard), ce qui entraîne une augmentation de la survie à 5 ans même si le nombre de décès reste inchangé.

La rétroaction trompeuse de la survie à 5 ans est mieux comprise en considérant une simple expérience de raisonnement.
Imaginons qu'avant le dépistage, un cancer du poumon soit diagnostiqué chez 100 femmes, et que 20 d'entre elles soient encore en vie cinq ans plus tard. La survie à 5 ans est donc de 20 % (= 20/100).
Après le dépistage, l'incidence du cancer du poumon passe à 125 femmes et supposons que les 25 femmes supplémentaires soient toutes surdiagnostiquées. Ces 25 femmes s'ajoutent à la fois au numérateur et au dénominateur de la statistique de survie. Ainsi, sans aucun changement dans l'efficacité du traitement, la survie à 5 ans est désormais de 36 % (= 45/125). Il convient de noter que le nombre de personnes décédées 5 ans après le diagnostic n'a pas changé : il est de 80 dans les deux statistiques (= 100-20 et = 125-45). Ces données ne sont pas hypothétiques Il s'agit d'approximations simplifiées de ce qui a été observé à Taïwan.35

L’augmentation de l'incidence (il y a plus de cancers !), répartition plus favorable des stades (une plus grande proportion de cancers sont désormais diagnostiqués à un stade précoce) et l'augmentation de la survie à 5 ans (les patients atteints de cancer vivent plus longtemps !) sont des preuves numériques manifestes pour les médecins et les décideurs politiques.

 Elles sont interprétées comme démontrant la valeur des efforts de détection précoce.
Pourtant, ces trois chiffres sont fortement impactés par le surdiagnostic.

Le retour d'information trompeur sur le surdiagnostic n'émane pas seulement des chiffres, mais aussi des récits des patients. Plus il y a de personnes dépistées, plus il y en a qui sont atteintes d'un cancer, plus sont surdiagnostiquées, plus de personnes sont traitées et plus de personnes "survivent". Ces survivants croient, et on peut comprendre, qu'ils doivent leur vie au dépistage et en deviennent les plus fervents défenseurs. Les survivants peuvent influencer les perceptions du grand public - car ils deviennent les témoignages de patients que les journalistes sont enseignés à intégrer dans les reportages médicaux, en particulier s'il s'agit de célébrités.40

Les survivants sont donc responsables de ce que l'on appelle le "paradoxe de la popularité" : plus le dépistage donne lieu à des surdiagnostics, plus les gens croient qu'ils doivent leur vie au dépistage et plus celui-ci devient populaire41.

NDLR, ce paradoxe est représenté ci-dessous, issu de la page 78 du livre "mammo ou pas mammo?" de C.Bour, éditions T.Souccar

Ces boucles de rétroaction quantitatives et qualitatives sont résumées dans la figure 5. Bien que ces boucles de rétroaction sont plus connues dans le contexte du dépistage du cancer, elles tendent également à renforcer la signification de la découverte fortuite. (Cliquez sur l'image)

Déterminants du surdiagnostic

Le surdiagnostic n'est pas apparent pour tous les cancers : malgré le dépistage généralisé du cancer du col de l'utérus et du cancer colorectal, par exemple, il y a peu de preuves de surdiagnostic. Cela peut refléter de la biologie de ces sites cancéreux particuliers ou des normes de la nomenclature pathologique qui leur est appliquée.  Si le cancer du col de l'utérus ou le cancer colorectal fait l'objet d'un surdiagnostic, c'est qu'il s'agit moins d'un surdiagnostic du cancer que d'un surdiagnostic de ses lésions précurseurs : dysplasie cervicale ou polypes adénomateux. 42

Le surdiagnostic n'est pas seulement déterminé par la biologie du site cancéreux, il l'est aussi par le degré d'examen diagnostique appliqué à ce site : en d'autres termes, l'intensité avec laquelle les médecins recherchent ce cancer en particulier.
Un examen diagnostique plus approfondi - en testant plus de personnes et/ou l'utilisation d'une technologie de test plus sensible - tend à augmenter le nombre de surdiagnostics.

Le dépistage du cancer du poumon est un exemple instructif. Alors que les radiographies du thorax ne détectent que les nodules de grande taille (> 1 cm de diamètre), le scanner thoracique, plus sensible, permet de détecter des nodules dix fois plus petits (> 1 mm de diamètre). Par conséquent, les préoccupations concernant le surdiagnostic du cancer du poumon sont devenues plus importantes avec l'avènement du dépistage par tomodensitométrie thoracique, en particulier après que des chercheurs japonais ont rapporté des taux similaires de détection du cancer du poumon chez les fumeurs et les non-fumeurs43.
Le dépistage opportuniste par radiographie thoracique des fumeurs à haut risque au cours des années 1970 n'a pas produit de signaux de surdiagnostic dans la population, contrairement au dépistage généralisé par tomodensitométrie des non-fumeurs à faible risque au cours de ce siècle. Le cancer du poumon peut donc être transformé par un examen diagnostique plus approfondi : d'un cancer autrefois considéré comme uniformément mortel à un cancer où l'on observe un surdiagnostic important.

Une transformation similaire est possible pour d'autres cancers actuellement considérés comme uniformément mortels, tels que le cancer du pancréas et du foie.

Les stratégies visant à limiter le surdiagnostic sont également illustrées par le dépistage du cancer du poumon. Les chercheurs qui ont conçu les principaux essais randomisés sur le dépistage par tomodensitométrie ont fait des efforts spécifiques pour réduire le surdiagnostic. Ils se sont concentrés sur la population la plus à risque (les gros fumeurs) ; ils n'ont pas dépisté les populations à faible risque.
Ils ont conçu des protocoles d'évaluation de la croissance afin d'utiliser la valeur diagnostique du temps. Au lieu de biopsier immédiatement tous les nodules pulmonaires, les petits nodules ont été observés au fil du temps et seuls ceux qui grossissaient ont été biopsiés.44. En bref, ils n'ont pas considéré que le meilleur test - ou la meilleure stratégie de test - était celui qui permettait de détecter le plus grand nombre de cancers.

Pour conclure

Résumé

Le surdiagnostic du cancer est un effet secondaire non intentionnel de l'effort de détection du cancer avant l'apparition des symptômes.

 Le surdiagnostic doit être considéré dans le contexte de l'arc de la découverte scientifique : le souhait bien intentionné de détecter le cancer à un stade précoce, suivi par les efforts visant à trouver davantage de petits cancers et la reconnaissance ultérieure du fait que le surdiagnostic est un sous-produit. En bref, il a fallu du temps pour reconnaître le problème. Et il faudra toujours du temps pour savoir dans quelle mesure un nouveau test (ou une nouvelle stratégie de test) peut entraîner un surdiagnostic.

Ces observations sont pertinentes pour les tests de détection multicancéreux discuté ailleurs dans ce numéro spécial de Clinical Chemistry.  Les partisans de ces tests ont peut-être raison de suggérer que l'ADN tumoral circulant (ADNct)  n'entraînera que peu de surdiagnostics, car les cancers de petite taille, inoffensifs et non évolutifs ne sont pas susceptibles de rejeter de l'ADNtc 45,46.
Mais si les résultats positifs à l'ADNc déclenchent un suivi par PET-CT, un certain surdiagnostic est susceptible de résulter d'une détection fortuite. En outre, si la faible sensibilité rapportée pour les cancers de stade I (dont beaucoup peuvent représenter un surdiagnostic) pousse les investigateurs à abaisser le seuil de détection de l'ADNct comme positif, le surdiagnostic est plus probable.

L'avenir nous le dira.
NDLR, nous avons consacré tout un dossier sur le sujet des biopsies liquides.

.........
Pour justifier ces inconvénients (du dépistage, NDLR), il faut démontrer que les personnes dépistées bénéficient d'un avantage substantiel. Cela nécessite une évaluation rigoureuse, et non la simple affirmation que "le diagnostic précoce sauve des vies". .....

Étant donné que l'on comprend de plus en plus que la biologie de la tumeur et la réponse de l'hôte sont plus pertinentes pour le pronostic que le moment du diagnostic, il est temps de remettre en question cette affirmation.

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Instantané d’oncologie, interview de Karsten Juhl Jorgensen

Oncoinfo - Instantanés d'oncologie : http://oncoinfo.it

L'auteur

Avons-nous un problème de surdiagnostic dans les programmes de dépistage par mammographie pour la détection précoce du cancer du sein chez les femmes asymptomatiques ?
La question est plus urgente que jamais depuis que le U.S. Preventive Services Task Force a modifié sa recommandation concernant l'âge de début du dépistage par mammographie, qui est passé de 50 à 40 ans.

Karsten Juhl Jørgensen (Département de recherche clinique - Københavns Universitet, Cochrane Danemark) a été interviewé lors de la réunion Medicine & the Media à Florence.

TRANSCRIPTION

Le surdiagnostic

"Avons-nous un problème de surdiagnostic dans les programmes de dépistage par mammographie pour la détection précoce du cancer du sein chez les femmes asymptomatiques ?
(NDLR, lire ici : surdiagnostic)

Oui, le surdiagnostic est vraiment un problème inévitable dans pratiquement tous les types de dépistage. Et il est lié au fait que les gens meurent de toutes sortes de causes autres que la maladie pour laquelle on fait le dépistage.
Et donc si vous détectez cette maladie à un stade précoce, il y a un risque que les gens meurent d’une autre cause avant que la maladie que vous cherchez à dépister ne progresse vers quelque chose de grave.

Une autre raison est que lorsqu’on procède au dépistage d'une maladie, on détecte souvent un autre type de maladie. Ceci est différent du cas où on détecte des symptômes chez des patients et ensuite on pose le diagnostic.

Ainsi nous savons que de nombreuses maladies, dont le cancer du sein, ne constituent pas une entité unique. Nous avons affaire à des maladies qui s'étendent sur un spectre de différents degrés de gravité.
(NDLR, lire ici : l'histoire naturelle du cancer)
Et si nous procédons à un dépistage, du fait que les cancers les moins agressifs sont ceux qui mettent le plus de temps à se développer, ce sont principalement ceux-là que nous allons trouver par le dépistage.
Cela s'explique simplement par le fait qu'on a plus de temps pour les détecter.

Alors que toutes les tumeurs agressives, celles qui tuent le plus souvent, se développent rapidement. Ces cancers passent donc à travers les mailles de notre filet et ne sont pas détectés par le dépistage, mais apparaissent entre les cycles de dépistage.

Voilà donc quelques-unes des limites bien connues du dépistage du cancer. C'est ce qu'on appelle le biais de longueur de temps. Plus vous avez de temps pour détecter le cancer, plus vous en détecterez.
Et cela contribue au surdiagnostic, car les cancers les plus lents et les moins agressifs sont principalement ceux qui sont surdiagnostiqués, mais ce sont toujours des cancers."

Effets néfastes du dépistage et implications

"Ils (les cancers lents) sont donc toujours traités et les gens deviennent des patients cancéreux avec toutes les implications que cela a sur leur bien-être.

Nous savons donc que le dépistage du cancer du sein et de nombreux autres types de dépistage présentent des inconvénients, tout comme n'importe quelle autre intervention médicale. C'est vraiment la seule chose dont nous pouvons être sûrs pour toute intervention. Tout traitement a toujours des effets néfastes.

La question est donc de savoir si ces effets néfastes sont contrebalancés par les bénéfices. Et c'est justement la question à se poser quand les patients s'adressent à nous les médecins, en quête de traitement, d'aide au problème qu'ils ressentent.

Ils cherchent de l'aide pour le problème qu'ils  pensent avoir. Nous avons donc la responsabilité de faire de notre mieux, même si nous n'avons pas une compréhension complète, une connaissance complète des effets des interventions que nous pourrions utiliser."

Une obligation morale

"Mais si en tant que société, nous choisissons d'offrir un programme de dépistage à une population en bonne santé, nous avons une obligation complètement différente qui repose sur nous de savoir avec certitude ce que nous faisons.

