Risque accru de cancers cutanés après irradiation pour cancer du sein

12/03/2024

La radiothérapie pour le traitement du cancer du sein entraîne un risque accru de cancer de la peau sur le site d'irradiation, selon une recherche publiée le 8 mars dans JAMA Network Open.
Une équipe de chercheurs de l’Université de Stanford dirigée par Shawheen Rezaei a constaté que le risque de diagnostic de cancer de la peau non kératinocytaire, comme le mélanome et l’hémangiosarcome, après un traitement du cancer du sein par radiothérapie, était de plus de 50 % plus élevé par rapport à la population générale

L'épiderme comprend deux types de cellules, les kératinocytes et les mélanocytes.
Les kératinocytes sont des cellules de l'épiderme (couche superficielle de la peau), jointives, et distribuées en plusieurs couches. 
Les mélanocytes sont situés, eux, à la base de l’épiderme. Ils synthétisent les pigments de la peau qu'on regroupe sous le terme de mélanines, fabriquées dans les mélanosomes. 

Chacun de ces types cellulaires de la peau peut être à l’origine de tumeurs cutanées dont la fréquence et l'agressivité sont variables. Les tumeurs qui se développent à partir des kératinocytes épidermiques sont les plus fréquentes et peuvent occasionner des carcinomes baso‐cellulaires et des carcinomes spino‐cellulaires. Ce sont tumeurs d’origine kératinocytaire, que l’on regroupe sous l’appellation « cancers de la peau non mélanocytaires ».

Les cancers non kératocytaires, à l'opposé, regroupent les mélanomes qui se produisent au dépens des mélanocytes et qui sont beaucoup plus agressifs avec un potentiel métastatique.
Ces cancers non kératocytaires comprennent aussi les hémangiosarcomes, beaucoup plus rares, qui sont des néoplasmes malins caractérisés par des cellules infiltrantes à prolifération rapide, à partir des parois des vaisseaux sanguins ou lymphatiques.
L' antécédent de radiothérapie, même ancienne, est déjà connu comme étant un facteur de risque, de même que la présence d'un lymphœdème infectieux ou séquellaire après un traitement chirurgical.
Le sarcome de Kaposi par exemple, plus fréquent chez les patients atteint de SIDA, est une forme particulière de ces cancers.

L'étude

Il s'agit d'une étude de cohorte, incluant des données recueillies entre 2000 et 2019 auprès de 875880 patientes atteintes d’un cancer du sein nouvellement diagnostiqué.
Au total, 99,3 % des patients étaient des femmes, 51,6 % avaient plus de 60 ans et 50,3 % ont reçu une radiothérapie.

Les chercheurs ont examiné si la radiothérapie dans le traitement du cancer du sein augmentait ultérieurement le risque de cancers de la peau non kératinocytaires, c'est à dire les plus graves.
Ils se sont concentrés sur les cancers localisés à la peau du sein ou du tronc, donc des sites d'irradiation, et ont comparé les résultats aux patients traités par chimiothérapie et chirurgie.

Les auteurs avancent un risque de 57% plus élevé de cancer non kératocytaire pour les patients traités par radiothérapie par rapport à celui de la population générale, lorsque l’on considère la peau du sein ou du tronc.
Le traitement par radiothérapie était également lié à un risque plus élevé de cancer de la peau non kératinocytaire par rapport à la chimiothérapie et aux interventions chirurgicales, selon l’étude.

Les auteurs appellent à de futures études sur les effets de la dose du rayonnement et sur les profils génétiques des patientes atteintes d’un cancer du sein, comme facteurs favorisants possibles pour ce risque accru.

Ils expliquent que les résultats de l'étude peuvent aider les médecins à informer leurs patientes atteintes d’un cancer du sein qu'elles présentent certes un risque faible de cancers cutanés secondaires mais néanmoins plus élevé (de plus du double) par rapport à la population générale, après leur radiothérapie.
Selon eux « il faut mieux définir et intégrer le risque subséquent de tumeurs malignes dans les processus de consultation des patients et les plans de soins de suivi des survivants. »

Considérations subséquentes

Le surdiagnostic est donc bien évidemment à nouveau au centre de la problématique. Dire aux femmes que détecter davantage de cancers petits leur promet un traitement plus "léger" est inacceptable lorsqu'on sait que ce traitement "léger" comprend très fréquemment de la radiothérapie après chirurgie pour cancer du sein.
Les effets carcinogènes de la radiothérapie sont bien connus, et l'enjeu pour les femmes n'est pas d'avoir un traitement plus "léger", mais de n'avoir pas de traitement du tout lorsque celui-ci n'était pas nécessaire et découle d'une détection elle aussi non nécessaire de cancers qui n'auraient pas menacé la vie.

Cette question d'un surtraitement se pose de façon accrue lors de la détection de carcinomes in situ, lésions ne menaçant pas la vie dans la très grande majorité des cas et dont la sur-détection est majorée par le dépistage intempestif que nous connaissons, les femmes y étant incitées à présent de plus en plus jeunes et hors recommandations, une pratique se répandant demandant aux femmes de réaliser, déjà jeune, une "mammographie de référence", ce qui n'a absolument aucun intérêt puisque le sein est un organe variable selon l'état hormonal de la femme, selon le poids, les grossesses etc ....

Plusieurs éléments sont à rappeler, et à avoir en tête lorsqu'on est médecin prescripteur :
* Le dépistage est proposé à des femmes ne se plaignant de rien, saines, à qui l'ont doit l'information loyale sur l'éventualité de surdiagnostic et de possibilité de pathologies induites par les traitements.
* L'enjeu d'un dépistage n'est pas de recruter de plus en plus de cancers, cet argument est souvent à la base de la promotion du dépistage ; or son rôle est avant tout d'éviter de mourir des cancers graves.
* Pour la patiente concernée, même si les cancers secondaires sont globalement rares, ils existent et sont toujours plus fréquents que dans la population générale, et pour la femme concernée, quoi que soient les fréquences des évènements indésirables, pour elle ce sera toujours du 100% vécu...

Nous rajouterons pour finir que les cancers cutanés secondaires à la radiothérapie du sein ne sont pas les seules pathologies induites, des études ont montré l'augmentation significative de maladies cardio-vasculaires après radiothérapie, et l'augmentation des maladies malignes du sang.
Les mécanismes sont expliqués dans cet article sur le site : https://cancer-rose.fr/2021/06/01/les-cancers-radio-induits-apres-radiotherapie-du-cancer-du-sein/

Conclusion

Cette étude fait émerger deux point essentiels :
1- la nécessité incontournable d'informer les femmes des tenants et aboutissants du dépistage et des surtraitements qui en découlent, dont certains avec des conséquences fâcheuses sur la santé.
2- La nécessité de la mise en balance du surdiagnostic induit par le dépistage organisé ou hors-recommandations, pratiqué souvent trop tôt, trop fréquemment, parfois trop répété, avec les bénéfices du dépistage qui, de nos jours, peine à montrer une quelconque efficacité dans la réduction des cancers les plus graves et les plus mortels.

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Les atypies du sein, alléger le suivi

Traduction et synthèse par Cancer Rose, 10/02/2024

Article atypies et nouvelles recommandations

Opinion libre, Dr C.Bour, radiologue

Article connexe sur les 'in situ'

Atypies détectées lors du dépistage du cancer du sein et développement postérieur d'un cancer : analyse observationnelle de la cohorte prospective Sloane atypia en Angleterre.

BMJ 2024 ; 384 doi : https://doi.org/10.1136/bmj-2023-077039 (Publié le 01 février 2024)
https://doi.org/10.1136/bmj-2023-077039

Karoline Freeman, senior research fellow (Warwick Screening, Division of Health Sciences, Warwick Medical School, University of Warwick, Coventry, UK) ; David Jenkinson, senior research fellow (Screening Quality Assurance Service, NHS England, Birmingham, UK),Karen Clements, breast cancer research manager (Screening Quality Assurance Service, NHS England, Birmingham, UK), Matthew G Wallis, consultant radiologist,  Sarah E Pinder, professor of breast pathology,   Elena Provenzano, lead consultant breast pathologist, Hilary Stobart, patient representative, Nigel Stallard, professor of medical statistics, Olive Kearins, national lead breast screening, Nisha Sharma, consultant breast radiologist,  Abeer Shaaban, consultant pathologist, Cliona Clare Kirwan, consultant oncoplastic breast surgeon, Bridget Hilton, national audit project senior QA officer, Alastair M Thompson, section chief breast surgery, Sian Taylor-Phillips, professor of population health on behalf of the Sloane Project Steering Group.

QU'EST-CE QU'UNE ATYPIE ?

Ce terme regroupe ce qu'on appelle aussi "les lésions frontières", dont le nombre de cas augmente parallèlement au dépistage et depuis la multiplication des biopsies mammaires.
Elles constituent une frange dans les anomalies du sein située entre les lésions strictement bénignes et les lésions strictement malignes, et les limites entre les deux sont souvent floues, conduisant fréquemment l'anatomo-pathologiste à "upgrader" son compte rendu, de peur de sous-traiter. Ces lésions alimentent beaucoup la problématique du surtraitement généré par le dépistage systématique du cancer du sein.

Les lésions frontières sont variées, portent diverses dénominations selon leur caractérisation sous le microscope, et sont classées dans le tableau ci-dessous, en fonction du risque de cancer du sein qu'on leur attribue, le deuxième tableau listant les propositions thérapeutiques jusqu'à présent en vigueur.

PROBLEMES ET CONTEXTE

Ces lésions frontières ("borderline") soulèvent de multiples problèmes.
D’abord pour l'anatomo-pathologiste, leur identification diagnostique nécessite de la part du pathologiste une bonne expérience, une technique infaillible, une solide connaissance des critères de classifications garantissant que le résultat de l'analyse histologique puisse être reproductible et identique si lecture par une autre pathologiste, ce qui n'est pas toujours garanti....

Ensuite pour la patiente, la prise en charge thérapeutique se fait en fonction de ce qu'on a identifié dans le prélèvement d’une biopsie guidée. Mais les différentes entités trouvées dans un prélèvement sont parfois intriquées et les limites peu nettes ; dans un foyer d'atypie peut se retrouver un micro-foyer in situ, rendant les décisions de classification très difficiles et conduisant dans le sens d'un traitement plus lourd. Et très fréquemment on procède à l'exérèse de la plupart de ces lésions dont on estimait qu'elles conduiraient de facto à des lésions cancéreuses du sein, comme l'illustre la figure 1 de l'article sur l'étude dont nous allons parler. (Cliquez sur l'image)

Il s'agit d'une étude portant sur une cohorte de 3 238 femmes ayant reçu un diagnostic d'atypies épithéliales, appelée la cohorte anglaise 'Sloane'. Cette cohorte est reliée au registre anglais du cancer et au système d'information sur la mortalité et les naissances, pour obtenir des informations sur les cancers du sein subséquents et la mortalité.

L'objectif de l'étude était de comparer le nombre et le type de cancers du sein développés après le dépistage de l’atypie aux 11,3 cancers qu'on estime trouver ensuite par dépistage pour 1000 femmes au cours d’un cycle de dépistage de trois ans, au Royaume-Uni.
Plus précisément : On veut savoir si les femmes porteuses d'atypie ont un risque supplémentaire de développer davantage de cancers, si oui lesquels, et si oui quelles atypies prédisposent davantage au cancer.
A cet effet les données de cette cohorte ont été recueillies sur les formulaires de radiologie, d'histopathologie, de chirurgie et de radiothérapie, afin de fournir des preuves solides et généralisables sur le comportement des atypies.
On a comparé la survenue de cancers ultérieurs en comparant les femmes de la base de données du projet 'Sloane Atypia' aux données du Registre national des cancers, et les informations sur la mortalité ont été ajoutées.

Les principaux critères de suivi sont le nombre et le type des cancers du sein invasifs détectés un an, trois ans et six ans après le diagnostic de l'atypie, par type d'atypie, par âge et par année de diagnostic.

RAPPEL DES CONSTATS ACTUELS SUR LES ATYPIES

Les auteurs observent tout d'abord :
" La détection des atypies a été multipliée par quatre après l'introduction de la mammographie numérique entre 2010 (n=119) et 2015 (n=502)."

C'est ce qu'on voit très bien sur les graphiques détaillés ci-dessous, rassemblés dans la figure 3 de l'article. (Cliquez sur l'image)

Globalement on observe facilement ce bondissement des surdétections lors du passage au procédé de mammographie numérique vers 2010, beaucoup plus sensible notamment à la détection des microcalcifications. Les microcalcifications font partie des trois grands signes radiologiques que l'on recherche sur les clichés, qui peuvent annoncer la présence d'un cancer, et qui sont : les masses, les distorsions architecturales et les microcalcifications, que le procédé numérique détecte particulièrement bien.

Les explications avancées pour l'excès des détections de ces lésions sont les suivantes :

" Nous estimons que l'introduction progressive de la mammographie numérique en Angleterre depuis 2010, qui identifie davantage de microcalcifications, pourrait expliquer une grande partie de l'augmentation des atypies à partir de 2012....
Le reste de l'augmentation de l'incidence des atypies pourrait être dû à une modification des définitions des atypies et au fait que les pathologistes affinent leurs critères de diagnostic..."

" Un autre facteur pouvant être lié à l'augmentation des atypies pourrait être l'augmentation de la taille de l'aiguille de biopsie qui a pu être utilisée ces dernières années, augmentant la probabilité de trouver des atypies et diminuant la probabilité d'une classification erronée des atypies en carcinome in situ."

RESULTATS DE L'ETUDE

L'analyse a porté sur les questions clés suivantes :

1.         Combien de femmes développent un cancer après un diagnostic d'atypie et à quel moment ?
2.         Quel type de cancer se développe ?
3.         Combien de cancers ne sont pas détectés lors du diagnostic d'atypie ?
4.         Le risque de développer un cancer dépend-il du type d'atypie ?
5.         Quelle est la comparaison avec les femmes dépistées sans diagnostic d'atypie ?

Les résultats sont les suivants :

"-Le nombre de cancers après le diagnostic d'atypie (à 3 et 6 ans) était faible et ces cancers étaient similaires à ceux de la population générale de dépistage, avec un risque homolatéral et controlatéral similaire.
-Peu de cancers ont été manqués lors d'un diagnostic d'atypie et la VAE (excision mini-invasive assistée par le vide) n'a pas entraîné plus de cancers manqués que la prise en charge chirurgicale.
-Le nombre de cancers ne diffère pas significativement selon le type d'atypie, la densité mammaire ou l'âge après ajustement sur l'année du diagnostic.
-Le nombre de cancers après 3,5 ans suite au diagnostic d’atypie était égal au nombre de cancers dans la population générale de dépistage.
-Le risque de cancer au cours des dernières années était inférieur au risque historique, probablement en raison de l'introduction de la mammographie numérique qui identifie davantage de microcalcifications, d'un changement dans la nomenclature des atypies et de l'affinement des critères de diagnostic par les pathologistes, ainsi que de l'augmentation de la taille de l'aiguille de biopsie.

Pour résumer : " Les femmes dont les atypies ont été détectées plus récemment présentent des taux plus faibles de cancers subséquents détectés dans les trois ans" et " le grade, la taille et l'atteinte ganglionnaire des cancers invasifs ultérieurs étaient similaires à ceux des cancers détectés dans la population générale de dépistage, avec un nombre égal de cancers homolatéraux et controlatéraux."

Les analyses ont confirmé qu'à court terme, de nombreuses lésions atypiques peuvent représenter des facteurs de risque plutôt que de véritables précurseurs d'un cancer invasif et ont conclu qu'une mammographie annuelle pendant 5 ans après le diagnostic d'une atypie pourrait ne pas être bénéfique pour les femmes dans le cadre de l'actuel programme de dépistage du cancer du sein du NHS anglais. En outre, les changements récents apportés aux techniques de mammographie et de biopsie semblent identifier les cas d'atypie qui sont plus susceptibles de représenter un surdiagnostic."

CONCLUSION

Les auteurs concluent de la façon suivante :

" Il apparaît que peu de cancers ont été méconnus au moment du diagnostic de l'atypie et que la prise en charge non chirurgicale se révèle aussi sûre que l'excision chirurgicale de l'atypie dans cette cohorte.
Les caractéristiques des cancers détectés après une atypie étaient similaires à celles des cancers détectés dans la population générale de dépistage et aucun sous-groupe présentant un risque accru de développer un cancer invasif n'a été identifié.
Par conséquent, le signalement des atypies lors du dépistage pourrait contribuer au problème du surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer du sein
."