Nous nous sommes donc inquiétés des nouvelles recommandations visant à étendre le dépistage du cancer du sein à des groupes d'âge où les preuves sont vraiment incertaines.
Il y a des incertitudes sur le dépistage du cancer du sein pour tous les groupes d'âge, mais elles sont particulièrement importantes pour les femmes dans leur quarantaine et pour les femmes de plus de 70 ans.
C'est pour cela que nous n'avons pas procédé au dépistage pour ces groupes d'âge depuis des décennies dans de nombreux pays."

Dépistage des quadragénaires

"Mais récemment, le US Preventive Services Task Force a publié de nouvelles recommandations préconisant le dépistage du cancer du sein chez les femmes dans leur quarantaine, ce qui nous inquiète car les fondements de cette recommandation sont différents de ce que nous avons l'habitude de voir de la part de l'US Preventive Services Task Force (USPSTF)."
(NDLR, lire ici : abaisser l'âge du dépistage ?)

ll (l'USPSTF) était habituellement le porte-drapeau des méthodes de médecine fondée sur les preuves et une organisation de confiance, mais dans ce cas particulier, au lieu de faire confiance plutôt aux preuves que nous avons à partir des essais randomisés et que nous connaissons depuis des années,  il a choisi de faire des calculs à partir des modèles et de baser les recommandations sur la base de ces modèles.

Et cela s'écarte vraiment de certains des principes fondamentaux de la médecine basée sur les preuves. Nous trouvons cela inquiétant car si vous fondez vos recommandations sur des modèles, il est plus probable que vous fassiez des erreurs.

Tous les modèles sont basés sur des hypothèses et pas sur des connaissances -  comme les prévisions météorologiques - et on ne peut pas toujours faire confiance aux modèles.
C'est donc une inquiétude, une inquiétude à la fois parce que nous pourrions prendre une mauvaise décision et nuire à des personnes par le biais du dépistage, mais aussi parce qu'on détourne les ressources aux dépens de choses dont on sait qu'elles fonctionnent.

Si l'on considère la mortalité par cancer du sein chez les femmes de plus de 40 ans, on constate une évolution très positive : le risque de mourir d'un cancer du sein pour une femme de 40 ans a été réduit de moitié au cours des 30 dernières années en absence de dépistage.
(NDLR, lire ici : risque de décès en baisse)
Nous sommes donc devenus bien meilleurs pour traiter les femmes, les jeunes femmes atteintes d'un cancer du sein, ce qui est bien sûr une incroyable réussite dont nous devrions être fiers en tant que profession.
Et nous devrions féliciter les oncologues en tant que responsables de cette évolution très positive.

Mais en même temps, cela signifie aussi qu'il n'y a jamais eu la moindre raison de commencer à dépister les femmes de 40 ans. Car nous faisons déjà beaucoup mieux que nous ne l'avons jamais fait dans l'histoire, contre cette maladie. Il n'y a donc pas de crise du cancer du sein chez les femmes de 40 ans, nous nous en sortons très bien."

Conclusion

"À mon avis, nous devons nous assurer qu’on ne fasse pas plus de mal que de bien en faisant davantage et en invitant ces femmes au dépistage."

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Pas de prolongement de la durée de vie par les dépistages

17/10/2023

En ce mois d'octobre où le mythe salvateur du dépistage nous est ressassé à l'envi, nous re-publions cette étude qui aurait dû conduire autorités sanitaires et décideurs politiques à appuyer ce que la concertation citoyenne sur le dépistage avait demandé, à savoir une information modérée, en tous cas neutre et honnête sur ce dépistage extrêmement décevant, et qui n'a tenu aucune des promesses attendues.
Et ce au lieu de poursuivre une incitation aveugle des femmes par le truchement de la campagne rose promotrice de ce dispositif de santé avec autant de risques maintenant avérés.
Pas de diminution des formes graves de cancers, pas de gain de survie, pas d'allègement des traitements (au contraire), davantage de surdiagnostics délétères à la santé des femmes, dont elle ne sont pas informées.

Un schéma résume ici la situation :

L' ETUDE SUR LE 'GAIN DE DUREE DE VIE'

Estimation de la durée de vie "gagnée" grâce aux dépistages des cancers

28/08/2023, traduction et synthèse par Cancer Rose

Une méta-analyse des essais cliniques randomisés
https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2808648?guestAccessKey=c7d91084-054d-49f3-97be-9b302f883c9c&utm_source=twitter&utm_medium=social_jamaim&utm_term=11181634494&utm_campaign=article_alert&linkId=232083149

Michael Bretthauer, MD, PhD; Paulina Wieszczy, MSc, PhD; Magnus Løberg, MD, PhDet alMichal F. Kaminski, MD, PhD; Tarjei Fiskergård Werner, MSc; Lise M. Helsingen, MD, PhD; Yuichi Mori, MD, PhD; Øyvind Holme, MD, PhD; Hans-Olov Adami, MD, PhD; Mette Kalager, MD, PhD
Author Affiliations Article Information
JAMA Intern Med. Published online August 28, 2023. doi:10.1001/jamainternmed.2023.3798

Il s'agit d'une revue systématique et méta-analyse publiée par des auteurs de l'Institute of Health and Society de l'University d'Oslo (Norvège), examinant 18 essais cliniques randomisés à long terme, cherchant à estimer la durée de vie 'gagnée' grâce au dépistage du cancer.
Plusieurs tests de dépistage sont analysés : dépistage par mammographie du cancer du sein; coloscopie, sigmoïdoscopie, recherche de sang fécal pour le cancer colorectal; dépistage par tomodensitométrie du cancer du poumon chez les fumeurs et les anciens fumeurs; test d’antigène spécifique de la prostate (PSA) pour le cancer de la prostate.

L'étude implique  2,1 millions de personnes, plus exactement 721 718 hommes pour le dépistage par PSA, 614 431 hommes et femmes pour le dépistage par sigmoïdoscopie, 598 934 hommes et femmes pour la recherche de sang fécal tous les deux ans, 84 585 hommes et femmes pour le dépistage par coloscopie et 73 634 femmes pour le dépistage par mammographie ; un plus petit échantillon pour le dépistage annuel par recherche de sang fécal (30 964 hommes et femmes) et pour le dépistage par tomodensitométrie du cancer du poumon (20 505 hommes et femmes).

La revue porte sur des essais avec plus de 9 ans de suivi ( 10 à 15 de suivi en moyenne) rapportant la mortalité toutes causes confondues et l’espérance de vie acquise estimée pour 6 tests de dépistage du cancer couramment utilisés, en comparant 'dépistage' avec 'absence de dépistage'.

Le critère de jugement était la durée de vie dans les groupes 'dépistage' par rapport aux groupes 'sans dépistage' selon les données déclarées de la mortalité toutes causes confondues mais aussi de la mortalité spécifique par cancer.
Autrement dit les années de vie "gagnées" par le dépistage ont été calculées comme étant la différence de durée de vie observée (en années/personnes) parmi les groupes 'dépistage' par rapport aux groupes 'sans dépistage'.
L’analyse a porté sur la population générale.
MEDLINE et les bases de données de la bibliothèque Cochrane ont constitué les bases de cette recherche.
Il n'y a pas eu d'inclusion d'études observationnelles ni d'études de modélisation en raison des multiples biais possibles.

Points clés et résultats principaux :

Question : Les tests de dépistage du cancer sont promus pour sauver des vies, mais dans quelle mesure la vie est-elle réellement prolongée grâce aux tests de dépistage du cancer couramment utilisés?

Réponse : Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie peut prolonger la vie d’environ 3 mois ; le gain de durée de vie pour les autres tests de dépistage semble peu probable ou incertain.

Figure 1

Dans cette figure 1, les flèches horizontales illustrent quatre personnes qui ont subi un dépistage.
Flèches pointant vers la droite : 2 personnes qui ont bénéficié du dépistage vivent plus longtemps grâce à la détection précoce du cancer et à la guérison.
Flèches pointant vers la gauche : 2 personnes qui ont subi un préjudice lié au dépistage et qui sont décédées plus tôt que celles qui n’ont pas subi de dépistage.
Le cercle bleu indique l’effet du dépistage sur la longévité de la population, qui a été calculée comme étant la résultante de l'ensemble des bénéfices individuels moins l'ensemble des préjudices individuels.
On voit que globalement il n'y a pas d'effet net de gain en durée de vie, ce que les dépistages promettaient lors de l'instauration des campagnes nationales.

Le gain de durée de vie

Les auteurs écrivent :

"Selon les risques relatifs observés pour la mortalité toutes causes confondues et le temps de suivi déclaré dans les essais, le seul test de dépistage qui a considérablement augmenté la longévité était la sigmoïdoscopie, de 110 jours (IC à 95 %, 0 à 274 jours) (tableau 2..)

Nous n’avons trouvé aucun résultat statistiquement significatif pour la longévité avec le dépistage par mammographie (0 jour; IC à 95 %, 190 à 237 jours) et le dépistage par recherche de sang fécal avec dépistage annuel ou bisannuel (0 jour; IC à 95 %, 70,7 à 70,7 jours).
Le dépistage par coloscopie (37 jours de gain; IC à 95 %, 146 à 146 jours) et le dépistage par PSA (prostate) (37 jours; IC à 95 %, 37 à 73 jours) peuvent être associés à une longévité d’environ 5 semaines et le dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs ou les anciens fumeurs à environ 3 mois (107 jours; IC à 95 %, 286 à 430 jours), mais ces estimations sont incertaines)."

Figure 2

A droite la durée de vie "gagnée" ; à gauche la durée de vie "perdue"

Figure 2 résume ces résultats- Les points en diamants indiquent des estimations ponctuelles des jours de vie gagnés ou perdus pour chaque test de dépistage. Les flèches gauche et droite indiquent l'intervalle de confiance de 95 %.
CT signifie tomodensitométrie pour la recherche du cancer du poumon, FOBT (faecal occult blood test) correspond à la recherche de sang dans les selles, et le PSA est l'antigène prostatique spécifique.

Discussion

Les auteurs développent leurs constatations.

"Notre étude quantifie si l’utilisation de 6 tests de dépistage du cancer couramment utilisés est associée à la durée de vie. Un test (sigmoïdoscopie) a considérablement prolongé la vie et la longévité de 110 jours, bien que la limite inférieure de l’IC à 95 % s’étende à 0. Les tests fécaux et le dépistage par mammographie n’ont pas semblé prolonger la vie dans les essais, tandis que les estimations pour le dépistage du cancer de la prostate et du cancer du poumon sont incertaines.

Au cours des dernières décennies, des programmes organisés de dépistage du cancer ont été mis en place en Europe, au Canada, dans les îles du Pacifique et dans de nombreux pays d’Asie. Aux États-Unis, le dépistage du cancer est offert par de nombreux établissements et encouragé et remboursé par la plupart des payeurs de soins de santé. Plusieurs études se sont penchées sur l’association entre le dépistage et la mortalité toutes causes (6,28).Peu ont traduit leurs résultats en estimations pratiques et faciles à comprendre pour les professionnels de la santé et les particuliers sur la mesure dans laquelle le dépistage du cancer peut augmenter l’espérance de vie. Notre étude fournit ces estimations.

Même si nous n’avons pas observé de vie plus longue en général avec 5 des 6 tests de dépistage, certaines personnes prolongent leur vie en raison de ces tests de dépistage. Le cancer est prévenu ou détecté à un stade précoce, et les personnes survivent au dépistage et au traitement subséquent sans dommages ni complications. Sans dépistage, ces patients peuvent être morts du cancer parce qu’il aurait été détecté à un stade plus tardif et incurable. Ainsi, ces patients connaissent un gain dans la vie.