Et de ce fait ils suggèrent :

"De nombreuses atypies pourraient représenter des facteurs de risque plutôt que des précurseurs de cancers invasifs...
Une mammographie annuelle à court terme après un diagnostic d'atypie pourrait ne pas être bénéfique. ..."

IMPLICATIONS POUR LA PRATIQUE CLINIQUE

Les recommandations pour le suivi de ces lésions nécessitent vraisemblablement un changement conséquent.
Les auteurs écrivent :
"Les résultats suggèrent qu'une mammographie annuelle supplémentaire pendant les trois premières années suivant un diagnostic d'atypie épithéliale pourrait ne pas être nécessaire en plus de la pratique de dépistage standard du Royaume-Uni proposée à toutes les femmes (c'est-à-dire une fois tous les trois ans).
Le nombre de femmes ayant reçu un diagnostic d'atypie et ayant développé un cancer au cours des trois premières années était faible."

Les lignes directrices au Royaume-Uni, en Europe et en Amérique recommandent généralement l'excision des atypies par biopsie ou par biopsie-exérèse chirugicale, suivie d'une surveillance rapprochée par imagerie.
En fonction de ce que cette étude rajoute comme connaissances sur ces lésions, les auteurs, dans une deuxième publication que nous allons voir, suggèrent une modification des recommandations.

Les connaissances supplémentaires que l'étude de cohorte Sloane apporte sont :
"- Le diagnostic de cancer du sein dans les trois ans suivant l'atypie était faible, en particulier dans les années les plus récentes (depuis 2012), et pourrait contribuer à l'augmentation du surdiagnostic dans le cadre du dépistage du cancer du sein.
- Des mammographies plus fréquentes pendant cinq ans après le diagnostic d'atypie pourraient ne pas être bénéfiques dans les programmes de dépistage du cancer du sein dont la qualité est assurée et qui prévoient l'utilisation universelle de la mammographie numérique et l'excision assistée par aspiration des lésions indéterminées ; ces protocoles de surveillance devraient être revus.
- Il n'a pas été démontré que l'ablation chirurgicale des atypies était nécessaire pour éviter les cancers manqués ; l'excision assistée par aspiration semble être aussi sûre que l'excision chirurgicale dans la prise en charge des atypies."

Des recommandations fondées sur ces nouvelles données doivent être envisagées.

Recommandations fondées sur des données probantes concernant la prise en charge des atypies dans le dépistage du cancer du sein : perspectives d'une réunion de consensus d'un groupe d'experts examinant les résultats du projet Sloane Atypia

British Journal of Radiology, Volume 97, Issue 1154, February 2024, Pages 324–330, https://doi.org/10.1093/bjr/tqad053

Karoline Freeman, PhD,  Alice Mansbridge, BSc,  Hilary Stobart, MSc,  Karen Clements, BSc, Matthew G Wallis, MBChB,  Sarah E Pinder, MBChB,  Olive Kearins, MSc, Abeer M Shaaban, MBBCh, MSc, PhD,  Cliona C Kirwan, MBBS, BSc, PhD, Louise S Wilkinson, BMBCh,  Sharon Webb, MPH,  Emma O’Sullivan, BSc, Jacquie Jenkins, MSc,  Suzanne Wright, PhD,  Kathryn Taylor, DCR, MSc, Claire Bailey, BNurs,  Chris Holcombe, MD,  Lynda Wyld, BMedSci, MBChB, PhD, Kim Edwards, MBBCh, DMRD,  David J Jenkinson, PhD,  Nisha Sharma, MRCP, Elena Provenzano, MB BS, PhD,  Bridget Hilton, BSc,  Nigel Stallard, PhD, Alastair M Thompson, BSc, MBChB, MD, Sian Taylor-Phillips, PhD on behalf of the Sloane Project Steering Group

Une réunion de consensus d'une demi-journée a été organisée ; elle réunissait 11 experts cliniques, un représentant de 'l'Independent Cancer Patients Voice', six représentants du NHS England, et deux chercheurs ; cette réunion a permis des discussions sur les résultats de l' analyse du projet Sloane Atypia, étude dont nous venons de parler plus haut, afin de re-considérer les lignes directrices et les conduites à tenir existantes.

Jusqu'à présent, expliquent les auteurs, " Les lignes directrices étaient basées sur les preuves existantes sur les taux de reclassification en « cancer » lors de l'excision, et sur le risque de cancer à long terme. Cependant, aucune preuve de l'efficacité de la mammographie de surveillance régulière à court terme n'était disponible et les lignes directrices incluaient un commentaire indiquant que cela devrait être modifié lorsque "davantage de données et de directives nationales seront disponibles".
Ce qui est maintenant le cas.

RECOMMANDATIONS REVUES POUR LES FEMMES AU ROYAUME UNI

Le groupe a décidé à une majorité de 17/19 (89,5 %, une personne ayant quitté le groupe) sur les données actuelles, que la mammographie de surveillance annuelle pendant les cinq premières années n'est pas bénéfique pour les femmes présentant des atypies, quel que soit le type d'atypie ou l'âge de la femme.

Le groupe recommande que les femmes présentant des atypies détectées au dépistage puissent se voir proposer un dépistage systématique tous les trois ans (comme cela est pratiqué pour la population des femmes âgées de 50 à 70 ans  au Royaume Uni), avec un message clair indiquant qu'elles n'avaient pas un cancer, et que leur prise en charge devait donc être la même que pour celles qui n'avaient pas d'atypie.

SITUATION EN FRANCE

Nous espérons grandement que les recommandations françaises évoluent aussi sagement vers une désescalade des suivis.
Voilà pour l'instant ce qui est préconisé par l'Institut National du Cancer et la Haute Autorité de Santé :

Au delà d'amoindrir ce suivi mammographique annuel prévu pendant 10 ans en France (seulement 5 ans en Angleterre jusqu'à présent), d'amenuiser les risques qui en découlent (irradiation, surdiagnostics), il s'agirait aussi de réduire l'anxiété liée à ce suivi excessif, et de libérer ces femmes de l'étiquette "femme à haut risque".

Les recommandations de la HAS de 2019 concernant les "modalités spécifiques de dépistage pour les femmes à haut risque", sont basées sur la recommandation de 2014, avec en bibliographie une note de cadrage datant, elle, de 2011 ; on ne peut pas dire que les sources soient très récentes.

Il est grand temps de moderniser tout cela, et, évidemment, de fournir aux femmes une information claire sur le surdiagnostic galopant et les surtraitements, qui surviennent à cause du dépistage lui-même, selon les demandes  de la concertations citoyenne de 2016, ce qui est soigneusement resté lettre morte jusqu'à présent.

Opinion libre, Dr Cécile Bour, radiologue

Je me permets ici quelques considérations personnelles, issues de ma propre pratique et des constatations que j'ai pu accumuler, ayant suivi de près ce dépistage depuis sa genèse et sa généralisation en 2004 en tant que jeune radiologue installée, jusqu'à l'aboutissement de nos jours, à un âge où ma carrière vient toucher à sa fin.

Il convient de rappeler, encore et toujours, que le but premier d'un dépistage n'est pas de récolter des lésions à foison, n'est pas de trouver un maximum de choses, mais d'en tirer des bénéfices de trois sortes :
réduire la mortalité par la maladie,
diminuer le nombre des formes avancées de cancer du sein,
alléger les traitements en faisant reculer les mastectomies totales et les traitements les plus lourds.

L’effet sur la mortalité par cancer du sein est non démontré (selon diverses hypothèses et diverses méta-analyse, il faudrait, en gros, suivre 700 à 2 500 femmes pendant quatorze ans à 20 ans pour trouver un seul décès évité). En parallèle :
Les diagnostics en excès, appelés les surdiagnostics, selon les évaluations les plus pessimistes atteignent 30 à 50 %.
les cancers de l’intervalle, malgré tous les efforts de détection précoce, qui sont les plus néfastes et agressifs, représentent toujours un tiers des cas de cancers .
* les traitements agressifs sont en augmentation. (Environ 30 à 35% de chimio- et radiothérapies en plus. Les procédures chirurgicales ne diminuent en rien, au contraire).

À partir, déjà des années 1990, au fur et à mesure que se développe le dépistage, on observe une flambée de cancers canalaires in situ.
Cet accroissement spectaculaire du nombre de cancers in situ diagnostiqués est signalé déjà en 1996 par Virginia Ernster, une épidémiologiste de l’université de Californie, San Francisco (ernster vl, Barclay J et al. Incidence of and treatment for ductal carcinoma in situ of the breast. JAMA. 1996 Mar 27;275(12):913-8. )

Les atypies et lésions frontières sont mises en évidence déjà par Nielsen ce que relate une méta-analyse d'études d'autopsies, sur 13 études  de 10 pays différents, sur 6 décades (de 1948 à 2010), incluant  2363 autopsies avec 99 cas de cancers dits "incidentalomes" (cancers de découverte fortuite), de lésions précancéreuses, de cancers in situ et d'hyperplasies atypiques, mais parallèlement peu de cancers invasifs.

Deux études apportent elles aussi une lumière sur ces lésions et sur le fait que leur présence dans le sein est fréquente, sans que la vie des femmes soit impactée : l’étude de Nashville au Tennessee (page Dl, dupont WD et al. Continued local recurrence of carcinoma 15-25 years after a diagnosis of low grade ductal carcinoma in situ of the breast treated only by biopsy. Cancer. 1995 Oct 1;76(7):1197-200. ), et l’étude de Bologne en Italie (euseBi v, FoscHini mp et al. Long-term follow-up of in situ carcinoma of the breast. Seminars in Diagnostic Pathology. 1989;6(2):165-173. )

Elles relatent les cas de femmes pour qui le diagnostic de carcinome in situ a été fait avec un retard de dix à vingt ans. Lors de la première lecture effectuée des biopsies, faite dans les années 1950 pour l'une et en 1960 pour l'autre étude, les lésions avaient été classées bénignes.
Les femmes n’avaient donc pas été traitées.
Mais après la relecture plus récente ensuite de ces mêmes biopsies, il s’est avéré que ces femmes étaient en fait bel et bien porteuses d’un cancer in situ.
Comment ces cancers qui avaient échappé à la vigilance des médecins ont-ils évolué ? Parmi les femmes du Tennessee, dix ans plus tard, 25 % d'entre elles, vivantes, avaient un cancer invasif et parmi les Italiennes, vingt ans plus tard, 11 % avaient un cancer invasif, ce qui revient à dire que respectivement 75 % et 89 % de ces femmes porteuses d’un carcinome in situ n’avaient PAS développé de cancer invasif.

On peut bien sûr objecter que c'est dommage pour la majorité de femmes porteuses d’un cancer in situ de se voir traitées inutilement pour sauver la petite minorité avec CIS et qui, elle, va présenter un cancer invasif. Mais que c'est un dommage somme toute acceptable.
Si cela était bien le cas et que les traitements des CIS étaient bénéfiques, on observerait chez les femmes dépistées une diminution des formes les plus graves de cancers et une baisse drastique de la mortalité par cancer du sein. Or, cela ne se produit pas.

Une étude très récente démontre que les dépistages ne prolongent pas la durée de la vie.
L'étude de Toronto montre que traiter les cancers canalaires in situ ne réduit pas la mortalité par cancer du sein, et que la prévention des récidives par radiothérapie ou mastectomie ne réduit pas non plus le risque de mortalité par cancer du sein.

Le diagnostic par dépistage d’un cancer in situ impacte profondément la qualité de la vie des femmes, qui, non informées de ces potentiels dangers auxquels le dépistage les expose, subissent toujours des traitements agressifs et une profonde angoisse de maladie sans bénéfice prouvé.

Où en sommes-nous à présent ?

Nous essayons de "rattraper le coup". On s'est fourvoyés, on a promis l'impossible aux femmes et comme ce Titanic de dépistage ne peut plus faire marche arrière, alors nous essayons de lui lancer quelques bouées de sauvetage en tentant, tant bien que mal, de limiter les dégâts et de prôner une désescalade thérapeutique.
Mais nous poussons le cynisme à faire cela "en accord avec la patiente", en lui donnant la possibilité de faire sa "propre décision". Alors oui c'est très bien et très moderne la décision partagée, nous-mêmes militons pour, car qui pourrait être contre.
Mais finalement, après avoir terrorisé les femmes pendant des décennies sur la possibilité de contracter un cancer du sein si on relâchait ne serait-ce qu'un tantinet la pression, après leur avoir corné que chaque minute compte, qu'il ne faut pas laisser la moindre petite cellule dégradée dans un sein, là maintenant on freine des quatre fers pour réduire nos traitements abusifs, et nous faisons peser tout le poids de la décision que la femme estimera toujours lourde de conséquences sur ses épaules, à elle.
Les interrogations "ai-je bien fait?" lui pèseront comme une épée de Damoclès toute sa vie durant, et de contrôle en contrôle.
Nous ne pourrons pas, en rien, avec cette désescalade thérapeutique que nous appelons de nos voeux, pour autant soulager les femmes d'une angoisse mortelle, nous avons juste lâchement glissé la responsabilité du terrain du médecin vers celui de la femme.

Cela au lieu d'avoir le courage, tous, d'avouer aux femmes que les campagnes de dépistage ont été instaurées trop vite, trop tôt, sans preuve suffisante, qu'on a fait fausse route, qu'on s'est plantés, qu'il n'y a pas de perte de chance réelle à ne pas aller au dépistage, qu'on peut faire sans, que finalement plus on avance, et plus on bidouille, plus on change notre "cuisine thérapeutique" sans parvenir à bout du cancer tueur, le seul qu'il nous fallait juguler, ce que le dépistage a complètement échoué à faire.

Je trouve cette lâcheté et ce culot à faire tout peser sur les épaules des femmes d'un cynisme confondant.

Article connexe : Changer le discours sur le carcinome canalaire in situ et le risque de cancer du sein

Nous avons maintes fois parlé du cas particulier du carcinome in situ (CIS), considéré comme un non-cancer, ou comme un cancer "stade 0", à ce point qu'il n'est pas comptabilisé dans les chiffres des nouveaux cas de cancers du sein dans les statistiques des instituts surveillant l'épidémiologie des maladies, ni par l'Institut National du Cancer.
Certains scientifiques pensent qu'il faudrait le "débaptiser", et ne plus le nommer "carcinome". Il est davantage considéré actuellement comme un facteur de risque non obligatoire de faire un cancer du sein ultérieur.
Il faut changer le discours sur cette entité particulière, et re-considérer le risque auquel il exposerait les femmes de cancer invasif, et de ce fait changer aussi les attitudes de suivi et les préconisations thérapeutiques.
Même démarche à faire, en somme, que pour les atypies, en tous cas pour aller au final vers une désescalade thérapeutique, et une vision moins affolante pour les femmes sur leur état de "malade".

C'est ce qui ressort de cette publication d'octobre 2023, que nous vous traduisons ci-dessous, et qui donne les résultats d'un travail de recherche, appelé PRECISION. Le but de ce projet de recherche est de savoir comment le CIS à faible risque diffère du CIS à plus haut risque, pour aider les femmes à mieux adapter les traitements et éviter les surtraitements.

L'article :

En ce mois de sensibilisation au cancer du sein, les nouvelles découvertes de l'équipe PRECISION du Cancer Grand Challenges montrent que le développement d'un cancer du sein à partir d'un CCIS est un événement rare et soulignent le besoin urgent de marqueurs pronostiques précis pour lutter contre le surtraitement du CCIS.

En 2015, Cancer Grand Challenges a lancé le défi Cancers létaux et non létaux dans le but de trouver des moyens de distinguer les cancers létaux qui doivent être traités des cancers non létaux qui ne doivent pas l'être. Depuis 2017, l'équipe PRECISION, dirigée par le professeur Jelle Wesseling de l'Institut néerlandais du cancer (NKI), relève ce défi dans le cas du carcinome canalaire in situ ( CCIS).

Le CCIS est caractérisé par la présence de cellules anormales dans les canaux lactifères du sein. Par définition, ces cellules anormales ne sont pas invasives, mais dans un petit nombre de cas, elles peuvent se transformer en cancer du sein invasif ipsilatéral (même sein).
Bien que le risque d'évolution vers un cancer du sein soit faible, le CCIS est souvent considéré comme un cancer du sein précoce et donc traité comme tel. Une partie des efforts de PRECISION a consisté à affiner cette description.
Dans une nouvelle étude multinationale portant sur plus de 47 000 femmes atteintes de CCIS aux Pays-Bas, au Royaume-Uni et aux États-Unis, publiée dans le British Medical Journal, l'équipe a rapporté que l'incidence cumulée sur 10 ans du cancer du sein invasif ipsilatéral après un CCIS était de 3,2 %.
"Je pense que notre résultat le plus important est que le cancer invasif ipsilatéral après un CCIS est vraiment un événement rare et qu'il est donc d'autant plus important de déterminer qui sont les femmes à risque. Le CCIS en lui-même ne met pas la vie en danger et nous ne voulons pas traiter toutes les femmes de manière intensive et inutile", déclare le professeur Marjanka Schmidt du NKI, co-chercheur dans PRECISION et auteur principal de l'article.

Cette découverte s'inscrit dans le cadre d'une étude visant à déterminer l'association entre la taille du CCIS et l'état de la marge avec le risque de développer un cancer du sein invasif dans le côté ipsilatéral. Ces deux facteurs cliniques sont souvent utilisés en clinique pour stratifier le risque de lésions CCIS et déterminer la marche à suivre pour le traitement.
Actuellement, le traitement est généralement recommandé pour toutes les femmes atteintes de CCIS et peut inclure la chirurgie, la radiothérapie et l'hormonothérapie. Les médecins peuvent utiliser le grade du CCIS pour décider de la meilleure approche thérapeutique.
Mais dans la plupart des cas, les femmes auront subi un traitement pour un CCIS qui n'aurait pas évolué en cancer. Pour réduire le fardeau du surtraitement, il est urgent de trouver des moyens de distinguer les cas de CCIS qui présentent un risque élevé d'évoluer vers un cancer du sein invasif de ceux qui présentent un risque faible.

L'équipe a combiné les données de quatre cohortes de patientes - une des Pays-Bas, une du Royaume-Uni et deux des États-Unis - comprenant 47 695 femmes diagnostiquées avec un CCIS entre 1999 et 2017 et ayant subi soit une chirurgie conservatrice du sein, soit une mastectomie, souvent suivie d'une radiothérapie ou d'un traitement hormonal, soit les deux.
Ils n'ont trouvé qu'une faible relation entre la taille du CCIS et l'état des marges et le risque de cancer du sein invasif ultérieur dans le même sein, concluant que les caractéristiques cliniques telles que celles-ci étaient limitées dans la discrimination entre les CCIS à faible risque et à haut risque.
"Nous avons conclu que ces associations ne sont pas suffisamment importantes pour guider, dans la pratique clinique, les décisions concernant les personnes à traiter et celles à ne pas traiter", déclare Marjanka.

Cette étude est la plus importante du genre à ce jour pour explorer la valeur des facteurs de risque pronostiques après un CCIS. Elle a été rendue possible grâce aux collaborations internationales établies entre les groupes de recherche de PRECISION et au financement à grande échelle de l'initiative "Cancer Grand Challenges".
"En combinant et en comparant les différentes cohortes de patients, nous avons constaté que le risque de cancer du sein invasif ultérieur dans le même sein est très similaire au Royaume-Uni, aux États-Unis et aux Pays-Bas, et que d'autres variables cliniques sont également très comparables. Bien que les cohortes aient été constituées de manière différente et que les traitements soient quelque peu différents d'un pays à l'autre, les risques réels pour les femmes sont très similaires", ajoute le Dr Esther Lips du NKI, co-chercheur de PRECISION et auteur principal de l'article.

Souligner la nécessité de relever le défi des cancers létaux ou non létaux

L'objectif du défi "Cancers létaux ou non létaux" était d'identifier les changements qui distinguent une tumeur non létale d'une tumeur potentiellement létale, puis de déterminer comment ces changements peuvent être détectés avec précision.
Les travaux de l'équipe PRECISION soulignent la nécessité de relever ce défi dans le cas du CCIS et soulèvent des considérations importantes pour la gestion clinique du CCIS.
"Tout ce que nous savions sur le CCIS dans la pratique quotidienne avant PRECISION était largement basé sur des séries relativement petites, souvent biaisées, qui ne pouvaient pas avoir l'impact nécessaire pour informer les lignes directrices dans la clinique", déclare Jelle.
"Tout en voulant préserver les excellents résultats des traitements pour les femmes présentant un CCIS à haut risque, nous devons savoir exactement quelles sont les femmes qui courent un risque élevé. Je pense que cet article montre que certains facteurs clés utilisés en clinique, tels que la taille et l'état des marges, ne sont en fait pas vraiment indicatifs du risque. Même s'ils font une légère différence, ils n'ont pas d'utilité clinique".

Parallèlement à la recherche de l'équipe, le travail collaboratif de l'équipe PRECISION a suscité d'importantes conversations au-delà des frontières nationales entre les chercheurs, les défenseurs des patients et les cliniciens sur la définition du CCIS et la sensibilisation au risque de cancer du sein.
La compréhension du risque est particulièrement importante pour les femmes atteintes d'un CCIS qui sont confrontées à la décision de poursuivre ou non le traitement.
"Les femmes ont besoin de beaucoup plus d'informations sur leurs risques individuels futurs avant de prendre des décisions de traitement, mais le dilemme est que les cliniciens et les scientifiques ne peuvent toujours pas distinguer en toute sécurité quel CCIS évoluera et lequel n'évoluera pas", déclare Hilary Stobart, une représentante des patientes au sein de l'équipe.
"L'équipe internationale PRECISION travaille d'arrache-pied pour résoudre ce dilemme en collaborant à la recherche d'une combinaison de biomarqueurs qui permettra de distinguer en toute sécurité les femmes dont le CCIS doit être traité de celles qui n'en ont pas besoin. Cette vaste étude internationale en conditions réelles constitue une étape importante vers cet objectif, afin que les femmes et leurs cliniciens puissent prendre des décisions éclairées en matière de traitement et éviter éventuellement un surtraitement. Ce fut un grand privilège pour moi de défendre les intérêts des patientes en travaillant avec l'équipe de PRECISION".

Les résultats soulignent le besoin de nouveaux marqueurs pronostiques, et PRECISION a exploré plusieurs pistes dans le but de trouver des marqueurs biologiques qui peuvent être utilisés comme outils pour évaluer le risque de cancer du sein après un diagnostic de CCIS.

L'équipe PRECISION est financée par Cancer Research UK et la KWF Dutch Cancer Society.
"Au sein d'une équipe pluridisciplinaire, PRECISION tente d'identifier les facteurs de risque permettant de prédire si une femme atteinte d'un CCIS a besoin d'un traitement ou non. La possibilité d'adapter les traitements au risque individuel, dans le but d'éviter le surtraitement, s'inscrit parfaitement dans les objectifs principaux de la KWF, à savoir stimuler un meilleur traitement pour chaque type de cancer et viser une meilleure qualité de vie pour les patients", déclare Carla van Gils, directrice de la KWF Dutch Cancer Society.

Lire l'article complet dans le British Medical Journal.

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Cancer du sein invasif et décès par cancer du sein après carcinome canalaire in situ

Synthèse et traduction par Cancer Rose, 30/01/2024

Cancer du sein invasif et décès par cancer du sein après un carcinome canalaire in situ détecté sans dépistage, de 1990 à 2018 en Angleterre

https://www.bmj.com/content/384/bmj-2023-075498

Il s'agit d'une étude de cohorte basée sur la population sur les données du Registre National des maladies, sur toutes les 27 543 femmes en Angleterre qui ont reçu un diagnostic de carcinome canalaire in situ (CIS), et en dehors du programme de dépistage du cancer du sein, de 1990 à 2018.

Le carcinome in situ (CIS) du sein est appelé ainsi car il est défini par la prolifération de cellules cancéreuses à l’intérieur d’un canal galactophore sans que les cellules ne dépassent la paroi du canal pour envahir le reste du sein, au contraire du carcinome invasif.

Objectifs de l'étude:

Évaluer les risques à long terme de cancer du sein invasif et de décès liés au cancer du sein après un carcinome canalaire in situ non détecté.
Les risques ont été comparés pour les femmes de la population générale et pour les femmes diagnostiquées avec un carcinome canalaire in situ via le programme de dépistage.

Résultats et conclusion de l'étude

Au 31 décembre 2018, 3651 femmes présentant un carcinome canalaire (CIS) non détecté ont développé un cancer du sein invasif, soit plus de quatre fois le taux national attendu d’incidence du cancer du sein invasif.

Dans l'étude, pendant au moins 25 ans après leur diagnostic, les femmes présentant un carcinome canalaire non détecté in situ présentaient des risques de carcinome invasif et de décès par cancer du sein à long terme plus élevés que les femmes de la population générale.
Elles présentaient aussi des risques à long terme plus élevés que les femmes présentant un carcinome canalaire in situ dépisté.

La mastectomie était associée à des risques plus faibles de cancer du sein invasif que la chirurgie conservatrice du sein, même accompagnée de radiothérapie. Cependant, les risques de décès par cancer du sein semblaient similaires pour la mastectomie, la chirurgie conservatrice du sein avec radiothérapie et la chirurgie conservatrice du sein sans radiothérapie enregistrée.

Deux questions majeures que pose l'étude

1- Faut-il s'étonner que les femmes avec un CIS diagnostiqué hors dépistage ont un risque considérablement accru (x 4) de développer par la suite un cancer invasif et d'en décéder ?

Arnaud Chiolero, professeur de santé publique du Laboratoire de santé des populations à l' Université de Fribourg, (Suisse), et de l'École des populations et de la santé mondiale, Université McGill, Montréal, Canada, répond à l'article.

" Faut-il s'étonner que le carcinome canalaire in situ (CCIS) du sein non détecté lors du dépistage entraîne un risque relativement élevé de mortalité par cancer du sein ? Pas vraiment.
Par analogie avec le risque de mortalité plus élevé des cancers du sein invasifs d'intervalle - c'est-à-dire les cancers détectés entre les examens de dépistage - et en comparaison avec les cancers invasifs détectés par dépistage on s'attend à ce que le CCIS détecté par dépistage et non détecté par dépistage présente un contraste de risque analogue.
C'est le résultat, du moins en partie, du biais de lenteur d’évolution (ou biais de sélection des cas de meilleur pronostic ou "length time bias").
Cela s'explique également par le fait que les cas dépistés et non dépistés proviennent de sous-populations différentes."

Ce qui est expliqué là signifie que le dépistage a tendance à sélectionner les cancers de meilleurs pronostic. Les cancers à évolution rapide, de moins bon pronostic, invasifs ou in situ, apparaissent souvent dans "l'intervalle", c'est à dire entre deux mammographies, ce sont des cancers non dépistés.
Selon A. Chiolero, le sur-risque auquel un cancer d'intervalle invasif expose une femme est à mettre en parallèle avec un sur-risque qu'on constatera pour un cancer in situ d'intervalle, de façon analogue.

Ce cancer d'intervalle auquel A.Chiolero fait allusion est par définition un cancer qui n’était pas là lors de l’examen mammographique, ou qui y a échappé.
Ces tumeurs sont de stade plus avancé et à caractéristiques biologiques d'emblée, structurellement, plus défavorables que les cancers détectés par mammographie.
Ils ne sont pas issus de cancers de stade plus bas, mais proviennent d'une sous-population de cellules d'emblée plus agressives.

En effet, 43 % (41/96) des cancers d'intervalle sont des tumeurs primaires de stade 2 ou plus, contre seulement 12 % (139/1136) des cancers du sein détectés par dépistage (p < 0,001).
Par rapport aux cancers détectés par dépistage, les cancers d'intervalle peuvent être in situ, mais sont plus souvent des cancers invasifs que des carcinomes canalaires in situ (88 % contre 75 %, p = 0,007.
(Lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/02/20/cancers-dintervalle-incidentalomes-les-perdants-des-depistages/ )

Le fait-même d'avoir eu un carcinome in situ est considéré comme facteur de risque 'non obligatoire' de cancer du sein invasif. Ces populations de femmes avec antécédent de carcinome in situ sont, de façon connue, plus à risque de refaire soit un in situ, soit un invasif, et probablement davantage encore lorsqu'elles ont connu une forme de CIS échappant au dépistage.

Comme le formule Dr V.Robert, notre statisticien, ce constat "n'est pas un scoop, Il y a longtemps qu'on sait que le fait d'avoir fait un 1er épisode de cancer du sein témoigne de l'existence de facteurs de risque et augmente la probabilité de faire de nouveaux épisodes. Et ces nouveaux épisodes ne seront pas forcément eux aussi des CIS."

2-Deuxième question, plus importante encore à poser : devons-nous considérer que le dépistage du cancer du sein échoue parce qu'il n'identifie pas ces cas ?

A nouveau professeur Chiolero y répond :

"... Devons-nous considérer que le dépistage du cancer du sein échoue parce qu'il n'identifie pas ces cas ? Non.
Le véritable objectif du dépistage du cancer n'est ni de trouver des cas ni d'établir un diagnostic précoce ; il est de réduire la mortalité liée au cancer.
La découverte d'un plus grand nombre de cas, à un stade précoce, résulte du dépistage mais n'est pas utile en soi. Par conséquent, si de nombreux dépistages, par exemple du cancer de la thyroïde ou du mélanome, augmentent le nombre de cas identifiés et modifient la distribution en faveur des cancers à un stade précoce, ils ne réduisent pas la mortalité par cancer - et c'est pourquoi ils ne sont pas recommandés.

Il serait possible, et relativement simple, de relever le nombre de cas détectés par le dépistage en augmentant la fréquence des examens, par exemple en passant d'un examen tous les deux ou trois ans à un examen annuel. Le coût, cependant, sera un plus grand nombre de faux positifs et de cas surdiagnostiqués, sans pour autant réduire davantage la mortalité par cancer du sein."

Le carcinome in situ possède un très bon pronostic comparé au carcinome invasif, il est de stade de malignité moindre.
la plupart des CIS sont considérés, comme dit plus haut, comme des lésions- précurseurs non obligatoires du cancer invasif ; paradoxalement l’augmentation spectaculaire de leur détection suivie de leur ablation chirurgicale n’a pas été suivie de baisses proportionnelles de l’incidence des cancers invasifs. Et leur hyper-détection par la multiplication des dépistages n'a pas réduit la mortalité par cancer du sein.

Comme le résume Dr Robert :
"Prétendre que les réductions de risque observées dans l'étude sont dues au fait que le CIS a été découvert par dépistage, c'est prêter au dépistage des vertus préventives qu'il n'a pas et ne peut pas avoir (la mammographie de dépistage n'évite pas le cancer, elle en fait le diagnostic plus tôt)."
Or, comme le souligne Pr Chiolero, le but premier d'un dépistage est avant tout de réduire la mortalité par la maladie.

De ces interrogations en résulte une troisième : comment expliquer les réductions de risque observées dans l'étude ?

Ou autrement dit comment expliquer le sur-risque de cancer du sein en cas de CIS non détecté ?
Comme on l'a vu plus haut, les cancers découverts dans l'intervalle, donc loupés par le dépistage, sont d'emblée à caractéristiques plus péjoratives, et exposent à un risque accru.

On peut rajouter une autre explication que donne Dr Robert :

" Comme il ne s'agit pas d'une étude randomisée, les groupes ne sont pas comparables. Les femmes avec CIS non diagnostiqués par le dépistage n'ont pas les mêmes facteurs de risque que les femmes avec CIS diagnostiqués par le dépistage.
Dans un pays où plus de 70% des femmes concernées participent au dépistage sur invitation, les 30% de femmes qui ne participent pas ont très vraisemblablement des profils socioculturels différents des autres femmes et ces profils différents pourraient très bien expliquer un risque accru de cancers invasifs (soit plus de risque de cancers, soit plus de risque de le diagnostiquer à un stade invasif) et de décès."