Cependant, d’autres personnes subissent une perte à vie en raison du dépistage.(35,36) Cette perte est causée par des préjudices associés au dépistage ou au traitement des cancers détectés par le dépistage, par exemple, en raison d’une perforation du côlon au cours d’une coloscopie ou d’un infarctus du myocarde après une prostatectomie radicale.(37,38)

Pour 5 des 6 tests de dépistage étudiés ici, les résultats suggèrent que la plupart des individus n’auront aucun gain de longévité.
Pour ceux dont la longévité a été altérée à cause du dépistage, la perte cumulative pour ceux qui sont lésés doit être compensée en durée par le gain cumulatif pour ceux qui en ont bénéficié, et montrer une durée de vie inchangée chez les personnes qui subissent le dépistage par rapport à ceux qui ne le font pas.
........
........
Notre étude pourrait fournir des estimations faciles à comprendre concernant la prolongation de la vie attribuable au dépistage, estimations qui pourraient être utilisées dans la prise de décision partagée avec les personnes qui envisagent de passer un test de dépistage.
Nos estimations peuvent également servir à prioriser les initiatives de santé publique par rapport à d’autres mesures préventives, comme le traitement de l’obésité ou la prévention des maladies cardiovasculaires.(28)

Le manque de longévité accrue par dépistage peut également se produire en raison de causes concurrentes de décès. Bon nombre des cancers que nous dépistons partagent des facteurs de risque avec des causes de décès plus répandues, comme les maladies cardiovasculaires et métaboliques. L’absence d’une augmentation significative de la longévité par dépistage du cancer peut donc être due à la mort par causes concurrentes en même temps qu’un patient qui serait mort du cancer sans dépistage. Un déplacement de la mortalité du cancer vers d’autres causes de décès sans allongement de la durée de vie est donc plausible.

En raison de la stigmatisation et du fardeau psychologique, un diagnostic de cancer peut également causer des décès non spécifiques au cancer, dus au suicide, aux maladies cardiovasculaires et aux accidents.(41,42) De plus, une surveillance accrue après le dépistage du cancer peut augmenter le risque d’autres maladies accidentelles, qui n’auraient pas été détectés sans dépistage.(43)

L’adhésion à plus d’un seul test de dépistage peut potentiellement augmenter la longévité. La seule étude disponible ne suggère pas qu’il y ait un effet additif du dépistage de plus d’un cancer.
...."

Une autre préoccupation abordée par les auteurs est celle de la qualité de vie après cancer.

" En plus de la durée de vie acquise ou perdue avec le dépistage, la qualité de vie est importante. Les années de vie ajustées en fonction de la qualité (Quality-adjusted life-years ou QALYs)  sont difficiles à mesurer et à interpréter, mais des analyses récentes des QALYs pour les estimations du dépistage par mammographie en Norvège suggèrent que le QALY net dans le dépistage par mammographie moderne en Norvège pourrait être négatif.(29)"

Conclusions et pertinence de l'étude :

Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que les données actuelles ne corroborent pas l’affirmation selon laquelle les tests de dépistage du cancer sauvent des vies en prolongeant la durée de vie, sauf peut-être pour le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie.

Tableau 2

Détail des essais randomisés inclus, comparaison 'dépistage/sans dépistage' des décès par le cancer spécifique et des décès toutes causes confondues, résultat illustré dans la figure 2-Cliquez sur l'image

Références de l'étude

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Carcinomes non progressifs et régression cancéreuse

Traduction et synthèse de deux publications, par Cancer Rose, 25/09/2023

Il est très rare qu'on observe directement des régressions cancéreuses, non pas parce qu’elles sont rares, mais parce que leur observation est difficile, car dès qu’on décèle un cancer, il est traité.

Et de fait, on ne peut pas parier sur la régression d'un cancer lorsqu'on en voit un. Une fois détecté, on ne prend aucun risque et on traite la lésion cancéreuse.
La régression cancéreuse a pu être observée chez des femmes sur le point d’être opérées de leur cancer du sein, mais dont l’intervention chirurgicale a dû être différée en raison de la survenue d’une autre maladie grave (une hémopathie évolutive p.ex.) plus urgente à traiter. Ces cas de régression existent bel et bien, et pas seulement pour le cancer du sein d’ailleurs.[1]

Carcinomes mammaires non progressifs détectés lors du dépistage par mammographie : une étude de population

Heggland, T., Vatten, L.J., Opdahl, S. et al. Non-progressive breast carcinomas detected at mammography screening: a population study. Breast Cancer Res 25, 80 (2023). https://doi.org/10.1186/s13058-023-01682-9

L'étude ici présentée rassemble des données norvégiennes et, à l'aide d'un modèle âge-période-cohorte, les auteurs évaluent la proportion de cancers non évolutifs parmi les cancers détectés.

Certains carcinomes mammaires détectés lors du dépistage, en particulier le carcinome canalaire in situ, pourraient ne jamais évoluer vers une maladie symptomatique.
Il y a toujours plus de cancers détectés chez les femmes dépistées par rapport aux non-dépistées, cet excédent correspond au surdiagnostic (diagnostics non utiles), car si toutes les tumeurs avaient pour vocation d'évoluer vers des "vrais "cancers et s'exprimer en tant que tels, il y en aurait autant dans le groupe des non dépistées que des dépistées.
Le fait qu'il y en ait davantage chez les dépistées sans différence de longévité ou des taux de mortalité entre les deux groupes montre qu'il y a un excédent de détection de cancers chez les dépistées, cancers dont bon nombre ne sont pas évolutifs, mais qui, détectés, seront néanmoins traités.
La difficulté réside dans l'évaluation de la quantité des carcinomes invasifs non évolutifs et des carcinomes in situ, de plus en plus nombreux depuis l'instauration des dépistages mais dont la très grande majorité sont des lésions à très bon pronostic et non évolutives, à tel point que dans certains pays des programmes de simple surveillance active sont proposés.

Résultats de l'étude

Heggland et coll. veulent examiner si tous les carcinomes mammaires détectés lors d'un dépistage entre 50 et 69 ans évoluent vers des symptômes cliniques à 85 ans.
Ils ont estimé la fréquence des tumeurs non progressives (ou non évolutives) parmi les cas détectés par le dépistage, sur la base du programme BreastScreen Norway de la population norvégienne avec 24 ans de suivi, en calculant la différence du taux cumulé de carcinomes mammaires entre les scénarios avec et sans dépistage à l'âge de 85 ans.

Les résultats suggèrent que près d'un carcinome mammaire sur six détectés lors du dépistage peut être non progressif. Les auteurs écrivent : "Nous avons constaté que les carcinomes mammaires qui n'évoluent pas vers des cancers cliniques à l'âge de 85 ans pourraient représenter une proportion substantielle des cas détectés lors du dépistage. Une meilleure connaissance de la progression tumorale est nécessaire pour optimiser le traitement des carcinomes mammaires détectés par dépistage."

Ils ajoutent que leur estimation plus faible des carcinomes mammaires non progressifs par rapport à d'autres études peut être attribuée à la modélisation utilisée ; en effet diverses méta-analyses et un travail de synthèse de grande envergure du Pr.P.Autier suggèrent qu'un tiers des cancers détectés pourraient être des cancers non évolutifs et de détection inutile.

Une vérification de ce modèle suggère une régression de 50 % des cancers du sein invasifs surdiagnostiqués.

Réaction du chercheur et épidémiologiste norvégien Per-Henrik Zahl

https://breast-cancer-research.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13058-023-01708-2

Les modèles sont souvent spéculatifs...Et il y a peut-être un autre phénomène en dehors du caractère non évolutif des cancers, à savoir celui de la régression cancéreuse.

Dans le modèle, constate H.Zahl, à l'âge de 69 ans, le taux d'incidence excédentaire estimé est de 1 614 pour 100 000 femmes.
Si les femmes de cette cohorte n'ont pas participé au dépistage pendant 20 ans, ces tumeurs devraient s'accumuler en l'absence de dépistage et on devrait les détecter à 69 ans. Or, en supposant un taux de participation de 80%, on obtient un taux de détection spécifique à l'âge de 746 cancers du sein invasifs pour 100 000 femmes dépistées, plus environ 160 in situ détectés. Cela donne un taux de détection d'environ 900 pour 100 000 femmes dépistées.
Par rapport aux 1614 attendues dans le modèle, il nous manque presque la moitié des cancers, et rien ne justifie de considérer que 45 % des tumeurs ne se développent pas avant l'âge de 69 ans, qu'on ne les détecte pas lors des dépistages successifs jusqu'à 69 ans, et puis qu'elles commenceraient à se développer après l'âge de 69 ans et deviendraient cliniques plus tard.
Pour H.Zahl il s'agit bien de tumeurs, non seulement qui n'ont pas progressé mais qui ont même régressé et qu'il faut considérer dans le surdiagnostic.  
Il faut, dit-il, dans les discussions sur le surdiagnostic et lorsqu'un modèle d'évaluation des ne correspond pas aux données, prendre en compte le phénomène de régression cancéreuse.
Il convient de noter que la régression du cancer a également été indirectement signalée dans un essai de dépistage randomisé par mammographie[2]- environ 50 % des tumeurs détectées par IRM ont très probablement régressé dans cette étude.

Voir ceci : https://cancer-rose.fr/2020/06/25/regression-cancereuse/

Zahl écrit : " Il existe des preuves biologiques très solides indiquant que les petites tumeurs peuvent régresser spontanément. Certains cancers existent en équilibre avec le système immunitaire. Le vaccin Bacillus Calmette-Guérin (BCG) contre la tuberculose est utilisé depuis plus de 50 ans pour traiter les tumeurs à haut risque de la vessie ainsi que le mélanome malin. En effet, la thérapie immunitaire moderne est basée sur l'interaction avec le système immunitaire. Plus récemment, le pembrolizumab (anticorps monoclonal) a été approuvé par la FDA pour le traitement du cancer du sein triple négatif à haut risque, qu'il soit non avancé ou avancé. "

En conclusion :

L'histoire naturelle du cancer est encore mal connue.
Elle est certainement beaucoup plus complexe qu'imaginée, et très probablement sous l'influence du système immunitaire individuel.
La régression cancéreuse existe, et est vraisemblablement sous-estimée.


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Abaisser l’âge du dépistage ? Une boîte de Pandore

Traduction, restitution et commentaires par Cancer Rose, 17/09/2023

Les nouvelles recommandations de l'USPSTF sur la mammographie - Un point de vue divergent

  • Steven Woloshin, M.D., 
  • Karsten Juhl Jørgensen, M.D., D.Med.Sci., 
  • Shelley Hwang, M.D., M.P.H., 
  • and H. Gilbert Welch, M.D., M.P.H.

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https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp2307229

September 16, 2023

Le groupe de travail américain (USPSTF) émettant les recommandations sur les dispositifs de santé publique a émis de nouvelles recommandations pour le dépistage mammographique au mois de mai 2023, préconisant le début des mammographies de routine à 40 ans.
Il s'agit d'un abaissement des recommandations au dépistage de 10 années par rapport aux modalités antérieures, qui préconisaient le dépistage du cancer du sein à 50 ans seulement, en raison de risques majorés pour les populations plus jeunes et pour un bénéfice trop restreint.
La décision a été motivée sur la base de deux arguments :
-augmentation des cancers du sein chez des femmes plus jeunes, et
-augmentation des cancers les plus agressifs chez les femmes noires.
Nous avons synthétisé cette annonce ainsi que les réactions qu'elles ont suscité ici : https://cancer-rose.fr/2023/05/15/abaisser-lage-du-debut-du-depistage-mais-a-quel-prix/

Cette modification des recommandations d'âge a soulevé beaucoup de contestations, notamment sur l'argumentation avancée d'une meilleure 'égalité' de traitement pour les classes sociales les plus pauvres.
Cette recommandation n'est pas anodine du tout et le tribut à payer pour les femmes risque d'être très lourd, c'est ce qui motive la mise en garde des auteurs, publiée hier.

Pourquoi cela doit nous concerner ?

Premièrement, plusieurs études toutes récentes, de cette années, mettent en cause de façon flagrante l'efficacité-même du dépistage mammographique.
Non, il ne permet pas de 'sauver des vies', ce mythe a fait long feu, il n'y a pas de prolongement de la durée de vie par les dépistages en général.
Non, ce n'est pas le dépistage mammographique qui est responsable d'une baisse de mortalité par cancer du sein ; le risque de décès par cancer du sein est en baisse, dépistage ou pas. Les traitements du cancer du sein s’améliorent de façon spectaculaire, ainsi la valeur de la détection primaire diminue, ce qui, à l’avenir, devrait le dépistage obsolète.
Non, le dépistage mammographique n'est pas anodin, les risques surpassent le bénéfice qu'on pourrait en attendre et le surdiagnostic est pire dans les évaluations actuelles.