Pour conclure

Il n'est pas étonnant que les femmes ayant un antécédent de carcinome in situ aient davantage de risques de carcinome invasif, il est connu que le fait d'avoir eu un "in situ" constitue un potentiel facteur de risque de connaître un "vrai" cancer du sein ultérieurement.
Depuis une étude de l'université de Toronto on sait que le traitement des CIS ne fait pas de différence sur la survie des femmes et n'a pas permis de réduire la mortalité par cancer du sein invasif.

Les cancers se manifestant hors dépistage sont souvent de stade plus avancé, car le dépistage recrute de façon préférentielle les cancers de bas stade, et pas ceux de stade plus évolué qu'ils soient invasifs ou in situ, car ces cancers échappent au dépistage, sont d'emblée plus agressifs et se manifestent souvent dans l'intervalle de deux mammographies.
Ces cancers évoluant hors dépistage exposent certainement à un sur-risque de cancer invasif et de risque décès.

Le but d'un dépistage n'est pas de recruter toujours plus de ces lésions "in situ", qui sont globalement de pronostic meilleur et de stade de malignité moindre que les invasifs, de par le fait qu'ils ne franchissement pas la membrane des canaux du sein.
Le but d'un dépistage est de réduire la mortalité par cancer de façon drastique, et aucune étude récente ne parvient à démontrer cela en matière de cancer du sein.

Les réponses d'autres scientifiques à l'article

Dr Vincent Robert, statisticien du groupe Cancer Rose

Mannu et al. (1) ont publié un article évaluant les risques de cancer du sein invasif et de décès par cancer du sein après découverte, en dehors du dépistage, d’un carcinome canalaire in situ (DCIS). L’étude confirme que les risques de cancer invasif et de décès sont fortement augmentés, multipliés par 4 par rapport à la population générale, après un 1er épisode de DCIS non découvert par mammographie de dépistage dans le cadre du programme de dépistage du NHS.

L’étude compare également les risques de cancer du sein invasif et de décès par cancer du sein chez les femmes ayant eu un DCIS découvert en dehors du dépistage et chez les femmes ayant eu un DCIS découvert à l’occasion du dépistage. Ces risques sont significativement augmentés lorsque le DCIS a été découvert en dehors du dépistage.

Pour éviter toute erreur d’interprétation, il est important de rappeler pourquoi ces résultats, intéressants pour organiser au mieux la surveillance après un 1er épisode de DCIS, ne permettent aucune conclusion sur l’efficacité du dépistage.
Il s’agit d’une étude observationnelle et, en l’absence de randomisation et d’informations sur les facteurs de risque de cancer du sein et de décès par cancer du sein, une répartition équilibrée de ces facteurs de risque entre les groupes dépistés et non dépistés n’est pas garantie.

La comparaison ne porte pas sur des DCIS dépistés versus des DCIS non dépistés. La comparaison concerne en fait, d’un côté, des DCIS découverts à l’occasion du dépistage sur invitation dans le cadre du programme de dépistage du NHS, et, de l’autre côté, des DCIS découverts en dehors de tout dépistage, plus des DCIS découverts à l’occasion d’un dépistage hors programme du NHS, plus des DCIS découverts durant l’intervalle entre 2 dépistages chez des femmes participant au dépistage du NHS.
Ainsi, la fréquence plus élevée des récurrences et des décès après DCIS « non dépistés » pourraient s’expliquer par des facteurs de risque plus élevés chez les femmes dépistées en dehors du programme du NHS et chez les femmes avec un DCIS de l’intervalle, plutôt que par l’efficacité du dépistage.

A juste titre, les auteurs se gardent bien de tirer de leur étude toute conclusion sur l’efficacité du dépistage et il convient de respecter cette prudence.

1. Mannu GS, Wang Z, Dodwell D, Broggio J, Charman J, Darby SC. Invasive breast cancer and breast cancer death after non-screen detected ductal carcinoma in situ from 1990 to 2018 in England: population based cohort study. BMJ 2024; 384:e075498

Hazel Thornton, Independent Citizen Advocate for Quality in Research and Healthcare ,University of Leicester (Hon. DSc. (Leicester)) Colchester

Richard Smith se demande [dans son blog non médical du 29 janvier] si la complexité de la question du carcinome canalaire in situ (CCIS) s'est améliorée depuis 2011, date à laquelle il a assisté à une conférence à Édimbourg qui traitait de ce sujet[1]. [Je partage ses doutes quant à l'amélioration de la situation. Je dirais même que c'est pire. L'étude rapportée par Mannu et ses collègues renforce cette conclusion[2] Les incertitudes continuent d'augmenter en ce qui concerne la prise de décision, les meilleurs traitements, sa pathologie, son potentiel de progression, etc.

Arnaud Chiolero, professeur de santé publique et épidémiologiste à Fribourg (Suisse), explique de manière concise et claire pourquoi il n'est pas utile de détecter le cancer à un stade précoce et pourquoi les conclusions de Mannu et de ses collègues ne sont pas surprenantes. [3]

Inévitablement, le processus décisionnel des professionnels de la santé et des citoyens est tout aussi nébuleux - si ce n'est plus - qu'il l'a été depuis l'introduction du programme de dépistage mammographique, car toute cette activité préjudiciable, produisant ces citoyens iatrogènes devenus patients, n'a que peu ou pas d'effet sur l'objectif du dépistage du cancer du sein, qui est de réduire la mortalité liée au cancer. La Suisse, par exemple, a sagement mis fin à cette pratique en 2016[4]. [4]

Imaginez le nombre considérable d'heures-femmes libérées de cette anxiété particulière si le Royaume-Uni faisait de même ! Sans parler des ressources du NHS qui pourraient être utilisées à bien meilleur escient pour soigner les malades au lieu que de laisser les milliers de femmes étiquetées inutilement " cancéreuses " porter le fardeau trop longtemps, avec tous ses effets néfastes, si nous suivions l'exemple de la Suisse !

[1] Richard Smith. Communicating with patients about ductal carcinoma in situ: confusing for all. 31st January 2024. https://blogs.bmj.com/bmj/2011/09/07/richard-smith-communicating-with-pa...

[2] Mannu GS, Wang Z, Dodwell D, Broggio J, Charman J, Darby SC. Invasive breast cancer and breast cancer death after non-screen detected ductal carcinoma in situ from 1990 to 2018 in England: population-based cohort study. BMJ 2024; 384:e075498.

[3] Arnaud Chiolero. Finding all cases not the role of cancer screening. BMJ rapid response 28th January 2024. https://www.bmj.com/content/384/bmj.q22/rr

[4] Shelley Lane. Mammography Screening is being abolished in Switzerland. October 16 2016. https://www.beaconthermography.com/resources/2016/10/16/mammography-scre...

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Réduction de mortalité imputable au dépistage ? On en reparle

Publication JAMA

Synthèse par Cancer Rose, 18/01/2024

Question

Quelles sont les associations entre dépistage du cancer du sein, traitement du cancer du sein de stade I à III et traitement du cancer du sein métastatique avec l’amélioration de la mortalité par cancer du sein aux États-Unis entre 1975 et 2019?

Résultats

Les améliorations du traitement et du dépistage après 1975 ont été associées à une réduction de 58 % de la mortalité par cancer du sein en 2019, passant d’environ 64 décès sans intervention à 27 pour 100 000 femmes (ajusté en fonction de l’âge). Environ 29 % de cette réduction était associée au traitement du cancer du sein métastatique, 25 % au dépistage et 47 % au traitement du cancer du sein de stade I à III.

Signification et conclusion

Sur la base de 4 modèles de simulation, le dépistage du cancer du sein, le traitement du cancer du sein de stade I à III et le traitement du cancer du sein métastatique ont été associés à une réduction de la mortalité par cancer du sein entre 1975 et 2019 aux États-Unis.

Limites et critiques

Selon les auteurs :

Cette étude comporte plusieurs limites.
Premièrement, l’exactitude du modèle dépend des hypothèses formulées, pour lesquelles les données exactes n’étaient pas toujours disponibles.
Deuxièmement, les modèles ne tenaient pas compte des disparités potentielles, par exemple, selon l’âge, la race et l’origine ethnique, dans la diffusion ou l’efficacité du dépistage et des traitements. Les disparités dans le dépistage du cancer du sein, ainsi que la rapidité et la qualité du traitement, peuvent contribuer aux taux différentiels de mortalité par cancer du sein.
Troisièmement, les coûts du traitement et leurs liens avec les résultats n’ont pas été inclus dans les modèles.

Critique Cancer Rose, par Dr V.Robert, statisticien

Il y a surtout au moins un problème majeur : l'estimation des réductions de mortalité est faite par rapport à la  mortalité sans intervention (en l'absence de dépistage et de chimiothérapie) estimée par les modèles .
Pour obtenir cette mortalité sans intervention en 2019, on applique la létalité de 1975 (avant dépistage et chimiothérapie, donc sans intervention) aux cancers de 2019 (le processus est un peu plus complexe mais ça revient à ça).
Comme l'incidence des cancers a augmenté, du fait du dépistage, cela conduit à une mortalité théorique en augmentation, passant de 48 décès / 100 000 (mortalité réelle sans
intervention) en 1975 à 65 décès / 100 000 (mortalité sans intervention estimée par le modèle) en 2019.
Le problème c'est que l'augmentation de l'incidence des cancers est essentiellement due au dépistage, donc pour une large part à des surdiagnostics dont la létalité est nulle. La
létalité modélisée de 1975 n'a donc aucun sens pour les cancers de 2019 qui comportent des surdiagnostics.

Une meta-analyse récemment publiée faisait état d'aucun gain en durée de vie par dépistages, ce qui posait des questions plus perturbantes sur la pertinence du maintien et surtout de la promotion des dépistages sans information auprès des populations-
Lire ici : https://cancer-rose.fr/2023/10/17/pas-de-prolongement-de-la-duree-de-vie-grace-aux-depistages/

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Pas de prolongement de la durée de vie par les dépistages

17/10/2023

En ce mois d'octobre où le mythe salvateur du dépistage nous est ressassé à l'envi, nous re-publions cette étude qui aurait dû conduire autorités sanitaires et décideurs politiques à appuyer ce que la concertation citoyenne sur le dépistage avait demandé, à savoir une information modérée, en tous cas neutre et honnête sur ce dépistage extrêmement décevant, et qui n'a tenu aucune des promesses attendues.
Et ce au lieu de poursuivre une incitation aveugle des femmes par le truchement de la campagne rose promotrice de ce dispositif de santé avec autant de risques maintenant avérés.
Pas de diminution des formes graves de cancers, pas de gain de survie, pas d'allègement des traitements (au contraire), davantage de surdiagnostics délétères à la santé des femmes, dont elle ne sont pas informées.

Un schéma résume ici la situation :

L' ETUDE SUR LE 'GAIN DE DUREE DE VIE'

Estimation de la durée de vie "gagnée" grâce aux dépistages des cancers

28/08/2023, traduction et synthèse par Cancer Rose

Une méta-analyse des essais cliniques randomisés
https://jamanetwork.com/journals/jamainternalmedicine/fullarticle/2808648?guestAccessKey=c7d91084-054d-49f3-97be-9b302f883c9c&utm_source=twitter&utm_medium=social_jamaim&utm_term=11181634494&utm_campaign=article_alert&linkId=232083149

Michael Bretthauer, MD, PhD; Paulina Wieszczy, MSc, PhD; Magnus Løberg, MD, PhDet alMichal F. Kaminski, MD, PhD; Tarjei Fiskergård Werner, MSc; Lise M. Helsingen, MD, PhD; Yuichi Mori, MD, PhD; Øyvind Holme, MD, PhD; Hans-Olov Adami, MD, PhD; Mette Kalager, MD, PhD
Author Affiliations Article Information
JAMA Intern Med. Published online August 28, 2023. doi:10.1001/jamainternmed.2023.3798

Il s'agit d'une revue systématique et méta-analyse publiée par des auteurs de l'Institute of Health and Society de l'University d'Oslo (Norvège), examinant 18 essais cliniques randomisés à long terme, cherchant à estimer la durée de vie 'gagnée' grâce au dépistage du cancer.
Plusieurs tests de dépistage sont analysés : dépistage par mammographie du cancer du sein; coloscopie, sigmoïdoscopie, recherche de sang fécal pour le cancer colorectal; dépistage par tomodensitométrie du cancer du poumon chez les fumeurs et les anciens fumeurs; test d’antigène spécifique de la prostate (PSA) pour le cancer de la prostate.

L'étude implique  2,1 millions de personnes, plus exactement 721 718 hommes pour le dépistage par PSA, 614 431 hommes et femmes pour le dépistage par sigmoïdoscopie, 598 934 hommes et femmes pour la recherche de sang fécal tous les deux ans, 84 585 hommes et femmes pour le dépistage par coloscopie et 73 634 femmes pour le dépistage par mammographie ; un plus petit échantillon pour le dépistage annuel par recherche de sang fécal (30 964 hommes et femmes) et pour le dépistage par tomodensitométrie du cancer du poumon (20 505 hommes et femmes).

La revue porte sur des essais avec plus de 9 ans de suivi ( 10 à 15 de suivi en moyenne) rapportant la mortalité toutes causes confondues et l’espérance de vie acquise estimée pour 6 tests de dépistage du cancer couramment utilisés, en comparant 'dépistage' avec 'absence de dépistage'.

Le critère de jugement était la durée de vie dans les groupes 'dépistage' par rapport aux groupes 'sans dépistage' selon les données déclarées de la mortalité toutes causes confondues mais aussi de la mortalité spécifique par cancer.
Autrement dit les années de vie "gagnées" par le dépistage ont été calculées comme étant la différence de durée de vie observée (en années/personnes) parmi les groupes 'dépistage' par rapport aux groupes 'sans dépistage'.
L’analyse a porté sur la population générale.
MEDLINE et les bases de données de la bibliothèque Cochrane ont constitué les bases de cette recherche.
Il n'y a pas eu d'inclusion d'études observationnelles ni d'études de modélisation en raison des multiples biais possibles.

Points clés et résultats principaux :

Question : Les tests de dépistage du cancer sont promus pour sauver des vies, mais dans quelle mesure la vie est-elle réellement prolongée grâce aux tests de dépistage du cancer couramment utilisés?

Réponse : Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie peut prolonger la vie d’environ 3 mois ; le gain de durée de vie pour les autres tests de dépistage semble peu probable ou incertain.

Figure 1

Dans cette figure 1, les flèches horizontales illustrent quatre personnes qui ont subi un dépistage.
Flèches pointant vers la droite : 2 personnes qui ont bénéficié du dépistage vivent plus longtemps grâce à la détection précoce du cancer et à la guérison.
Flèches pointant vers la gauche : 2 personnes qui ont subi un préjudice lié au dépistage et qui sont décédées plus tôt que celles qui n’ont pas subi de dépistage.
Le cercle bleu indique l’effet du dépistage sur la longévité de la population, qui a été calculée comme étant la résultante de l'ensemble des bénéfices individuels moins l'ensemble des préjudices individuels.
On voit que globalement il n'y a pas d'effet net de gain en durée de vie, ce que les dépistages promettaient lors de l'instauration des campagnes nationales.

Le gain de durée de vie

Les auteurs écrivent :

"Selon les risques relatifs observés pour la mortalité toutes causes confondues et le temps de suivi déclaré dans les essais, le seul test de dépistage qui a considérablement augmenté la longévité était la sigmoïdoscopie, de 110 jours (IC à 95 %, 0 à 274 jours) (tableau 2..)

Nous n’avons trouvé aucun résultat statistiquement significatif pour la longévité avec le dépistage par mammographie (0 jour; IC à 95 %, 190 à 237 jours) et le dépistage par recherche de sang fécal avec dépistage annuel ou bisannuel (0 jour; IC à 95 %, 70,7 à 70,7 jours).
Le dépistage par coloscopie (37 jours de gain; IC à 95 %, 146 à 146 jours) et le dépistage par PSA (prostate) (37 jours; IC à 95 %, 37 à 73 jours) peuvent être associés à une longévité d’environ 5 semaines et le dépistage du cancer du poumon chez les fumeurs ou les anciens fumeurs à environ 3 mois (107 jours; IC à 95 %, 286 à 430 jours), mais ces estimations sont incertaines)."

Figure 2

A droite la durée de vie "gagnée" ; à gauche la durée de vie "perdue"

Figure 2 résume ces résultats- Les points en diamants indiquent des estimations ponctuelles des jours de vie gagnés ou perdus pour chaque test de dépistage. Les flèches gauche et droite indiquent l'intervalle de confiance de 95 %.
CT signifie tomodensitométrie pour la recherche du cancer du poumon, FOBT (faecal occult blood test) correspond à la recherche de sang dans les selles, et le PSA est l'antigène prostatique spécifique.

Discussion

Les auteurs développent leurs constatations.

"Notre étude quantifie si l’utilisation de 6 tests de dépistage du cancer couramment utilisés est associée à la durée de vie. Un test (sigmoïdoscopie) a considérablement prolongé la vie et la longévité de 110 jours, bien que la limite inférieure de l’IC à 95 % s’étende à 0. Les tests fécaux et le dépistage par mammographie n’ont pas semblé prolonger la vie dans les essais, tandis que les estimations pour le dépistage du cancer de la prostate et du cancer du poumon sont incertaines.

Au cours des dernières décennies, des programmes organisés de dépistage du cancer ont été mis en place en Europe, au Canada, dans les îles du Pacifique et dans de nombreux pays d’Asie. Aux États-Unis, le dépistage du cancer est offert par de nombreux établissements et encouragé et remboursé par la plupart des payeurs de soins de santé. Plusieurs études se sont penchées sur l’association entre le dépistage et la mortalité toutes causes (6,28).Peu ont traduit leurs résultats en estimations pratiques et faciles à comprendre pour les professionnels de la santé et les particuliers sur la mesure dans laquelle le dépistage du cancer peut augmenter l’espérance de vie. Notre étude fournit ces estimations.

Même si nous n’avons pas observé de vie plus longue en général avec 5 des 6 tests de dépistage, certaines personnes prolongent leur vie en raison de ces tests de dépistage. Le cancer est prévenu ou détecté à un stade précoce, et les personnes survivent au dépistage et au traitement subséquent sans dommages ni complications. Sans dépistage, ces patients peuvent être morts du cancer parce qu’il aurait été détecté à un stade plus tardif et incurable. Ainsi, ces patients connaissent un gain dans la vie.

Cependant, d’autres personnes subissent une perte à vie en raison du dépistage.(35,36) Cette perte est causée par des préjudices associés au dépistage ou au traitement des cancers détectés par le dépistage, par exemple, en raison d’une perforation du côlon au cours d’une coloscopie ou d’un infarctus du myocarde après une prostatectomie radicale.(37,38)

Pour 5 des 6 tests de dépistage étudiés ici, les résultats suggèrent que la plupart des individus n’auront aucun gain de longévité.
Pour ceux dont la longévité a été altérée à cause du dépistage, la perte cumulative pour ceux qui sont lésés doit être compensée en durée par le gain cumulatif pour ceux qui en ont bénéficié, et montrer une durée de vie inchangée chez les personnes qui subissent le dépistage par rapport à ceux qui ne le font pas.
........
........
Notre étude pourrait fournir des estimations faciles à comprendre concernant la prolongation de la vie attribuable au dépistage, estimations qui pourraient être utilisées dans la prise de décision partagée avec les personnes qui envisagent de passer un test de dépistage.
Nos estimations peuvent également servir à prioriser les initiatives de santé publique par rapport à d’autres mesures préventives, comme le traitement de l’obésité ou la prévention des maladies cardiovasculaires.(28)

Le manque de longévité accrue par dépistage peut également se produire en raison de causes concurrentes de décès. Bon nombre des cancers que nous dépistons partagent des facteurs de risque avec des causes de décès plus répandues, comme les maladies cardiovasculaires et métaboliques. L’absence d’une augmentation significative de la longévité par dépistage du cancer peut donc être due à la mort par causes concurrentes en même temps qu’un patient qui serait mort du cancer sans dépistage. Un déplacement de la mortalité du cancer vers d’autres causes de décès sans allongement de la durée de vie est donc plausible.

En raison de la stigmatisation et du fardeau psychologique, un diagnostic de cancer peut également causer des décès non spécifiques au cancer, dus au suicide, aux maladies cardiovasculaires et aux accidents.(41,42) De plus, une surveillance accrue après le dépistage du cancer peut augmenter le risque d’autres maladies accidentelles, qui n’auraient pas été détectés sans dépistage.(43)

L’adhésion à plus d’un seul test de dépistage peut potentiellement augmenter la longévité. La seule étude disponible ne suggère pas qu’il y ait un effet additif du dépistage de plus d’un cancer.
...."

Une autre préoccupation abordée par les auteurs est celle de la qualité de vie après cancer.

" En plus de la durée de vie acquise ou perdue avec le dépistage, la qualité de vie est importante. Les années de vie ajustées en fonction de la qualité (Quality-adjusted life-years ou QALYs)  sont difficiles à mesurer et à interpréter, mais des analyses récentes des QALYs pour les estimations du dépistage par mammographie en Norvège suggèrent que le QALY net dans le dépistage par mammographie moderne en Norvège pourrait être négatif.(29)"

Conclusions et pertinence de l'étude :

Les résultats de cette méta-analyse suggèrent que les données actuelles ne corroborent pas l’affirmation selon laquelle les tests de dépistage du cancer sauvent des vies en prolongeant la durée de vie, sauf peut-être pour le dépistage du cancer colorectal par sigmoïdoscopie.

Tableau 2

Détail des essais randomisés inclus, comparaison 'dépistage/sans dépistage' des décès par le cancer spécifique et des décès toutes causes confondues, résultat illustré dans la figure 2-Cliquez sur l'image

Références de l'étude

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Carcinomes non progressifs et régression cancéreuse

Traduction et synthèse de deux publications, par Cancer Rose, 25/09/2023

Il est très rare qu'on observe directement des régressions cancéreuses, non pas parce qu’elles sont rares, mais parce que leur observation est difficile, car dès qu’on décèle un cancer, il est traité.

Et de fait, on ne peut pas parier sur la régression d'un cancer lorsqu'on en voit un. Une fois détecté, on ne prend aucun risque et on traite la lésion cancéreuse.
La régression cancéreuse a pu être observée chez des femmes sur le point d’être opérées de leur cancer du sein, mais dont l’intervention chirurgicale a dû être différée en raison de la survenue d’une autre maladie grave (une hémopathie évolutive p.ex.) plus urgente à traiter. Ces cas de régression existent bel et bien, et pas seulement pour le cancer du sein d’ailleurs.[1]

Carcinomes mammaires non progressifs détectés lors du dépistage par mammographie : une étude de population

Heggland, T., Vatten, L.J., Opdahl, S. et al. Non-progressive breast carcinomas detected at mammography screening: a population study. Breast Cancer Res 25, 80 (2023). https://doi.org/10.1186/s13058-023-01682-9

L'étude ici présentée rassemble des données norvégiennes et, à l'aide d'un modèle âge-période-cohorte, les auteurs évaluent la proportion de cancers non évolutifs parmi les cancers détectés.

Certains carcinomes mammaires détectés lors du dépistage, en particulier le carcinome canalaire in situ, pourraient ne jamais évoluer vers une maladie symptomatique.
Il y a toujours plus de cancers détectés chez les femmes dépistées par rapport aux non-dépistées, cet excédent correspond au surdiagnostic (diagnostics non utiles), car si toutes les tumeurs avaient pour vocation d'évoluer vers des "vrais "cancers et s'exprimer en tant que tels, il y en aurait autant dans le groupe des non dépistées que des dépistées.
Le fait qu'il y en ait davantage chez les dépistées sans différence de longévité ou des taux de mortalité entre les deux groupes montre qu'il y a un excédent de détection de cancers chez les dépistées, cancers dont bon nombre ne sont pas évolutifs, mais qui, détectés, seront néanmoins traités.
La difficulté réside dans l'évaluation de la quantité des carcinomes invasifs non évolutifs et des carcinomes in situ, de plus en plus nombreux depuis l'instauration des dépistages mais dont la très grande majorité sont des lésions à très bon pronostic et non évolutives, à tel point que dans certains pays des programmes de simple surveillance active sont proposés.

Résultats de l'étude

Heggland et coll. veulent examiner si tous les carcinomes mammaires détectés lors d'un dépistage entre 50 et 69 ans évoluent vers des symptômes cliniques à 85 ans.
Ils ont estimé la fréquence des tumeurs non progressives (ou non évolutives) parmi les cas détectés par le dépistage, sur la base du programme BreastScreen Norway de la population norvégienne avec 24 ans de suivi, en calculant la différence du taux cumulé de carcinomes mammaires entre les scénarios avec et sans dépistage à l'âge de 85 ans.

Les résultats suggèrent que près d'un carcinome mammaire sur six détectés lors du dépistage peut être non progressif. Les auteurs écrivent : "Nous avons constaté que les carcinomes mammaires qui n'évoluent pas vers des cancers cliniques à l'âge de 85 ans pourraient représenter une proportion substantielle des cas détectés lors du dépistage. Une meilleure connaissance de la progression tumorale est nécessaire pour optimiser le traitement des carcinomes mammaires détectés par dépistage."

Ils ajoutent que leur estimation plus faible des carcinomes mammaires non progressifs par rapport à d'autres études peut être attribuée à la modélisation utilisée ; en effet diverses méta-analyses et un travail de synthèse de grande envergure du Pr.P.Autier suggèrent qu'un tiers des cancers détectés pourraient être des cancers non évolutifs et de détection inutile.

Une vérification de ce modèle suggère une régression de 50 % des cancers du sein invasifs surdiagnostiqués.

Réaction du chercheur et épidémiologiste norvégien Per-Henrik Zahl

https://breast-cancer-research.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13058-023-01708-2

Les modèles sont souvent spéculatifs...Et il y a peut-être un autre phénomène en dehors du caractère non évolutif des cancers, à savoir celui de la régression cancéreuse.

Dans le modèle, constate H.Zahl, à l'âge de 69 ans, le taux d'incidence excédentaire estimé est de 1 614 pour 100 000 femmes.
Si les femmes de cette cohorte n'ont pas participé au dépistage pendant 20 ans, ces tumeurs devraient s'accumuler en l'absence de dépistage et on devrait les détecter à 69 ans. Or, en supposant un taux de participation de 80%, on obtient un taux de détection spécifique à l'âge de 746 cancers du sein invasifs pour 100 000 femmes dépistées, plus environ 160 in situ détectés. Cela donne un taux de détection d'environ 900 pour 100 000 femmes dépistées.
Par rapport aux 1614 attendues dans le modèle, il nous manque presque la moitié des cancers, et rien ne justifie de considérer que 45 % des tumeurs ne se développent pas avant l'âge de 69 ans, qu'on ne les détecte pas lors des dépistages successifs jusqu'à 69 ans, et puis qu'elles commenceraient à se développer après l'âge de 69 ans et deviendraient cliniques plus tard.
Pour H.Zahl il s'agit bien de tumeurs, non seulement qui n'ont pas progressé mais qui ont même régressé et qu'il faut considérer dans le surdiagnostic.  
Il faut, dit-il, dans les discussions sur le surdiagnostic et lorsqu'un modèle d'évaluation des ne correspond pas aux données, prendre en compte le phénomène de régression cancéreuse.
Il convient de noter que la régression du cancer a également été indirectement signalée dans un essai de dépistage randomisé par mammographie[2]- environ 50 % des tumeurs détectées par IRM ont très probablement régressé dans cette étude.

Voir ceci : https://cancer-rose.fr/2020/06/25/regression-cancereuse/

Zahl écrit : " Il existe des preuves biologiques très solides indiquant que les petites tumeurs peuvent régresser spontanément. Certains cancers existent en équilibre avec le système immunitaire. Le vaccin Bacillus Calmette-Guérin (BCG) contre la tuberculose est utilisé depuis plus de 50 ans pour traiter les tumeurs à haut risque de la vessie ainsi que le mélanome malin. En effet, la thérapie immunitaire moderne est basée sur l'interaction avec le système immunitaire. Plus récemment, le pembrolizumab (anticorps monoclonal) a été approuvé par la FDA pour le traitement du cancer du sein triple négatif à haut risque, qu'il soit non avancé ou avancé. "

En conclusion :

L'histoire naturelle du cancer est encore mal connue.
Elle est certainement beaucoup plus complexe qu'imaginée, et très probablement sous l'influence du système immunitaire individuel.
La régression cancéreuse existe, et est vraisemblablement sous-estimée.


[1] Etudes sur la régression cancéreuse

  • Okunaga E, Okano S, Nakashima Y, Yamashita N, Tanaka K, Akiyoshi S, et al. Spontaneous regression of breast cancer with axillary lymph node metastasis: a case report and review of literature. Int J Clin Exp Pathol. 2014; 7(7): 4371-80.
  • Onuigbo WIB. Spontaneous regression of breast carcinoma: review of English publications from 1753 to 1897. Oncol Rev. Oct 2012; 6 (2): e22.
  •  Ricci SB, Cerchiari U. Spontaneous regression of malignant tumors: Importance of the immune system and other factors (Review). Oncol Lett. Nov 2010; 1(6): 941-5.

[2] Welch HG, Zahl P-H. Cancer dynamics in the DENSE trial. N Engl J Med. 2020;382:1283–4.

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Dépistage et femme âgée

8 août 2023, par Cancer Rose

Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes âgées de 70 à 85 ans et plus, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic variait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion l'âge avançant.
D'autres études antérieures mettaient déjà fortement en doute l'intérêt du dépistage chez les femmes âgées, et l'effet délétère des traitements lourds sur ces organismes fragilisés et à prendre d'autant plus en compte.

https://www.acpjournals.org/doi/abs/10.7326/M23-0133?af=R&journalCode=aim

 Selon cette étude de cohorte réalisée sur 54 635 femmes de 70 ans à 74 ans, de 75 à 84 ans et de plus de 85 ans, aucune réduction significative de mortalité par cancer du sein n'a pu être mise en évidence.
En revanche le pourcentage estimé de surdiagnostic varierait entre 31% et 54%, avec une augmentation de cette proportion plus l'âge avance.

Ces résultats rejoignent ceux d'une étude antérieure, de 2014, d'universitaires de Leyden, Pays Bas.
Selon les auteurs, après 70 ans, le dépistage organisé du cancer du sein serait inutile. En effet, à cet âge, la pratique du dépistage n'améliore pas de façon significative la détection des cancers aux stades avancés mais fait en revanche bondir le nombre de surdiagnostics et donc de surtraitements.

Aux Pays-Bas, le dépistage du cancer du sein est proposé aux femmes jusqu'à 75 ans depuis la fin des années 1990. «Pourtant, rien ne prouve que le dépistage chez les femmes plus âgées est efficace », expliquent les auteurs de l'étude, mentionnant aussi le fait que peu d'essais aient été réalisés spécifiquement sur ces groupes d'âge.
Pour les chercheurs néerlandais, le dépistage systématique après 70 ans entraînerait surtout la détection et donc les traitements de lésions qui n'auraient pas évolué en maladie durant la vie des patientes.

Ces traitements inutiles entraînent un impact sur la santé trop important, et une co-morbidité trop lourde chez ces personnes âgées, qui supportent moins bien les effets secondaires des traitements, chirurgicaux, des radiothérapies et des chimiothérapies.

Les auteurs de l'étude américaine ici posent également la question de savoir si les bénéfices sont vraiment suffisamment importants, et qui ils concernent réellement pour contrebalancer les effets néfastes des surdiagnostics. Cette question reste en suspens.

Lien connexe : https://cancer-rose.fr/2019/04/07/la-campagne-pour-le-depistage-de-la-femme-agee-par-le-college-national-des-gynecologues-et-obstetriciens-de-france-cngof/

Faut-il freiner chez la femme âgée ?