Deuxièmement les recommandations américaines, très favorables aux fournisseurs du secteur de l'imagerie de la femme, risquent de servir d'exemple et d'ouvrir une boîte de Pandore qu'il sera impossible ensuite de refermer ; déjà des voix s'élèvent ici ou là pour demander un dépistage mammographique même annuel...
Il n'y a rien de 'complotiste' dans cet argument, en effet la prise en charge du cancer du sein est, il faut pouvoir le dire publiquement, une vaste entreprise rentable, alimentée par la peur que les femmes éprouvent à l'égard de cette maladie." Ce business du cancer est ce que le journaliste John Horgan explique longuement dans cet article.

Troisièmement, un essai européen, appelée MyPEBS, vient d'achever l'intégration des femmes réparties dans les différents groupes d'étude. Or cette étude, censée évaluer un dépistage individualisé basé sur le risque de chaque femme de faire un cancer est de toute évidence calibrée pour inciter à dépister plus et plus jeune, car elle recrute des femmes dès 40 ans, et elle comporte des biais flagrants que nous avons dénoncés dans une lettre ouverte en compagnie d'autres groupes de vigilance sanitaire.
Les femmes n'auront pas à choisir entre dépistage ou pas dépistage, mais entre dépistage standard et ... davantage de dépistage si elles sont désignées 'à risque'.
Cependant le sous-groupe de femmes dit 'à faible risque' comprendra très peu de femmes, et toutes les autres seront réparties dans des sous-groupes à plus haut risque très rapidement puisque le logiciel, non validé scientifiquement, admet des critères de risques très généreux et les femmes se verront davantage examinées par mammographies.
Par exemple, le fait d'avoir eu une biopsie du sein pour lésion même bénigne représente un facteur de risque, or le nombre d'actes biopsiques chez des femmes jeunes pour des lésions bénignes telles que des fibro-adénomes a très considérablement augmenté ces dernières années, ce qui va rendre de facto beaucoup de femmes abusivement "à risque".

En bref, alors que le dépistage mammographique peine de plus en plus à démontrer une quelconque pertinence et que les preuves de sa nocivité s'accumulent, on s'achemine Outre-Atlantique comme en Europe vers plus de dépistages, chez plus de jeunes, au mépris des risques auxquels on expose la population, et bien sûr sans l'en informer.
Il ne faudrait pas que ça se sache....

Le point de vue divergent

Nous restituons in extenso ci-dessous la publication du NEJM-

Récemment, la U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) a modifié sa recommandation concernant l'âge de début du dépistage par mammographie de 50 à 40 ans.1 Précédemment, la Task Force considérait que le dépistage chez les femmes de 40 à 50 ans relevait d'un choix personnel. Les recommandations de l'USPSTF étant très influentes, le dépistage par mammographie chez les femmes de 40 ans deviendra probablement une norme de performance des services de santé ; si c'est le cas, il s'agira d'un impératif de santé publique auquel les praticiens de soins primaires devront se conformer. Un tel changement affectera plus de 20 millions de femmes américaines et soulève des questions importantes.

Premièrement, existe-t-il de nouvelles preuves de l'augmentation de la mortalité due au cancer du sein ? Au contraire, la mortalité due au cancer du sein n'a cessé de diminuer aux États-Unis, ce qui constitue une réussite majeure de la médecine moderne. La réduction a été la plus prononcée chez les femmes de moins de 50 ans, dont la mortalité par cancer du sein a été réduite de moitié au cours des 30 dernières années, selon le système national des statistiques de l'état civil. Des tendances similaires sont observées dans d'autres pays à revenu élevé, y compris ceux où le dépistage chez les femmes de 40 ans est très rare (Danemark et Royaume-Uni) et ceux où le dépistage est rare dans tous les groupes d'âge (Suisse) - ce qui suggère que le déclin résulte en grande partie de l'amélioration des traitements, et non du dépistage (voir les graphiques).

Deuxièmement, existe-t-il de nouvelles preuves que les bénéfices de la mammographie augmentent ? Depuis la précédente recommandation de l'USPSTF, il n'y a pas eu de nouveaux essais randomisés sur le dépistage par mammographie chez les femmes de 40 ans.
Huit essais randomisés portant sur cette tranche d'âge, dont le plus récent (l'essai britannique sur l'âge), n'ont révélé aucun effet significatif.2 Ce résultat reflète à la fois la rareté des décès liés au cancer du sein chez les femmes de 40 ans et le fait que le dépistage réduit moins la mortalité qu'on ne l'espérait - probablement parce que la maladie est plus agressive dans cette tranche d'âge. Les cancers à croissance rapide sont plus susceptibles de ne pas être détectés par le dépistage, car ils apparaissent souvent dans l'intervalle entre deux examens.

Sans nouvelles données issues d'essais cliniques, la nouvelle recommandation se fonde sur des modèles statistiques qui estiment ce qui pourrait se passer si l'âge de début du dépistage était abaissé. Les modèles partent du principe que le dépistage par mammographie réduit la mortalité par cancer du sein d'environ 25 % et concluent que le dépistage de 1 000 femmes âgées de 40 à 74 ans, au lieu de 50 à 74 ans, permettrait de réduire d’un à deux le nombre de décès par cancer du sein au cours de la vie.

Le recours croissant de l'USPSTF à des modèles statistiques complexes est problématique. Les effets estimés peuvent être extrêmement sensibles aux hypothèses de modélisation, qui reflètent souvent la perception générale du moment.
Un modèle important, réalisé avant l'étude Women's Health Initiative, prévoyait que presque toutes les femmes ménopausées verraient leur espérance de vie augmenter grâce à un traitement hormonal substitutif. Les modèles peuvent paraître attrayants en raison de leur précision quantitative apparente, mais ils ne sont fiables que si les données d’entrée et les hypothèses utilisées le sont également. Comme d'autres l'ont souligné, les décideurs politiques ne devraient utiliser les modèles que s'ils comprennent les paramètres et les hypothèses sur lesquels ils reposent3.

Dans le cas présent, il est particulièrement problématique que la réduction modélisée de 25 % du risque relatif de mortalité par cancer du sein grâce au dépistage mammographique dépasse celle observée dans les méta-analyses des essais randomisés : une réduction de 16 % du risque relatif pour les huit essais combinés (intervalle de confiance [IC] de 95 %, 27 % à 4 % de réduction) et une réduction de 13 % du risque relatif dans les trois essais présentant un faible risque de biais (IC de 95 %, 27 % de réduction à 3 % d'augmentation).2

Ainsi, la balance des bénéfices et préjudices justifie-t-elle un nouvel impératif de santé publique ? Les réductions du risque relatif peuvent être trompeuses car elles ne contiennent aucune information sur le risque absolu, qui est déjà faible et en constante diminution pour ce groupe d'âge. Pour clarifier les effets potentiels de la recommandation actualisée en termes absolus, le tableau (ci-dessous) résume les bénéfices et préjudices.
Pour les femmes américaines à la quarantaine, le risque de décès, quelle qu'en soit la cause, au cours des dix prochaines années est d'environ 3 %, indépendamment du dépistage. Le bénéfice modélisé de la mammographie représente une réduction du risque de décès par cancer du sein sur 10 ans d'environ 0,3 % à environ 0,2 %, soit une différence de 0,1 point de pourcentage (un décès par cancer du sein pour 1 000 femmes dépistées pendant 10 ans). En d'autres termes, grâce au dépistage, la probabilité de ne pas mourir d'un cancer du sein au cours des dix prochaines années passe de 99,7 % à 99,8 %.

Cet effet est faible, surtout si l'on tient compte des préjudices potentiels et de ce qui semble être des hypothèses trop optimistes en matière de bénéfices. Les fausses alertes sont manifestement les conséquences les plus fréquentes : le modèle de l'USPSTF estime que 36 % des femmes âgées de 40 à 49 ans en subiront au moins une dans le cadre d'un dépistage bisannuel sur 10 ans. Toutes devront subir des examens supplémentaires pour confirmer qu'elles n'ont pas de cancer ; certaines subiront des examens multiples et devront payer des frais substantiels. Et certaines éprouveront de la peur : environ un tiers des femmes décrivent l'expérience comme "très effrayante" ou "la période la plus effrayante de leur vie "4.

Environ 6,6 % des femmes dépistées auront une fausse alerte nécessitant une biopsie. En outre, le modèle de l'USPSTF estime que 0,2 % des femmes seront surdiagnostiquées et traitées pour un cancer qui n'est pas destiné à causer des préjudices. Ces préjudices peuvent être plus fréquents dans la pratique, étant donné que les données du modèle provenant du Consortium de surveillance du cancer du sein ne reflètent probablement que les taux des pratiques les plus performantes. Les préjudices seront plus fréquents si le dépistage a lieu tous les ans plutôt que tous les deux ans, comme c'est le cas actuellement pour la plupart des femmes américaines.

Le tableau illustre le compromis critique pour les femmes d'une quarantaine d'années : les bénéfices, qui profiteront à peu de femmes, l'emportent-ils sur les risques qui affecteront beaucoup plus de femmes ? La solution est un choix de valeur que les femmes devraient pouvoir faire elles-mêmes, plutôt que de se voir imposer un impératif de santé publique par des médecins recevant des incitations pour atteindre un niveau de "qualité". Compte tenu de la baisse constante de la mortalité au cours des 30 dernières années, attribuable à l'amélioration des traitements, il est probable que de moins en moins de femmes bénéficieront du dépistage au fil du temps, tandis qu'un dépistage plus poussé augmentera les risques.

La Task Force affirme également que la nouvelle recommandation constitue une première étape importante dans la réduction de la disparité entre les femmes noires et les femmes blanches en matière de mortalité due au cancer du sein. Bien que la mortalité chez les femmes dans la quarantaine ait diminué de moitié dans les deux groupes depuis 1990 (voir l'annexe supplémentaire, disponible sur le site NEJM.org), la disparité est inquiétante et persistante : Selon le système national des statistiques de l'état civil, les femmes noires sont beaucoup plus susceptibles de mourir d'un cancer du sein que les femmes blanches (23 contre 13 décès pour 100 000 femmes). Mais il est difficile d'imaginer comment le fait de recommander la même intervention aux deux groupes pourrait réduire la disparité, d'autant plus que les taux de dépistage sont déjà aussi élevés pour les femmes noires et blanches dans la quarantaine (environ 60 %, selon le National Center for Health Statistics).

L'augmentation du dépistage ne peut pas résoudre les différences sous-jacentes dans la biologie du cancer : l'incidence du cancer du sein triple négatif (qui n'exprime pas le récepteur des œstrogènes, le récepteur de la progestérone et le récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain) chez les femmes noires est deux fois plus élevée que chez les femmes blanches, selon l'Institut national du cancer. Ce sous-type est le plus agressif, son traitement est le moins efficace et il est le plus à risque de ne pas être détecté par le dépistage.5

Un dépistage précoce ne permettrait pas non plus de résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les femmes pauvres, souvent les femmes noires dans une mesure disproportionnée, problèmes tels que la moindre qualité des services médicaux disponibles, le suivi tardif des scanners anormaux, les retards de traitement et le plus faible recours aux thérapies adjuvantes. En fait, l'abaissement de l'âge du dépistage pourrait exacerber les problèmes contribuant à la disparité, en détournant les ressources vers un dépistage élargi. Nous devons faire davantage ce qui fonctionne vraiment : veiller à ce que les femmes pauvres atteintes d'un cancer du sein aient plus facilement accès à un traitement de haute qualité.

Une modification des recommandations relatives à la mammographie serait justifiée s'il était prouvé que les conséquences du cancer du sein s'aggravent ou s'il existait de nouvelles preuves que le dépistage chez les femmes plus jeunes présente des bénéfices clairs. En fait, aucune de ces deux conditions n'est remplie.

Nous espérons que les décideurs politiques reconsidéreront la décision d'abaisser l'âge de début du dépistage par mammographie. Les modèles de la Task Force sont insuffisants pour soutenir un nouvel impératif de santé publique, étant donné les bénéfices limités et les risques courants et importants pour les femmes en bonne santé.
Il serait préférable de permettre aux femmes de prendre leurs propres décisions sur la base de leur propre évaluation des données et de leurs valeurs - et de réorienter les ressources pour garantir que toutes les femmes atteintes d'un cancer du sein reçoivent le meilleur et le plus équitable des traitements possibles.

Références

  1. Preventive Services Task Force. Draft recommendation statement — breast cancer: screening. May 9, 2023 (https://www.uspreventiveservicestaskforce.org/uspstf/draft-recommendation/breast-cancer-screening-adults. opens in new tab).

2. Gøtzsche PC, Jørgensen KJ. Screening for breast cancer with mammography. Cochrane Database Syst Rev 2013;2013(6):CD001877-CD001877.

3. Kramer BS, Elmore JG. Projecting the benefits and harms of mammography using statistical models: proof or proofiness? J Natl Cancer Inst 2015;107(7):djv145-djv145.

4. Schwartz LM, Woloshin S, Fowler FJ Jr, Welch HG. Enthusiasm for cancer screening in the United States. JAMA 2004;291:71-78.

5. Hayse B, Hooley RJ, Killelea BK, Horowitz NR, Chagpar AB, Lannin DR. Breast cancer biology varies by method of detection and may contribute to overdiagnosis. Surgery 2016;160:454-462.

Articles et vidéos connexes

Point de vue de K.J.Jorgensen

Point de vue de S.Woloshin

Point de vue de Russell P. Harris, MD, MPH
du Centre Cecil G. Sheps pour la recherche sur les services de santé, Université de Caroline du Nord, Chapel Hill, Caroline du Nord (R.P.H.). https://doi.org/10.7326/M23-2908
Publication du 6 février 2024

L'auteur explique l'évolution des recommandations émises au fil des années par l'USPSTF, et revient sur la confusion que ces nouvelles directives engendrent :

La nouvelle proposition de recommandation de la U.S. Preventive Services Task Force sur le dépistage du cancer du sein chez les femmes dans la quarantaine : Le message doit-il changer ?

En mai 2023, l'U.S. Preventive Services Task Force (USPSTF) a publié un nouveau projet de recommandation pour le dépistage du cancer du sein, recommandant le dépistage par mammographie pour les femmes âgées de 40 à 74 ans (recommandation B) (voir ci-dessous les grades des recommandations, NDLR).
Il s'agit de la dernière d'une série de recommandations de l'USPSTF sur ce sujet, qui remonte à 1989. Bien que la recommandation concernant le dépistage des femmes âgées de 50 à 74 ans soit restée relativement constante au cours de ces années, la recommandation concernant les femmes âgées de 40 à 49 ans a été source de confusion pour de nombreuses personnes. Cette dernière recommandation peut contribuer à cette confusion. Comme j'ai participé à la fois à l'examen des données probantes (pendant 20 ans) et aux travaux de l'USPSTF (pendant 5 ans), je me propose de replacer la nouvelle recommandation dans son contexte en passant brièvement en revue l'évolution des données probantes et des recommandations.

A = forte recommandation, bénéfice substantiel ; B = recommandation, bénéfice net modéré ; C = recommandation sélective à discuter entre professionnel et patiente, bénéfice net faible ; D = non recommandation, bénéfice incertain et risques prédominants ;

.....la première recommandation de l'USPSTF (1989) sur le dépistage du cancer du sein faisait état de 3 essais contrôlés randomisés (ECR) fournissant des preuves de l'efficacité du dépistage du cancer du sein chez les femmes dans la quarantaine, puis de 6 essais lors de la deuxième recommandation en 1996 ; tous incluaient presque exclusivement des femmes blanches et comportaient de 2 à 5 cycles de dépistage. Une méta-analyse de 1995, citée en référence par l'USPSTF, de ces essais cliniques randomisés et de 4 études cas-témoins basées sur la population a révélé une réduction statistiquement significative du risque de décès par cancer du sein grâce au dépistage par mammographie chez les femmes âgées de 50 à 74 ans (rapport de risque, 0,74 [IC à 95 %, 0,66 à 0,83]) avec un suivi de 7 à 9 ans, mais aucune réduction statistiquement significative chez les femmes âgées de 40 à 49 ans (rapport de risque, 0,93 [IC, 0,76 à 1,13]). Ainsi, en 1989 et 1996, l'USPSTF n'était pas certain de l'efficacité du dépistage chez les femmes de 40 ans et n'a pas formulé de recommandation pour ce groupe, tout en recommandant la mammographie pour les femmes âgées de 50 à 69 ans.

Avec un suivi plus long des 6 essais, une méta-analyse de l'USPSTF de 2002 a constaté une légère réduction de la mortalité par cancer du sein chez les femmes de 40 ans et une réduction plus importante chez les femmes plus âgées : 1 décès par cancer du sein évité sur 14 ans de suivi pour 1792 femmes dépistées dans la quarantaine, mais seulement 838 femmes dépistées entre 50 et 69 ans.

L'USPSTF a également constaté les inconvénients du dépistage. Environ 1 femme sur 4 âgée de 50 à 69 ans et jusqu'à 1 femme sur 2 dans la quarantaine auraient au moins un résultat de mammographie faussement positif sur 10 ans de dépistage. Certaines de ces femmes subiraient des biopsies inutiles et la plupart d'entre elles souffriraient d'une anxiété au moins temporaire. Le risque de surdiagnostic et de surtraitement des cas de cancer du sein qui n'ont pas évolué - plus probable lorsque le dépistage commence plus tôt - constitue un autre préjudice. Bien que l'ampleur exacte de ce risque soit incertaine, même les estimations les plus prudentes indiquent qu'environ deux fois plus de femmes seraient surdiagnostiquées que celles qui éviteraient un décès dû au cancer du sein. Ainsi, le bénéfice était plus élevé pour les femmes plus âgées, mais les inconvénients étaient plus importants pour les femmes plus jeunes. Pour de nombreuses personnes, le bénéfice chez les femmes âgées de 50 à 69 ans semblait plus important que les inconvénients, ce qui était plus discutable pour les femmes dans la quarantaine.

Estimant que le bénéfice net (bénéfices moins inconvénients) du dépistage par mammographie augmentait probablement de manière progressive avec l'âge plutôt que d'augmenter soudainement à l'âge de 50 ans, l'USPSTF de 2002 a émis une recommandation positive qualifiée (B) pour le dépistage des femmes âgées de 40 ans ou plus. Le groupe a nuancé sa recommandation en écrivant que "[l]'âge précis auquel les avantages du dépistage par mammographie justifient les inconvénients potentiels est un jugement subjectif qui doit tenir compte des préférences des patientes").

Dans sa mise à jour de 2009, l'USPSTF a examiné les six RCT précédents et un nouvel RCT. Une méta-analyse a révélé que l'ampleur des avantages et des inconvénients était similaire à celle constatée en 2002. L'USPSTF de 2009 a estimé que le message qu'elle avait tenté de faire passer en 2002 - à savoir que la décision de commencer le dépistage devait être individualisée plutôt qu'universelle - n'avait pas été entendu. Au contraire, de nombreuses organisations influentes faisaient passer le message selon lequel tout le monde devait commencer le dépistage à l'âge de 40 ans. Essayant à nouveau de faire passer le message qu'il souhaitait, l'USPSTF a décidé de donner aux femmes âgées de 40 à 49 ans une recommandation de dépistage de type C, indiquant la nécessité de discussions individuelles. Utilisant des termes presque identiques à ceux de 2002, le groupe a écrit que "la décision de commencer [...] la mammographie de dépistage avant l'âge de 50 ans doit être individuelle". N'ayant trouvé aucun nouvel essai contrôlé randomisé, l'USPSTF de 2016 a utilisé la même formulation pour formuler la même recommandation en faveur de décisions individualisées (recommandation C).

Le projet de revue systématique 2023 n'a pas trouvé de nouveaux RCTs pertinents pour la décision de commencer le dépistage, pourtant le projet de recommandation 2023 était que toutes les femmes âgées de 40 à 74 ans subissent un dépistage (recommandation B). Le raisonnement qui sous-tend cette recommandation émane d'un désir louable de réduire la disparité de la mortalité par cancer du sein, plus élevée chez les femmes noires que chez les femmes blanches ; il s'appuie fortement sur des modèles d'analyse de décision.

Les modèles, qui reposent sur plusieurs hypothèses discutables, ont révélé que le dépistage à partir de l'âge de 40 ans permettrait d'éviter davantage de décès chez les femmes noires que chez les femmes blanches (1,8 contre 1,3 pour 1 000 femmes dépistées, sur toute la durée de la vie). La question de savoir si l'efficacité de la mammographie diffère selon l'ethnie n'a toutefois jamais été testée dans le cadre d'un essai contrôlé randomisé. En outre, aucune explication n'a été donnée sur la manière dont un dépistage supplémentaire réduirait la disparité, car les taux de dépistage actuels sont plus élevés chez les femmes noires que chez les femmes blanches.
Le projet de recommandation ne dit rien sur l'individualisation de la décision de commencer le dépistage, comme l'avaient fait les recommandations de 2002, 2009 et 2016.

La confusion concernant les recommandations de l'USPSTF pour le dépistage des femmes dans la quarantaine sera peut-être réduite si l'on comprend la cohérence sous-jacente des recommandations de 2002 à 2016, et si l'on comprend la différence entre les preuves pour ces femmes et celles âgées de 50 à 69 ans.
Mais en ne reconnaissant pas la nécessité pour les femmes de prendre une décision personnelle, la nouvelle recommandation de 2023 risque d'aggraver la confusion.

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Témoignage d’une dame anglaise

Nous avons reçu ce témoignage de Pauline A.

"Hello
Last March 2022 at 53 I was diagnosed with high grade DCIS and offered mastectomy with sentinel node biopsy . After realising the controversy around breast screening and DCIS after diagnosis and having a particularly bad time with health professionals I declined. This has been a particularly hard time and I cannot know for certain if it is the right decision. There was an easily missable link to information about the benefits and risks of screening on the letter of invitation that I did not notice and was never alerted to and as such I feel I did not give ‘informed consent, This completely avoidable event has been devastating and at times the pain is almost insurmountable . I do not know anyone who is living with the uncertainty of this, and would appreciate words of comfort or at least an appreciation of the dilemma I am faced with . How can it be ethical to diagnose someone with a disease where the natural history is unknown and pressure ( bully) them into treatment that they do not want . This needs to stop . If my experience can be helpful in that aim please let me know . . This process has left me feeling assaulted by the NHS .
Kind Regards
Pauline A."

"En mars 2022, à 53 ans, j’ai reçu un diagnostic de CIS (carcinome in situ) de haut grade et on m’a proposé une mastectomie avec biopsie du ganglion sentinelle. Après avoir pris conscience de la controverse entourant le dépistage du cancer du sein et le CIS, après le diagnostic et après avoir passé un moment particulièrement difficile avec les professionnels de la santé, j’ai refusé. Cela a été une période particulièrement difficile et je ne peux pas savoir avec certitude si c’est la bonne décision.
Dans la lettre d’invitation il y avait un lien qu'on pouvait facilement rater, vers des renseignements sur les bénéfices et les risques du dépistage, que je n’ai pas remarqué et dont je n’ai jamais été alertée.
J’ai donc l’impression de ne pas avoir donné un « consentement éclairé ». Cet événement tout à fait évitable a été dévastateur et, parfois, la douleur est presque insurmontable.
Je ne connais personne qui vive dans l’incertitude de cette situation et j'apprécierais des paroles de réconfort ou du moins une appréciation du dilemme auquel je suis confronté. Comment cela peut-il être éthique de diagnostiquer quelqu’un avec une maladie où l’histoire naturelle est inconnue et le forcer à subir un traitement dont il ne veut pas.
Si mon expérience peut être utile dans ce but, veuillez me le faire savoir [...]
Ce processus m’a laissée dans un sentiment d'être agressée par le NHS*."
*NHS : système de la santé publique du Royaume-Uni

La patiente britannique nous a fourni la lettre d'invitation envoyée aux patientes éligibles au dépistage du cancer du sein.

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Cette lettre d'invitation a une particularité que les documents de convocation français n'ont pas, à savoir elle utilise une méthode d'influence appelée 'opt-out', qui consiste à attribuer aux citoyens un rendez-vous fixé à l'avance au moment de l'invitation. Si la personne ne souhaite pas participer elle doit se désengager activement. On considère de facto le non-refus du patient comme acceptation de participer. En France nous ne connaissons pas ce système de prise de rendez-vous imposé, en revanche le système de relance est largement utilisé si une patiente ne se présente pas au rendez-vous de mammographie de dépistage (relances par courriers et parfois sms).