C'est une question que pose le JAMA, en 2019, et dont nous parlions ici : https://cancer-rose.fr/2019/02/06/depistage-chez-la-femme-agee/

Les auteurs relatent les résultats d'une étude portant sur l'efficacité de techniques numériques assistées par ordinateur pour aider le radiologue à détecter des zones suspectes.
Cette vaste étude de 2013, donnait, chez les femmes âgées de 65 à 84 ans, des résultats mitigés : la technologie a détecté certains cancers au stade précoce mais n’a pas augmenté la détection en général et a conduit à davantage de faux-positifs. Il n'est pas certain que la santé des femmes âgées se soit améliorée grâce à cette technologie.
FentonJJ,XingG,ElmoreJG,etal.Short-term outcomes of screening mammography using computer-aided detection: a population-based study of Medicare enrollees. Ann Intern Med. 2013; 158(8):580-587. doi:10.7326/0003-4819-158-8- 201304160-00002

Des doutes d'efficacité existent aussi pour l'utilisation de la tomosynthèse chez les femmes âgées, et l'article suggère que bien que les nouvelles technologies de dépistage du cancer du sein aient largement supplanté la mammographie analogique sur film, il est difficile de savoir si ces avancées ont réellement amélioré la santé des femmes en particulier chez celles de 75 ans et plus.

En conclusion

Il est, une fois de plus, démontré que le dépistage du cancer du sein dans les tranches d'âge au-delà de 74 ans est associé à une plus grande incidence du cancer du sein, ce qui suggère un surdiagnostic augmentant en fréquence avec l'âge.
Les méfaits du surdiagnostic ne semblent pas équilibrés par des bénéfices en termes de diminution des formes avancées de cancer.

Il convient de ce fait de rester très prudent et le moins intrusif possible chez ces patientes dont le système immunitaire est affaibli.
Tous les organes s'épuisent et fonctionnent moins bien avec l'âge, les facultés de cicatrisation, de régénération tissulaire sont moindres, tout cela est en prendre en compte dans l'administration des traitements lourds, comportant eux-mêmes des risques et des complications, pouvant être fatals au grand âge..

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Risque de décès par cancer du sein, en baisse, dépistage ou pas

Mortalité par cancer du sein pour 500 000 femmes atteintes d'un cancer du sein invasif précoce en Angleterre, 1993-2015 : étude de cohorte observationnelle basée sur la population.

BMJ 2023; 381 doi: https://doi.org/10.1136/bmj-2022-074684 (Published 13 June 2023)Cite this as: BMJ 2023;381:e074684

Carolyn Taylor, professor of oncology and honorary clinical oncologist2,  
Paul McGale, statistician1,  
Jake Probert, statistician1,  
John Broggio, cancer analytical lead3,  
Jackie Charman, senior cancer analyst3,  
Sarah C Darby, professor of medical statistics1,  
Amanda J Kerr, systematic reviewer1,  
Timothy Whelan, radiation oncologist4,  
David J Cutter, senior clinical research fellow and clinical oncologist2,  
Gurdeep Mannu, lecturer in general surgery1,  
David Dodwell, senior clinical research fellow and clinical oncologist2

1Nuffield Department of Population Health, University of Oxford, Oxford, UK
2Oxford University Hospitals, Oxford, UK
3National Disease Registration Service (NDRS), NHS England, Birmingham, UK
4Department of Oncology, McMaster University and Juravinski Cancer Centre, Hamilton, ON Canada

Article

Synthèse Cancer Rose

Analyse par Dr Vincent Robert, statisticien

Réponse aux auteurs, par H.Zahl, épidémiologiste et statisticien

On a écrit à l'auteure principale

Opinions

Objectif de l'étude

Il s'agit d'une étude de cohorte (un groupe de sujets suivis pendant la durée de l'étude), observationnelle, portant sur 512 447 femmes.

Il y a deux objectifs :

1°- Analyse des taux annuels de mortalité par cancer du sein et les risques de mortalité cumulés en fonction du temps écoulé depuis le diagnostic, pour les femmes dont le diagnostic a été posé au cours de chacune de ces périodes calendaires : 1993-99, 2000-04, 2005-09 et 2010-15

2°- Examen des variations de ces taux de mortalité en fonction de plusieurs critères : selon la période calendaire du diagnostic, selon le temps écoulé depuis le diagnostic, selon la détection ou non du cancer par dépistage, et selon les caractéristiques des patientes et des tumeurs qu'elles présentaient.

Dans l'ensemble, près de la moitié des cancers chez les femmes des groupes d'âge éligibles au dépistage ont été détectés par le dépistage.

Résultats principaux :

Les risques bruts de mortalité par cancer du sein diminuent avec l'augmentation de la période calendaire.
En d'autres termes, les femmes des périodes calendaires plus proches de notre période contemporaine ont plus de chance de survivre longtemps après le diagnostic de cancer par rapport aux femmes diagnostiquées lors de périodes calendaires plus anciennes dans le temps, avec une ampleur significative.

Le risque de mortalité cumulé par cancer du sein sur cinq ans était :

  • de 14,4 % pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 1993 et 1999, et
  • de 4,9 % pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 2010 et 2015.

Ces résultats correspondent à la totalité d’une cohorte de 512 447 femmes entre 18-89 ans dont :
-femmes éligibles au dépistage, avec cancer détecté dans le cadre du dépistage organisé : 128 240 femmes (soit environ un quart de la cohorte)
-femmes éligibles au dépistage, mais non dépistées, avec cancer détecté en dehors du dépistage : 133 427 femmes (soit environ un quart de la cohorte)
-femmes non éligibles au dépistage organisé : 250 780 femmes (soit environ la moitié de la cohorte)

Composition des groupes indiquée dans le tableau 1, extraction ci-après :

Les taux annuels de mortalité par cancer du sein, ajustés, ont également diminué de façon similaire avec l'avancée de la période calendaire dans presque tous les groupes de patientes, d'un facteur d'environ trois pour les cancers à récepteurs d'œstrogènes positifs, qui correspondent aux formes de cancers de meilleur pronostic, et d'environ deux pour les cancers à récepteurs d'œstrogènes négatifs, qui correspondent à des formes de cancers plus péjoratives. Le risque de mortalité s'améliore avec l'avancée des périodes calendaires étudiées vers les années proches de nous, par rapport aux années plus anciennes.

Le but de l'étude était principalement d'utiliser les risques de mortalité par cancer du sein à cinq ans pour les patientes ayant reçu un diagnostic récent. En effet, disent les auteurs, ces taux de mortalité qu'on connaît à présent peuvent être utilisés pour estimer les risques de mortalité par cancer du sein pour les patientes d'aujourd'hui.
La finalité de l'étude étant d'informer les patients et les cliniciens des risques de mortalité absolus probables pour les patientes traitées aujourd'hui pour un cancer du sein, en tenant compte, entre autres, des caractéristiques de leur tumeur.
L'étude montre que, pour les femmes chez qui un cancer du sein précoce a été diagnostiqué, le risque d'en mourir dans les cinq ans a considérablement diminué entre les années 1990 et 2010-2015. Pour la plupart des femmes diagnostiquées récemment, le risque de décès par cancer du sein dans les cinq ans était de 3 % ou moins. Cette information est d'utilité pour les femmes contemporaines.

Les auteurs concluent: "Il faut toutefois noter que les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage".

Conclusions détaillées :

Le pronostic des femmes atteintes d'un cancer du sein invasif précoce s'est considérablement amélioré depuis les années 1990. La plupart d'entre elles peuvent s'attendre à survivre à long terme au cancer, même si le risque reste appréciable pour quelques-unes d'entre elles.

Depuis les années 1990, le risque de décès cumulé à cinq ans dû au cancer du sein est passé de 14,4 % à 4,9 % dans l'ensemble, avec des réductions observées dans presque tous les groupes de patientes.
En effet, le risque de mortalité cumulé sur cinq ans était de 14,4 % (intervalle de confiance à 95 % de 14,2 % à 14,6 %) pour les femmes dont le diagnostic a été posé entre 1993 et 1999 et a diminué progressivement avec l'augmentation de la période calendaire pour atteindre 4,9 % (de 4,8 % à 5,0 %) pour les femmes dont le diagnostic a été posé plus tard, entre 2010 et 2015.

Il est donc démontré que le taux de mortalité par cancer du sein a diminué avec la période calendaire du diagnostic au cours de la période couverte par l'étude.
Mais bien que des diminutions se soient produites dans presque tous les groupes de patientes, l'ampleur de la diminution du taux de mortalité et le risque de décès par cancer à 5 ans variait considérablement entre les femmes selon qu'elles présentaient des caractéristiques différentes :
- le risque de mortalité est inférieur à 3 % pour 62,8 % des femmes,
- mais il est de 20 % ou plus pour 4,6 % d'entre elles, correspondant aux formes de cancers particulièrement agressives et difficilement curables.

Dans nos données, expliquent les auteurs, l'absence de diminution de la mortalité chez les femmes âgées de 80 à 89 ans atteintes d'un cancer du sein à récepteurs d'œstrogènes négatifs peut s'expliquer par le fait que ces femmes ne reçoivent généralement pas de traitement systématique adjuvant (traitement qui complète le traitement principal afin de prévenir un risque de récidive locale ou de métastases, comme une hormonothérapie ou une immunothérapie p.ex.), ou qui ne reçoivent pas de radiothérapie, de sorte que toute amélioration en soi de ces traitements n'aurait pas eu d'effet sur la mortalité dans ce groupe de patientes.
Les patientes âgées de moins de 40 ans au moment du diagnostic présentaient un risque de mortalité par cancer du sein plus élevé que les patientes âgées de 40 diagnostiquées, cela s'expliquant par le fait que les cancers du sein chez les femmes plus jeunes sont intrinsèquement plus agressifs que ceux des femmes plus âgées.

Les auteurs ont constaté que la mortalité par cancer du sein diminuait toujours en fonction de la période calendaire du diagnostic, quels que soient les différences de caractéristiques des tumeurs et même, les améliorations de la mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage se sont accompagnées d'améliorations aussi chez celles dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage.
Ceci est résumé dans l'illustration ci-dessous, qui présente les résultats sur la totalité des femmes (dont un quart de femmes éligibles et dépistées, un quart sont des cas de cancers chez des femmes éligibles mais non dépistées,  et la moitié de l'effectif sont des femmes non éligibles au dépistage) :

On peut arguer que le dépistage permet la détection de tumeurs de plus en plus petites au fil des années avec des améliorations technologiques de appareils de mammographie importantes, avec des tumeurs trouvées de grades toujours plus bas, mais, disent les auteurs, cette baisse de la mortalité ne peut être attribuée aux seuls changements de taille de la tumeur, au nombre de ganglions positifs ou au grade de la tumeur, car la mortalité par cancer du sein a continué de diminuer selon la période calendaire du diagnostic, même après ajustement tenant compte de ces facteurs.

Sans compter que le dépistage et les techniques d'imagerie mammaire plus sensibles sont également susceptibles de n'avoir conduit qu'à un diagnostic plus précoce et à une survie apparemment plus longue, sans pour autant modifier l'évolution clinique de la maladie. La survie, rappelons-le, correspond à la durée de vie avec le diagnostic de cancer, et augmente avec l'amélioration des traitements et avec le surdiagnostic. En effet, plus on détecte tôt dans la vie de l'individu des cancers qui de toute façon n'étaient pas destinés à tuer leur hôte, qui sont de très bas grade et le resteront, et plus les données de survie sont artificiellement améliorées, sans pour autant influer sur l'espérance de vie.

Relations avec le dépistage


Pour les patientes ayant reçu un diagnostic de cancer dépisté ou non dépisté, les taux annuels de mortalité par cancer du sein et les risques cumulés de mortalité par cancer du sein ont montré des tendances similaires de baisse à celles de l'ensemble des femmes en fonction de la période calendaire du diagnostic.

L'étude montre que les améliorations de la mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage se sont accompagnées d'améliorations aussi chez celles dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage.
L'augmentation du dépistage n'explique donc pas les améliorations de la mortalité,

L'apport de l'étude

D'autres études ont déjà montré le rôle très marginal du dépistage dans la décroissance de mortalité par cancer du sein depuis les années 90.
On sait déjà que le risque de mortalité par cancer du sein après un diagnostic de cancer du sein invasif précoce a diminué au cours des dernières décennies.

L'étude d'impact de Bleyer et Miller concluait que le lien entre mammographie de dépistage et le degré de réduction de mortalité par cancer du sein observée ces dernières années était de plus en plus sujet à controverse. Leur comparaison de huit pays d' Europe et en Amérique du Nord ne démontrait pas de corrélation entre l'intensité du dépistage national et la chronologie ou même l'ampleur de réduction de mortalité par cancer du sein.

Les preuves issues des trois approches différentes (approche temporelle, approche d'ampleur et approche comparative avec d'autres pathologies ne faisant pas l'objet d'un dépistage), et d'autres observations supplémentaires ne soutenaient pas l'hypothèse que le dépistage par mammographie serait la raison principale de la réduction de mortalité par cancer du sein observée en Europe et en Amérique du Nord.

De même façon l'étude des trois paires de pays comparées de P.Autier suggérait que le dépistage n’avait pas joué de rôle direct dans la réduction de la mortalité par cancer du sein, au vu du contraste entre les différences temporelles dans la mise en œuvre du dépistage mammographique et la similitude dans les réductions de mortalité entre les paires de pays.
C'est à dire que les pays ayant introduit le dépistage plus tôt que d'autres pays l'ayant fait plus tardivement connaissaient une réduction de mortalité par cancer du sein similaire, alors qu'on aurait dû constater un phénomène amplificateur dans la réduction de mortalité par le fait d'un instauration plus précoce des campagnes.
Il n'y a donc pas de lien entre l'activité du dépistage et la baisse de la mortalité.

Et le cancer invasif métastatique reste toujours aux mêmes taux, le dépistage ne permettant pas d'appréhender cette forme agressive du fait de ses caractéristiques intrinsèques biologiques agressives et souvent du fait de sa grande vélocité. 

Citons pour finir cette étude : Søren R Christiansen, Philippe Autier, Henrik Støvring, Change in effectiveness of mammography screening with decreasing breast cancer mortality: a population-based study
Résumée ici : https://cancer-rose.fr/2022/07/01/leffet-du-depistage-du-cancer-du-sein-en-declin/

Selon les auteurs, les améliorations apportées aux thérapies contre le cancer au cours des 30 dernières années ont réduit la mortalité, ce qui pourrait éroder la balance bénéfices-inconvénients du dépistage par mammographie. 
De plus les améliorations futures de la prise en charge des patientes atteintes d'un cancer du sein réduiront de plus en plus le rapport bénéfice-risque du dépistage.
Le bénéfice de la mammographie en termes de réduction de la mortalité diminue alors que les inconvénients tels que le surdiagnostic ne sont , eux, constants. 
Le dépistage conduit à la fois au surdiagnostic et au surtraitement, ce qui a un coût à la fois humain et économique,

Ce que l'étude ici apporte, c'est une estimation de l'ampleur de la décroissance du taux de mortalité par cancer du sein constatée depuis les années 90, et que celle-ci n'est pas liée au dépistage ni à aucun autre facteur lié à la tumeur ou à la femme porteuse du cancer, puisqu'on ne constate pas de différence dans les variations des taux de mortalité quels que soient ces facteurs, que le cancer soit trouvé par dépistage ou non.
La raison est très vraisemblablement à chercher parmi les améliorations thérapeutiques des dernières décennies.

Illustrations : taux de mortalité annuels et risques cumulés de mortalité

Le risque cumulatif est la somme des différents risques annuels, présents sur 5 ans. La fonction de risque de mortalité décrit l'évolution en fonction du temps et des facteurs cumulés du risque instantané de décès. 

Synthèse par Cancer Rose

Il s'agit d'une étude d'épidémiologie descriptive. Son objectif est de quantifier la diminution de mortalité observée depuis les années 90. Cette diminution n'est pas un scoop loin de là, mais il était intéressant de la chiffrer globalement et par sous-groupes.
Elle est de l'ordre de 14,4% à 4,9% à 5 ans entre les deux laps de périodes examinés. pour toutes les femmes, avec une réduction similaire selon les groupes (dépistées ou pas).
Des études d'impact (voir notre article) ont déjà objectivé cette diminution de mortalité par cancer du sein depuis les années 90, l'impact du dépistage est très marginal voire inexistant, car cette diminution n'est pas en phase avec l'introduction des campagnes de dépistage.

Les auteurs concluent essentiellement que les données récentes montrent une amélioration des risques de mortalité par cancer du sein par rapport aux données plus anciennes, est ceci est confirmé par leurs résultats. Ils précisent plusieurs choses : "...l’augmentation du dépistage ne peut expliquer à elle seule la diminution de la mortalité par cancer du sein que nous avons observée." et un peu plus loin : "cette étude observationnelle ne peut déterminer les causes spécifiques de ces réductions de mortalité."
Et encore, vraisemblablement le plus important : "...les améliorations en termes de mortalité par cancer du sein observées chez les femmes dont le cancer a été détecté par dépistage ont été parallèlement constatées chez les femmes dont le cancer n'a pas été détecté par dépistage".