Une étude universitaire a été consacrée aux méthodes d'influence utilisées sur les femmes et l'institut national du cancer français épinglé pour présentation trompeuse des statistiques et représentation déséquilibrée des dommages par rapport aux bénéfices.

Lire aussi : La manipulation des femmes est une thématique scientifique à part entière, ici : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Concernant spécifiquement la thématique des carcinomes in situ, il y a un site dédié très instructif pour les femmes atteintes de CIS, tenu par Donna Pinto, accessible en français avec la traduction automatique.
https://dcis411.com/author/dp4peace/

 

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L’avenir des dépistages

Traduction et restitution par Cancer Rose, 31 août 2023

La distinction entre vraie prévention et détection précoce doit être faite pour que le public comprenne que la détection précoce ne diminue pas le risque de cancer mais au contraire l'augmente.
Les grands espoirs que le diagnostic précoce du cancer au moyen du dépistage prolonge l'espérance de vie sont de plus en plus controversés.
Les auteurs proposent que les conflits d'intérêts de toutes les parties prenantes soient divulgués de manière aussi rigoureuse au sein des groupes soutenant le dépistage du cancer que dans d'autres domaines de la recherche médicale et de la publication scientifique.

Des auteurs suédois et norvégiens publient un article concernant l'avenir du dépistage des cancers en recommandant que ce futur soit guidé par l'absence de conflits d'intérêts des parties prenantes.

The Future of Cancer Screening—Guided Without Conflicts of Interest

Hans-Olov Adami, MD, PhD1,2; Mette Kalager, MD, PhD1; Michael Bretthauer, MD, PhD1

  • 1Clinical Effectiveness Research Group, Institute of Health and Society, University of Oslo, Oslo, Norway
  • 2Department of Medical Epidemiology and Biostatistics, Karolinska Institutet, Stockholm, Sweden

"Les grands espoirs que le diagnostic précoce du cancer au moyen du dépistage prolonge l'espérance de vie sont de plus en plus controversés.1 Presque tous les essais n'incluent pas la mortalité toutes causes confondues comme critère d'évaluation, et encore moins comme critère d'évaluation principal, ce qui empêche de tirer des conclusions sur l'allongement de l'espérance de vie.2,3 Après l'enthousiasme suscité par le dépistage du cancer entre les années 1970 et le début des années 2000, la prise de conscience de l'incertitude des bénéfices, l'inquiétude croissante concernant le surdiagnostic et la reconnaissance des préjudices causés par les tests de dépistage faussement positifs et le poids des procédures diagnostiques et thérapeutiques en aval ont fait du dépistage du cancer un domaine polarisé de la médecine contemporaine.4 Il est difficile, voire impossible, de supprimer progressivement les programmes de dépistage, même lorsque la recherche n'a pas permis de mettre en évidence des bénéfices significatifs. Nous pensons que les discussions transparentes et fondées sur des données probantes concernant les tests de dépistage du cancer, avec un équilibre délicat entre les avantages et les inconvénients, sont devenues une menace pour les parties prenantes les plus puissantes."

Dépistage du cancer : Concepts et effets

.....
"Le dépistage par détection précoce ne peut pas réduire le risque d'être atteint d'un cancer, ce qui est une idée fausse très répandue. Ces dernières années, nous avons appris que le dépistage précoce augmentait en fait le risque de cancer. C'est ce qu'on appelle le surdiagnostic. Les personnes surdiagnostiquées sont traitées sans bénéfice, mais sont affectées par tous les préjudices potentiels."

Prévention et détection précoce, pas la même chose

Il faut différencier deux concepts distincts : la détection précoce et la prévention du cancer. Les tests de détection précoce (comme la mammographie pour le cancer du sein ou le dosage de l'antigène prostatique spécifique [PSA] pour le cancer de la prostate) détectent le cancer à un stade précoce avec l'objectif de réduire le nombre de décès dus au cancer. Ils augmentent donc le nombre de nouveau cas de cancers (l'incidence), mais pas le risque d'être atteint d'un cancer, et notamment pas le risque d'un cancer grave.
Parmi ces nouveaux cas diagnostiqués grâce à une détection régulièrement renouvelée, on sur-détecte aussi des lésions inutiles à détecter, qui n'auraient jamais tué.
Dans l'augmentation des nouveaux cas détectés (dans les taux d'incidence donc) se cache une importante partie de cas de surdiagnostics. C'est pour cela qu'avec ces dépistage fonctionnant sur la détection précoce on assiste non pas à moins de cas mais au contraire à une inflation de lésions découvertes, dont une grande partie de lésions surdiagnostiquées, sans obtenir toutefois de drastique diminution de la mortalité qu'on espérait, en grande partie parce que les formes graves des cancers échappent au dépistage et ne sont pas trouvées suffisamment tôt du fait de leur vélocité et agressivité.

A l'inverse la prévention, c'est à dire le fait d'empêcher, en amont, la survenue de cancers, diminuera l'incidence ainsi que la mortalité. Par exemple ne pas fumer correspond à une véritable prévention du cancer du poumon, à un moindre risque de cancer broncho-pulmonaire, ce qui conduira à produire moins de cancers dans la population et à voir un taux de mortalité moindre.
Pour le dépistage du cancer du col de l'utérus, on est en face d'un vrai dépistage préventif qui réduit lui aussi à la fois l'incidence du cancer (les nouveaux cas) et la mortalité spécifique par cancer du col, en détectant et éliminant des lésions qui sont précurseurs de ce cancer.

Les auteurs écrivent :

"À l'instar de la prévention primaire par des changements de mode de vie, tels que l'arrêt du tabac et une alimentation saine, les tests de 'dépistage préventif' présentent un attrait évident par rapport aux tests de détection précoce ; la plupart des gens choisiraient probablement un test de dépistage qui prévient le cancer dès le départ plutôt qu'un test où ils auront quand même le cancer sans toutefois mourir de ce cancer.
De nombreuses parties prenantes font la promotion des deux concepts sans expliquer les différences et leurs implications. Cela a pu conduire à des malentendus et à des attentes irréalistes chez les patients et les décideurs."

Les parties prenantes

Le corps médical

"Les personnes qui sont invitées à participer à des programmes de dépistage ou qui en voient la publicité supposent probablement que ces programmes bénéficient du soutien de la profession médicale, sur la base d'une évaluation approfondie qui a démontré que les bénéfices l'emportent indubitablement sur les préjudices et les inconvénients, et qu'ils "sauvent des vies". Cependant, cette hypothèse est malheureusement erronée. Étonnamment, sur les deux principaux programmes de dépistage précoce disponibles, seule la mise en œuvre du dépistage par mammographie a été précédée d'essais randomisés de soutien portant sur la mortalité par cancer du sein.5 En revanche, à la fin des années 1980, les professionnels de la santé ont commencé à promouvoir le test du PSA, avant que les conditions préalables fondamentales à l'évaluation du dépistage du cancer (déjà établies en 19686) n'aient été remplies pour le dépistage du PSA ; la performance du test de dépistage, l'histoire naturelle des lésions détectées et les avantages d'un traitement radical étaient largement inconnus.

Quelques décennies plus tard, des essais randomisés ont montré que le test du PSA n'avait qu'un faible effet bénéfique sur la réduction du nombre de décès dus au cancer de la prostate et que le surdiagnostic et le surtraitement du cancer de la prostate étaient importants.7 Pourtant, dans de nombreux pays, les médecins continuent de prescrire le dépistage du PSA.

Nous avons récemment publié les résultats du premier essai clinique randomisé (à notre connaissance) sur le dépistage du cancer colorectal par coloscopie.8 L'essai a indiqué une réduction de l'incidence du cancer colorectal d'environ 20 %, mais le dépistage n'a pas réduit la mortalité par cancer colorectal dans les analyses en intention de traiter. Ces résultats ont été moins remarquables que ce qu'attendaient certains leaders d'opinion. Leurs commentaires étaient émotionnels, reflétant peut-être le fait que les gastro-entérologues font partie des spécialités médicales les mieux payées aux États-Unis, principalement en raison de la mise en œuvre du dépistage par coloscopie."

Représentants des patients

"Les représentants des patients sont des lobbyistes convaincants qui apportent leur contribution aux décideurs, aux organismes de réglementation, aux cliniciens, aux journalistes et aux chercheurs. Ils s'opposent avec passion à l'abandon du dépistage du cancer et promeuvent des plans visant à étendre le dépistage à des groupes d'âge plus jeunes ou plus âgés, ou à augmenter la fréquence des dépistages. Bien que ces activités partent d'une bonne intention, elles peuvent s'avérer malavisées. La théorie selon laquelle la détection précoce du cancer est bénéfique est compliquée et n'est pas facile à comprendre pour les profanes. Bien que tout le monde connaisse les avantages d'un diagnostic précoce du cancer, cette expérience ne nous apprend pas grand-chose sur les bénéfices - et encore moins sur les préjudices - des tests de dépistage, tels qu'ils sont décrits ci-dessus.

Les défenseurs des patients se composent généralement d'un groupe sélectionné de survivants du cancer relativement sains - avec probablement une surreprésentation de patients surdiagnostiqués avec une maladie non mortelle qui se considèrent comme sauvés alors qu'ils ont en fait été lésés par le dépistage, un concept appelé le paradoxe de la popularité."

NDLR : le paradoxe du dépistage issu du livre "mammo ou pas mammo?" aux ed.T.Souccar, page 78

"Aux États-Unis, des estimations récentes indiquent que 1,5 à 1,9 million d'hommes ont été surdiagnostiqués avec un cancer de la prostate précoce - des patients qui ne peuvent tirer aucun bénéfice du dépistage mais qui pensent avoir évité la mort à cause du cancer de la prostate."

Organisations de lutte contre le cancer

"Les organismes de lutte contre le cancer et les organisations caritatives dépendent des campagnes pour obtenir des dons. Pour réussir, elles doivent rester visibles et apparaître pertinentes, positives et engagées. Dans cette optique, les sociétés de lutte contre le cancer promeuvent souvent le dépistage du cancer. Les préjudices dus à la stigmatisation psychologique du diagnostic, au surdiagnostic ou aux effets indésirables du traitement sont moins susceptibles d'être évoqués. Nous n'avons pas connaissance d'initiatives de la part des organisations de lutte contre le cancer visant à promouvoir la réduction ou l'abandon des programmes de dépistage du cancer qui se sont avérés peu ou pas bénéfiques. Les organisations de lutte contre le cancer contribuent donc à la poursuite du dépistage du cancer."

Les hommes politiques

"Les hommes politiques, les décideurs et les experts qui les conseillent doivent agir au milieu d'une tempête de lobbyistes. Ils doivent établir des priorités entre les innombrables possibilités d'améliorer la santé publique et un système de soins de santé surchargé. Ils doivent comparer les bénéfices à court terme et à long terme : le dépistage du cancer sauverait-il plus de vies à court terme que, par exemple, l'application de mesures antitabac ou la promotion d'un mode de vie sain ? Il est difficile d'imaginer qu'un homme politique s'attirerait davantage de voix lors des prochaines élections en proposant d'abandonner les programmes de dépistage du cancer en cours, perçus comme des services bénéfiques pour leurs électeurs ; il est plus intéressant de proposer de nouveaux programmes de dépistage. C'est pourquoi nous n'avons jamais entendu parler d'une campagne politique contre un test de dépistage du cancer."

Le personnel

"Les programmes de dépistage en cours consomment d'énormes ressources, financières et humaines. Aux États-Unis, les dépenses liées au dépistage du cancer s'élèvent à 40 à 80 milliards de dollars par an, employant des dizaines de milliers de professionnels de la santé et d'associés. Nous supposons qu'ils ne choisiraient guère cet emploi sans être optimistes quant aux avantages qu'ils en tireront. La menace de les mettre au chômage en abandonnant le programme susciterait probablement des protestations, notamment de la part de ceux qui participent au diagnostic, au traitement, à la réadaptation et à la surveillance à long terme après le dépistage."

Les solutions

"Un paradoxe fondamental prévaut dans la médecine du 21e siècle. Les traitements pharmaceutiques, les vaccins ou les dispositifs médicaux invasifs doivent généralement faire l'objet d'une évaluation des bénéfices et des risques dans le cadre d'essais cliniques randomisés avant de faire l'objet de recommandations et d'une mise en œuvre systématique. Même des preuves provisoires de nocivité peuvent entraîner le retrait du marché.
En revanche, le dépistage du cancer - qui inclut désormais de nouveaux tests de détection précoce des cancers multiples - peut être mis en œuvre sous la forme d'expériences humaines à grande échelle avant que l'on dispose d'informations de base sur les performances des tests, leurs avantages, leurs inconvénients et leur rapport coût-efficacité.9 Tous les acteurs mentionnés ci-dessus ont des conflits d'intérêts financiers et autres qui plaident en faveur de la poursuite du dépistage du cancer, malgré le peu d'éléments permettant de déterminer si les bénéfices l'emportent sur les risques. Nous proposons que les conflits d'intérêts soient divulgués de manière aussi rigoureuse au sein des groupes soutenant le dépistage du cancer que dans d'autres domaines de la recherche médicale et de la publication scientifique.

Pour éviter les dommages et augmenter les bénéfices, nous pensons que les représentants des soins de santé et les experts doivent être honnêtes, transparents et impartiaux sur les bénéfices et les risques du dépistage, exprimés d'une manière qui permette une réelle prise de décision partagée. Pour les décideurs et les payeurs qui décident si un test de dépistage doit être remboursé ou si un programme de dépistage doit être mis en place, les coûts marginaux comparés aux bénéfices et aux risques marginaux, en chiffres absolus, sont une condition préalable à une prise de décision éclairée.

Les lignes directrices relatives au dépistage du cancer sont souvent élaborées par des professionnels du dépistage, des organisations de dépistage et des représentants des patients, qui ont des intérêts particuliers. Nous proposons que les lignes directrices en matière de dépistage n'autorisent pas les personnes ou les organisations ayant des intérêts cliniques, financiers ou intellectuels à jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration des lignes directrices. Cela permettrait d'améliorer la qualité et la fiabilité des recommandations. Une récente ligne directrice sur le dépistage du cancer colorectal respectant ces normes a donné lieu à des recommandations moins enthousiastes en matière de dépistage, mais a été ignorée par de nombreux professionnels de la santé impliqués dans les programmes de dépistage et par les sociétés de dépistage.10

Les taux de participation au dépistage* ne doivent plus être utilisés comme un indicateur de qualité ou pour contrôler les performances des médecins ou des programmes. Les professionnels de la santé, les représentants des patients et les sociétés de lutte contre le cancer devraient suivre cette voie en plaidant pour une information transparente sur les bénéfices et les risques plutôt que pour une promotion non critique du dépistage. Les décisions de reconsidérer les programmes en cours ou d'en lancer de nouveaux doivent être prises sans l'influence de parties prenantes ayant des intérêts particuliers."

NDLR : en France les taux de participation sont un indicateur largement utilisé pour évaluer les programmes, et les incitations financières par l'intermédiaire de la ROSP sont toujours en vigueur.
Lire : https://cancer-rose.fr/2020/04/20/la-nouvelle-rosp-quel-changement-pour-le-medecin-concernant-le-depistage-du-cancer-du-sein/

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Références

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Lutter contre le surdiagnostic

Lutter contre le surdiagnostic créera des soins de santé plus durables pour les populations et la planète

Il nous faut prendre conscience que l'usage de tests de diagnostics et de dépistages excessifs conduit à la surmédicalisation et au surtraitement dans de nombreuses maladies, ce qui peut nuire aux patients, épuiser les ressources de soins de santé et nuire également à la planète.

Les auteurs* de ce billet publié dans le BMJ alertent pour une prise de conscience par le public et les législateurs pour la lutte contre le surdiagnostic.

De nombreux systèmes de soins de santé dans plusieurs pays font face à des crises de demandes abusives, à une augmentation constante des maladies chroniques, à des coûts croissants et sont confrontés à un déficit de main-d’œuvre médicale qui menacent leur fonctionnement.

Une partie de l’augmentation de la prévalence (c'est à dire une augmentation du nombre de nouveaux cas et de cas existants) de « maladie » est due au surdiagnostic.
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/
Et : https://cancer-rose.fr/2023/01/09/le-surdiagnostic-des-cancers-un-defi-a-lere-du-depistage/
On estime que 30 % des soins médicaux sont de faible valeur ou gaspillent des ressources de santé. On estime que le secteur de la santé est responsable de plus de 5 % des émissions de gaz à effet de serre dans les pays industrialisés, ce qui est une autre façon dont les soins de faible valeur menacent la santé.

La flambée des coûts des soins de santé et le fardeau des traitements déraisonnables pour les patients, liés à l ’épuisement professionnel du personnel de santé et les dommages pour la planète doivent nous conduire à plus de réflexion et de discussion sur les ressources financières, humaines, sociétales et planétaires limitées disponibles et sur une meilleure répartition des ressources existantes.

Les auteurs écrivent : "Les crises actuelles dans la prestation des soins de santé sont exacerbées par le vieillissement de la population et la multimorbidité associée. Les décideurs politiques, les politiciens et le public doivent comprendre comment même les efforts bien intentionnés pour fournir des soins de santé plus nombreux et de meilleure qualité amplifient et renforcent inévitablement ces crises par le surdiagnostic, la surmédicalisation et le surtraitement,"

L'enjeu d'une meilleure médecine se porte surtout sur la perinence des soins prodigués à la population.

Contrôle des soins de santé en excès

La réduction du surdiagnostic est une première étape essentielle pour contrôler l’excès de soins de santé.
Pour ce faire, disent les auteurs, la santé publique est la mieux placée pour revoir les programmes de dépistages dont plusieurs ne fonctionnent pas, ne sont plus recommandés ou deviennent obsolète de par le fait que les traitements contre la maladie sont plus efficaces que de dépister tout une population saine au risque de l'exposer à de la surmédicalisation.

De plus, ajoutent-ils, le concept de surdiagnostic devrait être enseigné dans le cadre de soins de santé fondés sur des données probantes dès les premiers stades de la formation médicale.
Des ressources éducatives sur le surdiagnostic, sur l'utilisation de données probantes et la pensée critique devraient également être offertes aux législateurs, aux décideurs politiques ainsi qu’aux patients et au public. Il faut communiquer plus largement sur l’ampleur du surdiagnostic, en illustrer le coût humain, par exemple, proposent les rédacteurs de cet article, en mettant des visages et des histoires individuels sur des concepts et des données abstraits.

Les programmes de dépistage établis devraient être réévalués à la suite du développement d'une prévention primaire efficace, et en raison, comme nous le disions plus haut, de la disponibilité de meilleurs traitements pour les maladies symptomatiques.

Par exemple, à mesure que la prévalence du tabagisme diminue, l’incidence du cancer du poumon diminue. Ceci a des répercussions sur la balance entre bénéfices et risques liés au programme de dépistage du cancer du poumon, dont la pertinence est à revoir, ou les populations ciblées.

En conclusion

"Notre culture médicale mondiale a conduit à des tests de diagnostic excessifs, à la surmédicalisation et au surtraitement dans de nombreuses maladies qui peuvent nuire aux patients, épuiser les ressources de soins de santé et nuire à la planète.
Nous en appelons aux autorités locales, aux décideurs nationaux et internationaux pour prendre conscience de ces problèmes et prendre des mesures urgentes pour les résoudre. Ce n’est qu’alors que nous pourrons espérer créer des soins de santé plus durables à l’avenir."

*Les auteurs

  1. Thomas Kühlein1,  
  2. Helen Macdonald2,  
  3. Barnett Kramer3,  
  4. Minna Johansson4,  
  5. Steven Woloshin45,  
  6. Kirsten McCaffery6,  
  7. John B. Brodersen7,  
  8. Tessa Copp8,  
  9. Karsten Juhl Jørgensen9,  
  10. Anne Møller10,  
  11. Martin Scherer11
  12. for the Scientific Committee of the Preventing Overdiagnosis Conference

  1.      1Institute of General Practice, Universitätsklinikum Erlangen, Germany
  2. 2The BMJ, London, United Kingdom
  3.     3The Lisa Schwartz Foundation for Truth in Medicine Norwich, VT/USA
  4.   4Global Center for Sustainable Healthcare, Gothenburg, Sweden
  5. .     5Dartmouth Institute for Health Policy and Clinical Practice, Lebanon, NH/USA
  6. .     6Sydney Health Literacy Lab, Wiser Healthcare, Faculty of Medicine and Health, School of Public Health, The University of Sydney, Sydney, NSW, Australia
  7.     7Centre of Research & Education in General Practice, Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Copenhagen; Primary Health Care Research Unit, Region Zealand and Research Unit for General Practice, Department of Community Medicine, Faculty of Health Sciences, UiT The Arctic University of Norway, Tromsø Odense University Hospital Odense, Denmark and Cochrane Collaboration, Oxford, United Kingdom
  8. .     8Wiser Healthcare, Faculty of Medicine and Health, School of Public Health, The University of Sydney, Sydney, NSW, Australia
  9.     9Herrestads Healthcare Centre, Närhälsan, Denmark; Global Center for Sustainable Healthcare, Gothenburg Denmark; University, FoUUI Fyrbodal, Cochrane Sweden
  10.    10Centre of Research & Education in General Practice, Department of Public Health, Faculty of Health Sciences, University of Copenhagen; Primary Health Care Research Unit, Region Zealand, Denmark
  11.   11Institut and Polyclinic of General Practice, Universitätsklinikum Hamburg Eppendorf, Hamburg, Germany
  12.    12Preventing Overdiagnosis Conference.

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Dépistage et femme âgée

8 août 2023, par Cancer Rose

Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes âgées de 70 à 85 ans et plus, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic variait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion l'âge avançant.
D'autres études antérieures mettaient déjà fortement en doute l'intérêt du dépistage chez les femmes âgées, et l'effet délétère des traitements lourds sur ces organismes fragilisés et à prendre d'autant plus en compte.

https://www.acpjournals.org/doi/abs/10.7326/M23-0133?af=R&journalCode=aim

 Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes de 70 ans à 74 ans, de 75 à 84 ans et de plus de 85 ans, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic varierait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion plus l'âge avance.

Ces résultats rejoignent ceux d'une étude antérieure, de 2014, d'universitaires de Leyden, Pays Bas.
Selon les auteurs, après 70 ans, le dépistage organisé du cancer du sein serait inutile. En effet, à cet âge, la pratique du dépistage n'améliore pas de façon significative la détection des cancers aux stades avancés mais fait en revanche bondir le nombre de surdiagnostics et donc de surtraitements.

Aux Pays-Bas, le dépistage du cancer du sein est proposé aux femmes jusqu'à 75 ans depuis la fin des années 1990. «Pourtant, rien ne prouve que le dépistage chez les femmes plus âgées est efficace », expliquent les auteurs de l'étude, mentionnant aussi le fait que peu d'essais aient été réalisés spécifiquement sur ces groupes d'âge.
Pour les chercheurs néerlandais, le dépistage systématique après 70 ans entraînerait surtout la détection et donc les traitements de lésions qui n'auraient pas évolué en maladie durant la vie des patientes.

Ces traitements inutiles entraînent un impact sur la santé trop important, et une co-morbidité trop lourde chez ces personnes âgées, qui supportent moins bien les effets secondaires des traitements, chirurgicaux, des radiothérapies et des chimiothérapies.

Les auteurs de l'étude américaine ici posent également la question de savoir si les bénéfices sont vraiment suffisamment importants, et qui ils concernent réellement pour contrebalancer les effets néfastes des surdiagnostics. Cette question reste en suspens.

Lien connexe : https://cancer-rose.fr/2019/04/07/la-campagne-pour-le-depistage-de-la-femme-agee-par-le-college-national-des-gynecologues-et-obstetriciens-de-france-cngof/

Faut-il freiner chez la femme âgée ?