Cette étude confirme (et surtout chiffre) l'évolution à la baisse de la mortalité par cancers du sein mais elle ne conclut pas (et ne permet pas de conclure) sur la ou les causes de cette baisse.

Ce qu'il faut bien comprendre est que dans cette étude, il ne s'agit pas du taux de mortalité mais du RISQUE cumulé de mortalité sur 5, 10 ou 15 ans. Ces risques de mortalité cumulés dépendent du temps T0 choisi. Ici ce temps T0 est la date du diagnostic du cancer. Les risques de mortalité présentés dans l'étude sont donc influencés par l'avance au diagnostic, (puisque le T0 sera plus précoce pour les cancers dépistés que pour les cancers non dépistés) et donnera un apparent meilleur succès dans les groupes dépstés.
L'avance au diagnostic est un biais très bien connu inhérent au dépistage donnant une illusion de meilleure survie au cancer alors qu'on a juste anticipé sa 'date de naissance'.

Le pronostic des cancers du sein s'améliore, sans qu'il soit possible de dire quelle est la part du dépistage, des progrès thérapeutiques et des facteurs de confusion que sont le biais d'avance au diagnostic, les surdiagnostics surtout, et aussi les facteurs sociaux et économiques.

Selon les études déjà disponibles (voir article) le rôle du dépistage est vraisemblablement marginal, et l'apparent succès dans les groupes dépistés est influencé par l'avance au diagnostic.

Analyse de Dr V.Robert

Vous trouverez des réflexions ici, plus techniques sur l'étude, de notre statisticien Dr Vincent Robert : https://mypebs-en-question.fr/actus/taylor-bmj.php

Dr Vincent Robert a également publié une 'réponse rapide' à l'article dans le BMJ, à lire ici :

https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-074684/rapid-responses

"Taylor et ses collègues (1) ont publié une étude intéressante sur la mortalité par cancer du sein entre 1993 et 2015. L’étude a confirmé une diminution de la mortalité au fil du temps. Cette étude compare également la mortalité associée aux cancers dépistés avec la mortalité associée aux cancers non dépistés.
Bien que cette étude ne permette pas de tirer de conclusions sur les avantages de l’examen préalable, et malgré les avertissements explicites dans la publication, les promoteurs du dépistage l’utilisent pour promouvoir ce dépistage.

1. Cancers d'intervalles

Les deux groupes de cancers diagnostiqués et non diagnostiqués par dépistage ne correspondent pas à la répartition entre femmes dépistées et femmes non dépistées. Les cancers non détectés par le dépistage comprennent les cancers d’intervalle découverts entre deux séries de dépistage chez les femmes qui participent au dépistage. Ces cancers d’intervalle sont des échecs de dépistage, et il n’est pas logique d’évaluer le rendement du dépistage en attribuant ces échecs et les décès qui en résultent aux femmes non traitées. Ce problème est loin d’être mineur : en Angleterre, les cancers d’intervalle représentent environ un tiers de tous les cancers chez les femmes dépistées (2). En outre, ces cancers d’intervalle ont un stade plus élevé avec des caractéristiques moléculaires défavorables (3).

2. Surdiagnostic.

Le surdiagnostic, qui correspond aux cancers découverts par le dépistage mais qui n’auraient jamais affecté la santé s’ils n’avaient pas été découverts, conduit à une augmentation artificielle des cancers sans augmentation des décès.
Le surdiagnostic tend donc mathématiquement à abaisser le taux de mortalité et à créer l’illusion de l’efficacité du dépistage, alors qu’en réalité, le dépistage n’a pas amélioré le pronostic des cancers "réels" ("réels" au sens de cancers susceptibles de nuire à la santé).
Encore une fois, il ne s’agit pas d’un problème mineur puisque le surdiagnostic peut représenter plus de 40 % des cancers diagnostiqués par dépistage (4).

3. Non-comparabilité entre les groupes.

Comme les deux groupes correspondant aux cancers diagnostiqués et non diagnostiqués par le dépistage n’ont pas été mis en place par randomisation, la répartition des facteurs de risque de décès n’est probablement pas équilibrée entre les groupes.

Dans de nombreux cas, le défaut de réponse aux invitations du dépistage reflète des problèmes psychosociaux ou des difficultés d’accès aux établissements de santé, dont les conséquences ne se limitent pas à ne pas accepter les invitations au dépistage, mais sont également susceptibles d’affecter la prise en charge et le pronostic du cancer.

4. Biais d'avance au diagnostic

Le biais d'avance ne devrait pas jouer un rôle important dans la mortalité tardive. En revanche, il est susceptible de réduire la mortalité précoce (mortalité sur 5 ans) des cancers dépistés.

  1. Les préjudices liés au dépistage devraient également être pris en considération

Il ne suffit pas d’évaluer les avantages du dépistage.

Les préjudices liés au dépistage, tels que le stress dû aux fausses alarmes, le surdiagnostic avec répercussions psychologiques et sociales, les conséquences somatiques des traitements inutiles causés par le surdiagnostic et les cancers induits par les rayonnements par des mammographies répétées, doivent tous être pris en considération et soupesés.

L’étude ne fournit aucune information sur ces aspects (ce n’était pas non plus le but de l’étude). Toutefois, ce n’est qu’après avoir examiné tous ces facteurs - la diminution de la mortalité et le coût de cette diminution - qu’on peut porter un jugement sur la valeur du dépistage.

Et c’est à chaque femme de décider elle-même, sans coercition ni persuasion, si oui ou non elle veut être contrôlée.

La valeur du dépistage ne peut être évaluée qu'après avoir pris en compte tous ces aspects. Et chaque femme doit décider elle-même de se faire dépister ou non, sans aucune contrainte ni persuasion."

Références :

  1. Taylor C, McGale P, Probert J, Broggio J, Charman J, et al. Breast cancer mortality in 500 000 women with early invasive breast cancer in England, 1993-2015: population based observational cohort study. BMJ 2023; 381 e074684.
  2. Bennet RL, Sellars SJ, Moss SM. Interval cancers in the NHS breast cancer screening programme in England, Wales and Northern Ireland. Br J Cancer 2011;104(4):571-577  doi:10.1038/bjc.2011.3
  3. Ambinder EB, Lee E, Nguyen DL, Gong AJ, Haken OJ, Visvanathan K. Interval Breast Cancers Versus Screen Detected Breast Cancers: A Retrospective Cohort Study. Acad Radiol. 2023 Feb 3:S1076-6332(23)00020-X. doi: 10.1016/j.acra.2023.01.007
  4. Jørgensen KJ, Gøtzsche PC, Kalager M, Zahl PH. Breast Cancer Screening in Denmark: A Cohort Study of Tumor Size and Overdiagnosis. Ann Intern Med. 2017;166(5):313-323. doi:10.7326/M16-0270

Réponse rapide par Per-Henrik Zahl 

H.Zahl est épidéiologiste et statisticien au Norwegian Institute of Public Health et il répond aux auteurs https://www.bmj.com/content/381/bmj-2022-074684/rr

Taylor et ses collègues [1] ont publié un article intéressant sur le pronostic du cancer du sein au stade précoce diagnostiqué en Angleterre entre 1993 et 2015 et ont conclu que "le pronostic des femmes atteintes d'un cancer du sein invasif au stade précoce s'est considérablement amélioré depuis les années 1990". Il n'est pas si évident que le pronostic se soit amélioré de manière substantielle, car le biais de surdiagnostic (qui comprend à la fois le biais de temps d'avance et le biais de lenteur d’évolution) n'a pas été correctement pris en compte, je pense.

Les auteurs utilisent le terme de mortalité pour décrire la survie après un diagnostic de cancer du sein. Habituellement, le terme de mortalité est utilisé pour désigner le nombre de décès pour 100 000 personnes exposées au risque de décès. Je ne trouve aucune référence aux années d'exposition au risque de la population dans cet article. Il semble donc que les auteurs étudient la mortalité (ou la survie) après un diagnostic plutôt que la mortalité telle qu'elle est normalement définie en épidémiologie. La survie après un diagnostic est une mesure valable pour comparer les thérapies anticancéreuses dans les essais randomisés ; cependant, les changements dans la survie à 5 ans après un diagnostic au fil du temps n'ont que peu de rapport avec les changements dans la mortalité par cancer pour 100 000 personnes à risque. Au contraire, l'évolution de la survie à 5 ans semble principalement liée à l'évolution des schémas de diagnostic [2]. L'évolution des schémas de diagnostic du cancer du sein est appelée surdiagnostic (défini comme la détection de tumeurs qui ne se transformeraient jamais en maladie clinique au cours de la vie de la patiente) [3].

Le niveau de surdiagnostic lors du dépistage du cancer du sein était typiquement d'environ 50 % il y a 20 ans [3]. Le surdiagnostic ne se limite pas au dépistage en tant que tel, mais il est également lié à l'introduction de méthodes de diagnostic plus sensibles, méthodes qui sont également utilisées en dehors des programmes publics de dépistage. La mammographie détecte également de nombreux carcinomes canalaires in situ (CCIS), que beaucoup considèrent comme des lésions précancéreuses. Si vrai, cela devrait permettre de détecter moins de cancers du sein invasifs, ce qui n'a jamais été observé. Le niveau de surdiagnostic augmente avec le temps en raison de l'introduction de nouvelles méthodes de diagnostic plus sensibles [4] et il en va de même pour le CCIS. Le cancer du sein invasif et le CCIS sont positivement corrélés et pas négativement corrélés.

Supposons que le niveau de surdiagnostic soit de 50 % sur une période donnée, qu'il n'y ait pas d'amélioration dans le traitement du cancer et que la survie à 5 ans soit de 80 % pour le cancer du sein à un stade précoce au début de la période. Le nombre de décès parmi les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein passerait alors de 20 pour 100 cas de cancer du sein à 20 pour 150 cas de cancer du sein, soit une réduction d'un tiers, même en l'absence d'amélioration du traitement du cancer du sein.

References
1. Taylor C, McGale P, Probert J, Broggio J, Charman J, et al. Breast cancer mortality in 500 000 women with early invasive breast cancer in England, 1993-2015: population based observational cohort study. BMJ 2023; 381 e074684.
2. Welch HG, Schwartz LM, Woloshin S. Are increasing 5-year survival rates evidence of success against cancer? JAMA 2000; 283: 2975-8.
3. Zahl P-H, Strand BH, Mæhlen J. Breast cancer incidence in Norway and Sweden during introduction of nation-wide screening: prospective cohort study. BMJ 2004; 328: 921-4.
4. Bakker MF, de Lange SV, Pijnappel RM, Mann RM, Peeters PHM, et al. Supplemental MRI Screening for Women with Extremely Dense Breast Tissue. NEJM 2019; 381: 2091-102

Réponse à notre courrier de l'auteure principale

Devant la récupération par une certaine presse grand public donnant l'occasion à des défenseurs du dépistage toute latitude à s'exprimer, sans contradiction, les laissant affirmer que l'étude prouverait la suprématie du dépistage pour diminuer la mortalité par cancer du sein ces dernières décennies, nous avons écrit (ainsi que beaucoup d'autres scientifiques, le problème de la distorsion par la presse se posant dans d'autres pays) à l'auteure principale, Mme la Pr. Carolyn Taylor, et avons reçu cette réponse :

"Many thanks for your message to Professor Carolyn Taylor regarding her recent paper published in The BMJ.

Professor Taylor has received a number of inquiries arising from the publication of her paper. She would like to point out that the paper does not provide any information as to the benefits or otherwise of breast screening and that she has nothing to add to what she has already said in the paper.

Thank you again for your interest, ...
Oxford Population Health Communications"

"Un grand merci pour votre message au professeur Carolyn Taylor concernant son récent article publié dans The BMJ .

Le professeur Taylor a reçu un certain nombre de demandes de renseignements découlant de la publication de son article. Elle tient à souligner que le document ne fournit aucune information quant aux avantages ou non du dépistage du sein et qu'elle n'a rien à ajouter à ce qu'elle a déjà dit dans le document.

Merci encore pour votre intérêt ....
Oxford Population Health Communications"

Opinions

BMJ 2023; 381 doi: https://doi.org/10.1136/bmj.p1355 (Published 13 June 2023)Cite this as: BMJ 2023;381:p1355

Mairead MacKenzie, patient advocate1,  
Hilary Stobart, patient advocate1,  
David Dodwell, senior clinical research fellow and clinical oncologist23,  
Carolyn Taylor, professor of oncology and honorary clinical oncologist23

  1. 1Independent Cancer Patients’ Voice
  2. 2Nuffield Department of Population Health, University of Oxford
  3. 3Oxford University Hospitals, Oxford, UK

Deux défenseures des droits des patientes racontent comment elles ont contribué à l'étude de recherche sur le cancer du sein.

"Mairead MacKenzie et Hilary Stobart ont reçu un diagnostic de cancer du sein il y a quelques années. Elles ne sont que deux parmi le demi-million de femmes qui ont transmis leurs données à notre étude sur les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein au stade précoce en Angleterre. En tant que défenseures des patientes, elles ont également contribué à l'élaboration de l'étude.

Hilary et Mairead estiment toutes les deux qu'il est nécessaire de disposer d'informations actualisées sur les suites d'un diagnostic de cancer du sein au stade précoce. Elles ont utilisé leur expertise en tant que patientes pour souligner comment les données des femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein dans le passé pouvaient être utiles à la pratique clinique d'aujourd'hui. En outre, l'étude leur a également donné l'occasion de réfléchir à tout ce qui a changé depuis que le cancer a été diagnostiqué.

"On ne comprend pas vraiment ce qu'est un cancer tant qu'on ne l'a pas eu", explique Hilary. "Vous rejoignez soudain un groupe dont vous ne vouliez pas faire partie et vous vous rendez compte que vous avez énormément de choses en commun avec les autres membres de ce groupe. Vous avez une vision différente de ce qui est important".
......

L'étude fournit des estimations du risque pour chaque patient. Hilary et Mairead soulignent toutes les deux que les médecins doivent aider les patientes à comprendre que le cancer du sein "n'est pas une seule et même chose". Le pronostic varie considérablement en fonction de facteurs de risque tels que la taille de la tumeur, l'atteinte des ganglions lymphatiques et si la tumeur ait été détectée dans le cadre d'un dépistage.

"Lorsque j'ai été diagnostiquée il y a 20 ans, on ne m'a pas donné de pronostic, si ce n'est qu'il s'agissait d'une maladie grave et qu'il fallait la traiter rapidement", explique Mairead. "Mais je pense qu'une communication claire et de qualité sur le pronostic peut faire une grande différence sur la qualité de vie d'un patient et sur la façon dont il peut faire face à la situation.

"Lorsque l'on diagnostique un cancer du sein, on peut déjà connaître quelqu'un qui est décédé d'un cancer du sein", ajoute Hilary. "Elles peuvent penser que leur risque est le même, mais beaucoup d'entre elles n'ont que moins de 1 % de risque de mourir d'un cancer du sein après cinq ans.

"Pour la majorité des femmes, le pronostic est bon", reconnaît Mairead. "Cette étude le confirme et rassure, car au départ, tout le monde pense qu'il va mourir."

L'étude montre que, pour les femmes chez qui un cancer du sein précoce a été diagnostiqué, le risque d'en mourir dans les cinq ans a considérablement diminué entre les années 1990 et 2010-2015. Pour la plupart des femmes diagnostiquées récemment, le risque de décès par cancer du sein dans les cinq ans était de 3 % ou moins.

Les patientes atteintes d'un cancer du sein ont contribué à cette amélioration.

"Je n'ai encore jamais rencontré de patiente atteinte d'un cancer qui ne soit pas satisfaite de l'utilisation de ses données pour la recherche", déclare Mairead. "S'il y a une chance de faire quelque chose qui pourrait faciliter la vie de ceux qui suivront, les patients disent presque toujours oui.

"Et si les gens n'avaient pas dit oui, nous n'en serions pas là aujourd'hui, n'est-ce pas ? Nous savons que notre traitement actuel est bon grâce à tout le travail qui a été fait auparavant ... le grand nombre d'essais et les milliers de femmes qui étaient prêtes à y participer.