C'est une question que pose le JAMA, en 2019, et dont nous parlions ici : https://cancer-rose.fr/2019/02/06/depistage-chez-la-femme-agee/

Les auteurs relatent les résultats d'une étude portant sur l'efficacité de techniques numériques assistées par ordinateur pour aider le radiologue à détecter des zones suspectes.
Cette vaste étude de 2013, donnait, chez les femmes âgées de 65 à 84 ans, des résultats mitigés : la technologie a détecté certains cancers au stade précoce mais n’a pas augmenté la détection en général et a conduit à davantage de faux-positifs. Il n'est pas certain que la santé des femmes âgées se soit améliorée grâce à cette technologie.
FentonJJ,XingG,ElmoreJG,etal.Short-term outcomes of screening mammography using computer-aided detection: a population-based study of Medicare enrollees. Ann Intern Med. 2013; 158(8):580-587. doi:10.7326/0003-4819-158-8- 201304160-00002

Des doutes d'efficacité existent aussi pour l'utilisation de la tomosynthèse chez les femmes âgées, et l'article suggère que bien que les nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein aient largement supplanté la mammographie analogique sur film, il est difficile de savoir si ces avancées ont réellement amélioré la santé des femmes en particulier chez celles de 75 ans et plus.

En conclusion

Il est, une fois de plus, démontré que le dépistage du cancer du sein dans les tranches d'âge au-delà de 74 ans est associé à une plus grande incidence du cancer du sein, ce qui suggère un surdiagnostic augmentant en fréquence avec l'âge.
Les méfaits du surdiagnostic ne semblent pas équilibrés par des bénéfices en termes de diminution des formes avancées de cancer.

Il convient de ce fait de rester très prudent et le moins intrusif possible chez ces patientes dont le système immunitaire est affaibli.
Tous les organes s'épuisent et fonctionnent moins bien avec l'âge, les facultés de cicatrisation, de régénération tissulaire sont moindres, tout cela est en prendre en compte dans l'administration des traitements lourds, comportant eux-mêmes des risques et des complications, pouvant être fatals au grand âge..

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La guerre de la mammo n’aura de fin

Traduction et restitution du texte par Cancer Rose, 31/07/2023

Pourquoi les nouvelles lignes directrices recommandant le dépistage à 40 ans ne peuvent pas mettre fin à la guerre des mammographies

Par Asia Friedman, 27 juillet 2023

Asia Friedman est professeur agrégé de sociologie à l’Université du Delaware et auteur du livre « Mammography Wars : Analyzing Attention in Cultural and Medical Disputes » (Rutgers).

Les nouvelles lignes directrices sur le dépistage du cancer du sein émises par le groupe de travail américain sur les services préventifs (United States Preventive Services Task Force) paraissent mettre fin à un débat qui dure depuis des décennies sur la date à laquelle les femmes doivent commencer à passer des mammographies. L'agence recommande désormais de commencer à 40 ans*, annulant ainsi la recommandation de 50 ans qui était en vigueur depuis 2009. Ce changement l'aligne sur d'autres organisations d'experts telles que l'American College of Radiology (bien que les deux diffèrent encore sur la question de savoir si les femmes devraient subir une mammographie tous les ans ou tous les deux ans).

*Voir à ce sujet notre article : https://cancer-rose.fr/2023/05/15/abaisser-lage-du-debut-du-depistage-mais-a-quel-prix/

Malgré ce nouveau consensus apparent, la "guerre des mammographies" n'est pas terminée.

La mammographie a beau être pratiquée 40 millions de fois par an aux États-Unis, elle reste l'un des sujets les plus controversés de la médecine. Hormis la récente convergence sur les lignes directrices relatives à l'âge, les experts restent divisés sur la meilleure façon de définir et de mesurer les bénéfices et les risques de la mammographie, et en plus sur la validité de l'idée même de détection précoce.

Ce n'est pas parce que nous ne disposons pas de suffisamment de données. Aucun dépistage médical - en fait, peut-être aucune autre condition médicale - n'a été plus examiné que la mammographie.

Deux schémas de pensée différents

Au contraire, comme le suggère ma recherche, deux partis interprètent les données existantes selon des critères de signification différents.
Sur la base de dizaines d'entretiens avec des scientifiques, des médecins et des patientes, j'identifie deux schémas de pensée dominants au cœur des conflits sur la mammographie : l'interventionnisme et le scepticisme.

En bref, les interventionnistes croient fermement aux bénéfices de la détection précoce et minimisent tout préjudice possible du dépistage. Ils critiquent donc tout effort visant à retarder l'âge recommandé pour les mammographies ou à réduire la fréquence du dépistage.

Les sceptiques sont moins confiants dans l'efficacité du dépistage par mammographie et accordent plus d'importance aux préjudices du dépistage, qu'ils définissent d'ailleurs de manière plus large que les interventionnistes. Ils préconisent donc généralement de retarder l'initiation et de ralentir la fréquence des mammographies pour limiter ces risques.

Fondamentalement, les perspectives différentes des sceptiques et des interventionnistes dépendent de leur conviction que la détection précoce présente des bénéfices incontestables. La détection précoce est devenue une logique culturelle par défaut, en grande partie en raison des messages de santé publique de longue date qui insistent sur les bénéfices d'un diagnostic précoce pour de nombreuses maladies.

Les médecins sceptiques et les chercheurs en cancérologie remettent en question ce discours dominant sur les bénéfices de la détection précoce. Comme l'a déclaré un oncologue, "pendant des décennies, le message a été : 'L'outil le plus important est la mammographie', 'La mammographie sauve des vies', et il a donc été ... condensé en quelques mots ... qui ne laissent aucune place à l'incertitude quant aux bénéfices et ne mentionnent même pas les préjudices". Les sceptiques mettent en avant toute une série de préjudices potentiels liés au dépistage. Certains experts disent même que le dépistage déclenche une "cascade de préjudices".

Quels préjudices ?

Les préjudices les plus courants de la mammographie sont le stress et l'anxiété associés à des dépistages répétés en raison de résultats ambigus ou faussement positifs. "Nous essayons de trouver autant de cancers que possible", a déclaré un médecin de premier recours et chercheur en médecine, "et c'est la porte ouverte à un grand nombre de fausses alertes". On m'a également dit : "Je pense que nous avons pratiquement fait de la peur du cancer du sein un rite de passage pour les femmes américaines d'âge moyen".

Les estimations du taux de mammographies faussement positives varient, mais un article paru en 2020 dans Ethnicity & Health faisait état d'un risque de 20 à 65 % de recevoir un résultat faux-positif au cours de la vie, et un article paru en 2004 dans le Journal of the American Medical Association indiquait que 35 % des participantes avaient eu au moins une mammographie faussement positive. Parmi les patientes que j'ai interrogées, près des trois quarts avaient été rappelées au moins une fois pour un dépistage ou un test supplémentaire. Pour certaines, un nouveau dépistage a lieu à chaque fois qu'elles passent une mammographie, un processus qui peut prendre des mois.

Malgré cela, les interventionnistes ont tendance à rejeter l'idée que le dépistage peut être nuisible. Comme l'a expliqué le directeur d'un centre de lutte contre le cancer, "si vous aviez une balançoire à bascule et que d'un côté il y avait un bloc de béton de 100 livres, c'est le bénéfice. J'estime que les préjudices sont équivalents à une plume et c'est ce que j'empile de l'autre côté". Un radiologue m'a également dit que les critiques avaient "exagéré les aspects négatifs du dépistage".
Il a qualifié les inconvénients du dépistage de minimes : "l'anxiété et le désagrément d'être rappelée" et : "ne sont certainement pas l'équivalent de mourir d'un cancer du sein".

Un inconvénient moins connu du dépistage qui préoccupe particulièrement les sceptiques de la mammographie est le surdiagnostic, c'est-à-dire les cancers révélés par le dépistage qui se développent lentement ou qui ne sont pas dangereux de manière imminente. Pourtant, lorsque de tels cancers sont détectés, ils sont presque toujours traités, ce qui, selon les sceptiques, est plus néfaste que bénéfique, compte tenu de leurs caractéristiques biologiques relativement bénignes.

Voir notre article : https://cancer-rose.fr/2021/10/23/quest-ce-quun-surdiagnostic/

Il est difficile de mesurer le surdiagnostic car les cancers surdiagnostiqués sont généralement traités et sont donc très rarement identifiables en tant qu'exemples de surdiagnostic au niveau du patient individuel. Néanmoins, de nombreux experts s'accordent à dire que le surdiagnostic est réel et démontrable au niveau de la population. "Il y a un consensus, au moins dans la communauté scientifique, sur le fait qu'il s'agit d'un problème et qu'il faut s'y intéresser", a déclaré un chercheur en médecine.

Du point de vue des sceptiques, le surdiagnostic représente un changement de paradigme actuellement en cours dans la façon de penser le cancer. Comme l'a décrit un chirurgien et spécialiste du cancer du sein, "il existe un mantra selon lequel l'un des meilleurs moyens d'améliorer la guérison du cancer est de le détecter à un stade précoce". La détection précoce est basée sur un "modèle conceptuel de la maladie qui est linéaire", a-t-il expliqué, et ne prend donc pas en compte le surdiagnostic.

Voir l'article : https://cancer-rose.fr/2023/06/26/quest-ce-que-lhistoire-naturelle-du-cancer/

Pourtant, s'inquiéter du surdiagnostic n'aide pas à traiter les patients individuellement, affirment les interventionnistes. Comme l'a dit un radiologue, "le problème avec le concept de surdiagnostic est que nous n'avons aucun moyen de savoir quel cancer diagnostiqué tuera ou non le patient". Par conséquent, ce concept est "juste théorique" et ne devrait pas être pris en compte dans la détection et le traitement du cancer. Les interventionnistes affirment également qu'il est plus urgent de se concentrer sur le risque de sous-diagnostic, ou de non-détection de la maladie d'un patient. Les faux positifs ne sont peut-être pas une expérience agréable, mais comme l'a dit un médecin de famille, "je pense que c'est une conséquence plus acceptable que la mort d'un plus grand nombre de femmes".

Désaccord inconciliable

Malgré des décennies de recherche, les interventionnistes et les sceptiques ne parviennent pas à se mettre d'accord sur la mammographie. La multiplication des données ne suffira pas à modifier les lignes de fracture fondamentales de ce désaccord, et les éternels débats sur l'opportunité de dépister les femmes d'une quarantaine d'années ne s'attaquent pas au cœur du conflit.

À moins d'une découverte scientifique révolutionnaire qui obligerait les deux partis à faire face aux limites de leurs opinions antérieures, notre meilleur espoir de sortir de cette impasse et de développer une nouvelle approche du dépistage réside dans un examen sociologique plus approfondi, sur la manière dont les croyances enracinées concernant la détection précoce et les bénéfices et préjudices du dépistage limitent la façon dont les experts, ainsi que nous-mêmes, sont capables de penser à propos de la mammographie.

Asia Friedman est professeur agrégé de sociologie à l'université du Delaware et auteur du livre "Mammography Wars : Analyzing Attention in Cultural and Medical Disputes" (Rutgers). (Les guerres de la mammographie/Analyser l'attention dans les conflits culturels et médicaux.)

A propos de ce livre

La mammographie est un examen médical de routine pratiqué quarante millions de fois chaque année aux États-Unis. Pourtant, elle reste l'un des sujets les plus controversés de la médecine, les organisations nationales de soins de santé soutenant des lignes directrices contradictoires. Dans Mammography Wars, la sociologue Asia Friedman examine les désaccords culturels et médicaux sur la mammographie. L'enjeu est de savoir s'il faut dépister les femmes de moins de cinquante ans, ce qui est enraciné dans des questions plus profondes sur la détection précoce et le développement supposé linéaire et progressif du cancer du sein. Sur la base d'entretiens avec des médecins et des scientifiques, d'entretiens avec des femmes âgées de 40 à 50 ans et de la couverture médiatique de la mammographie, Friedman utilise la sociologie de l'attention pour cartographier la structure cognitive des "guerres de la mammographie", offrant ainsi un aperçu de la nature enracinée des débats sur la mammographie, qui passe souvent inaperçue lorsque l'on applique un point de vue médical. L'analyse de Friedman suggère également le potentiel unique de la sociologie de l'attention pour analyser les conflits culturels au-delà de la mammographie, et même au-delà de la médecine.

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