Nos résultats font partie de cet héritage. Ils quantifient des décennies d'améliorations et posent les bases de celles à venir. En attendant, ils peuvent éclairer la façon dont les médecins parlent aujourd'hui de leur pronostic aux patients.

"C'est une bonne nouvelle", conclut Hilary. "Elle montre ce que nous avons fait et que nous devons continuer à le faire. D'autres études comme celle-ci seront nécessaires à l'avenir. Le cancer du sein n'a pas disparu. Il reste encore beaucoup à faire."

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Conséquences psychologiques des fausses alertes

C.Bour, 28 mai 2023

Conséquences psychosociales à long terme de la mammographie de dépistage faussement positive

John Brodersen et Volkert Dirk Siersma
Annals of Family Medicine Mars 2013, 11 (2) 106-115; DOI : https://doi.org/10.1370/afm.1466
https://www.annfammed.org/content/11/2/106.full

Dans le cas de la mammographie de dépistage, le préjudice le plus fréquent est un résultat faussement positif.

C'est une suspicion de cancer sur une image mammographique mais qui ne se confirmera pas, cela après bien des examens complémentaires, avec une attente pour la patiente dans un contexte de stress avant de pouvoir être rassurée que l'image vue à sa mammographie n'est pas un cancer. C'est une situation extrêmement stressante que certaines femmes vivent plusieurs fois dans leur parcours de dépistée.

On connait globalement les effets de stress à court terme, mais cette étude de cohorte de 2013 se promettait de faire une étude à plus long terme, sur trois années exactement, en examinant 454 femmes ayant présenté des résultats anormaux à la mammographie de dépistage. Elles ont été invitées à remplir un questionnaire validé englobant 12 résultats psychosociaux, avec des résultats colligés au départ, puis à 1, puis à 6, 18 et enfin à 36 mois.
Nous en reparlons ici en 2023 parce que les conséquences psychologiques et du surdiagnostic et de la fausse alerte sont souvent négligées et sous-évaluées, et comme les fausses alertes sont un évènement en recrudescence en raison de la double lecture et des progrès croissants de la détection précoce, il est important de bien connaître cet effet adverse.
Les femmes ne l'expérimentent pas moins souvent mais au contraire bien davantage, en raison des progrès technologiques détectant de plus en plus petites anomalies et les exposant à la découverte d'images diverses parmi les trois grands signes majeurs que le radiologue recherche : masse, distorsion architecturale, microcalcifications..

C'est une réalité comptable que mentionnent tous les outils d'aide à la décision, avec des résultats variables selon le groupe d'âge qui est étudié et la durée d'observation.
https://cancer-rose.fr/2021/06/27/outils-daide-a-la-decision-internationaux/
https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2019/07/affiche_depistage-mammographiqueA4-2.pdf
https://drive.google.com/file/d/1jh53ZZkVRTCsoK0J1DynH-gR1ugEYz8p/view

Des études déjà existantes

Des études sur l'effet psychologique des faux positifs à court terme existaient déjà.[1]
La conclusion est que les faux positifs ont des conséquences psychosociales, pour celles qui les subissent, négatives à court terme, mais les conséquences psychosociales à long terme sont plus ambiguës. Certaines études montrent des conséquences psychosociales négatives importantes, même 35 mois après un faux positif.
Mais d'autres, disent les auteurs, semblent suggérer que l'impact psychosocial négatif, au contraire, disparaît avec le temps. Ces enquêtes, cependant, ajoutent-ils, ont été réalisées en utilisant des mesures inadéquates.

Cette enquête-là sur les conséquences psychosociales à long terme des faux positifs se fait par une mesure en 2 parties : une première partie évalue les conséquences psychosociales associées à une menace directe de cancer (l'annonce d'une image considérée comme suspecte); et une deuxième partie étudie les changements psychosociaux à long terme vécus après le résultat final du diagnostic. 

Le questionnaire

Il y a 29 items dans la partie I et 13 items dans la partie II, mesurant les conséquences psychosociales d'une mammographie de dépistage anormale et faussement positive.

La partie I comprend 2 items uniques ("se sentir moins attirante" et "occupée à me changer les idées") et 6 échelles mesurant l'anxiété (6 items), le sentiment d'abattement (6 items), l'impact négatif sur le comportement (7 items), le sommeil (4 items), la sexualité (2 items) et le degré d'auto-examen des seins (2 items).  
On a 4 catégories de réponse : « pas du tout », « un peu », « assez » et « beaucoup ». 
Plus le score est élevé, plus les conséquences psychosociales négatives subies par la personne sont importantes. 

La partie II du formulaire comprend 4 échelles destinées à mesurer les changements perçus à la suite d'un dépistage mammographique :
-valeurs existentielles (6 items ; par exemple, « mes réflexions sur l'avenir sont plutôt pessimistes/optimistes » ; « mon sentiment de bien-être est moindre/mieux »); 
-impact sur les relations au sein du réseau social (3 items ; par exemple, « ma relation avec mes amis/ ma famille est moins/plus proche » ; « ma relation avec les autres est moins bonne/meilleure ») ;
-se sentir moins ou plus détendu/calme (2 items) ;
-être moins ou plus anxieux face au cancer du sein/« croire que je n'ai pas de cancer du sein » (2 items).  
A tous les éléments de ces échelles sont attribuées 5 catégories de réponse possible : « beaucoup moins », « moins », « comme avant », « plus » et « beaucoup plus ».

Résultats

Six mois après le diagnostic final, les femmes ayant des résultats faussement positifs ont signalé des changements dans les valeurs existentielles et le calme intérieur aussi importants que ceux rapportés par les femmes ayant reçu un diagnostic de cancer du sein. 
Trois ans après avoir été déclarées exemptes de cancer, les femmes avec des résultats initialement faussement positifs lors d'une mammographie ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes qui avaient eu des résultats normaux, et ce dans tous les 12 résultats psychosociaux. 

CONCLUSION 

Les résultats faussement positifs à la mammographie de dépistage causent des dommages psychosociaux à long terme.

Dans une période de 3 ans après avoir été déclarées indemnes de suspicion de cancer, les femmes présentant des expériences de faux positifs ont systématiquement signalé des conséquences psychosociales négatives plus importantes que les femmes présentant des résultats normaux.

Le premier semestre après le diagnostic final, les femmes avec des faux positifs ont signalé des changements tout aussi importants dans leurs valeurs existentielles et leur ressenti de calme intérieur que les femmes atteintes d'un cancer du sein.

 Trois ans après un résultat faussement positif, les femmes subissent des conséquences psychosociales qui varient entre celles subies par les femmes ayant une mammographie normale et celles ayant reçu un diagnostic de cancer du sein.


[1] Salz T , Méta-analyses de l'effet des mammographies faussement positives sur les résultats psychosociaux génériques et spécifiques . Psycho-oncologie . 2010 ; 19 (10) : 1026 – 1034 

PubMed

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Dépister la…cytoliose !

L'impact des influences dans les invitations envoyées dans le cadre d’un programme de dépistage médical : un essai contrôlé randomisé

Christian Patrick Jauernik 1,2,  Or Joseph Rahbek 1,2,  Thomas Ploug 3,  Volkert Siersma 1, John Brandt Brodersen 1,2
1  Department of Public Health, The Research Unit for General Practice and Section of General Practice, University of Copenhagen, Copenhagen, Denmark
2  The Primary Health Care Research Unit, Zealand Region, Sorø, Denmark
3  Centre for Applied Ethics and Philosophy of Science, Department of Communication and Psychology, Aalborg University Copenhagen, Copenhagen, Denmark
European Journal of Public Health, ckad067, https://doi.org/10.1093/eurpub/ckad067

Les auteurs de cette publication ont eu l'idée d'un dépistage de maladie fictive, la "cytoliose", non transmissible et potentiellement mortelle, et ont envoyé pour ce faire des invitations à un dépistage avec dépliants, dépistage tout aussi fictif.

Cet essai est randomisé avec sept bras, c'est à dire sept groupes de personnes dans un total de 600 personnes étudiées.
Chaque groupe recevait un dépliant, avec des messages qui différaient plus ou moins dans leur caractère incitatif à participer au dépistage.
Les objectifs de l'étude étaient :
1) évaluer si les différentes méthodes d'influences ont un effet significatif sur l'intention de participer à un programme de dépistage, et
2) si les participants étaient conscients de ces influences, et si il y avait une relation entre l'intention de participer et cette prise de conscience.

Introduction et contexte

Selon les auteurs :
"...Les programmes de dépistage du cancer s'accompagnent de nombreux préjudices involontaires tels que les faux positifs, le surdiagnostic et le surtraitement, qui peuvent entraîner des préjudices physiques, psychologiques ou sociaux. La qualité des programmes de dépistage est parfois évaluée en fonction d'un taux de participation important."

Du point de vue des autorités sanitaires il est pré-supposé qu'un programme de dépistage de maladies cancéreuses est plus bénéfique que nocif, et qu'un taux de participation élevé maximiserait les avantages escomptés de ce programme de dépistage.
En outre, on constate que les citoyens ayant un statut socio-économique plus bas ont une incidence plus élevée de maladies cancéreuses (à l'exception du cancer du sein), mais qu'ils sont moins enclins à participer aux programmes de dépistage.

"Cela incite encore plus les autorités sanitaires à rendre la participation au dépistage simple et sans obstacle afin de promouvoir l'égalité en matière de santé. Les autorités sanitaires peuvent influencer systématiquement les citoyens de manière subtile..." disent les auteurs.

"Tous les citoyens ne partagent pas la même appréciation des bénéfices et des risques que les autorités sanitaires. Et même s'ils sont d'accord avec les autorités sanitaires pour affirmer que les bénéfices l'emportent sur les risques au niveau de la population, il se peut qu'ils ne souhaitent pas participer parce qu'ils risquent, au niveau individuel, de subir plus de préjudices que de bénéfices - les données actuelles suggèrent que les citoyens les mieux informés sont moins susceptibles de participer au dépistage du cancer."

Les auteurs se réfèrent à une étude publiée en 2019 sur les méthodes d'influence qui sont utilisées par les autorités sanitaires pour pousser les populations à participer à divers programmes de dépistage : ces méthodes vont des messages anxiogènes à la minimisation des risques et des inconvénients du dépistage.
Notre Institut National du Cancer (INCa) était cité dans cette étude, dans la catégorie 1) Présentation trompeuse des statistiques et 2) Représentation déséquilibrée des dommages par rapport aux bénéfices.
Il est d'ailleurs amusant de constater que ledit INCa est très prompt à classer la controverse du dépistage dans les fake-news dans une page intitulée "éclairages" tout en étant lui-même pris en faute de manipulation du public par sa documentation orientée et fallacieuse.

L'auteur de cette étude de 2019 sur la manipulation du public est un des co-auteurs de cette étude actuelle ; en 2019 il distinguait dans sa publication 5 catégories d'influences des personnes :
1.      Présentation tendancieuse des statistiques,
2.     Omission des effets nocifs et accent mis sur les bénéfices,
3.     Recommandations à participation,
4.     Systèmes de non-participation (opt-out) -Cela consiste à attribuer aux citoyens un rendez-vous fixé à l'avance au moment de l'invitation. Si la personne ne souhaite pas participer elle doit se désengager activement. On considère de facto le non-refus du patient comme acceptation de participer.
5.     Appels à la peur.

Ces différents types d'influences affectent de manière significative la participation individuelle en contournant ou en contrecarrant la réflexion, et elles peuvent être incompatibles avec une prise de décision éclairée.

La cytoliose

Cette maladie totalement crée pour l'étude, soi-disant mortelle, a été inventée pour éviter un biais dû aux idées préconçues et aux craintes liées au cancer.

Les auteurs expliquent :
" La brochure (neutre, de base, NDLR) sur le dépistage de la cytoliose s'inspirait en partie de la brochure danoise sur le dépistage du cancer colorectal, et la cytoliose avait la même incidence et la même mortalité que le cancer colorectal.
Le programme de dépistage de la cytoliose présentait les mêmes bénéfices (par exemple, réduction de la mortalité) et les mêmes risques (par exemple, faux positifs, dommages physiques et surtraitement) que le dépistage du cancer colorectal chez un homme de 50 à 60 ans.
Les préjudices du programme de dépistage fictif ont été amplifiés par rapport au dépistage du cancer colorectal afin de mieux équilibrer les bénéfices et les préjudices liés à la participation."

Il y a eu donc sept brochures différentes qui ont été distribuées, une pour chacun des sept groupes de cette étude randomisée :
A- La brochure "neutre"
B- Une brochure avec des diminutions relatives de risque pour accentuer la réduction de la mortalité.
(A l'instar du procédé de l'INCa pour le cancer du sein, donnant des pourcentages de réduction de mortalité qui correspondent à des taux de comparaison entre des populations, mais pas du tout aux données réelles, absolues ; voir l'article : https://cancer-rose.fr/2017/01/03/mensonges-et-tromperies/
Cette technique de tromperie dans la présentation de la réduction de mortalité est constamment utilisée par l'INCa, alors même que les citoyennes l'ont reproché lors de la concertation sur le dépistage du cancer du sein en 2016 ; rien n'a changé dans la communication de l'INCa et on peut toujours lire dans les documents une "réduction de mortalité de 20%", ce qui correspond en vraie vie à une seule femme dont la vie est prolongée par le dépistage sur femmes 2000 dépistées et sur 10ans de dépistage, ce qui n'est plus la même chose....
C- La troisième brochure donnait une présentation erronée des inconvénients par rapport aux avantages, omettait les effets nocifs et mettait l'accent sur les bénéfices, là aussi très similaire aux méthodes de l'INCa avec omission volontaire des risques les plus importants, (lire https://cancer-rose.fr/2021/10/19/linca-toujours-scandaleusement-malhonnete-et-non-ethique/)
D- La quatrième brochure était basée sur les rendez-vous pris à l'avance (système opt-out, voir plus haut)
E- La cinquième brochure contenait une recommandation explicite de participation
F- La sixième brochure faisait appel à la peur
G- Et enfin, une dernière brochure contenait tous les systèmes d'influence à la fois.

Tous les types d'influence étudiés ont été inspirés par des exemples réels de programmes de dépistage du cancer.(De type brochures 2 et 4 pour notre institut français)

Toutes les brochures sont à retrouver dans l'annexe PDF

 Les résultats

A- Résultat principal : mesure de l’intention de participer

"La proportion la plus faible de personnes ayant l'intention de participer (31,8 %) a été observée dans le groupe ayant reçu la brochure neutre (A), tandis que la proportion des personnes avec intention de participait se situait entre 39,2 % et 80,0 % lorsque les autres brochures, non neutres, avaient été distribuées.."
Voir tableau 2 (cliquez pour agrandir)

L'intention de participer (sans ajustement en fonction du statut socio-démographique) a augmenté de manière statistiquement significative dans les groupes ayant reçu des brochures contenant des réductions du risque relatif (B), une présentation erronée des inconvénients par rapport aux avantages (C), une recommandation explicite de participation (E), des appels à la peur (F) et toutes les influences combinées(G)

B- Résultat secondaire : connaissance des influences et effet de la connaissance des influences sur l'intention de participer

 Les participants étaient-ils conscients de ces influences auxquelles ils étaient soumises pour participer davantage, et y avait-il une relation entre l'intention de participer et cette prise de conscience des influences subies ?

"Une majorité variant entre 60,0 % et 78,3 % des participants", disent les auteurs "n'a pas indiqué avoir conscience que leur choix tentait d'être influencé (brochures B à G).
Il n'y avait pas de différence claire entre les réponses à la brochure neutre (A) et les brochures contenant une tentative délibérée d'influencer le choix des participants."

" Les participants qui ont reçu une brochure avec une influence (B-G) et qui n'ont pas indiqué être conscients que leur choix était influencé ont eu davantage l'intention de participer que ceux qui ont eu l'impression que la brochure essayait d'orienter leur choix et qui ont ensuite correctement localisé une influence."

Les auteurs disent aussi que les participants avec une brochure influente et non conscients de cela ont eu davantage d'intention de participer que ceux qui ont eu l'impression que la brochure essayait d'orienter leur choix mais qui, en revanche, ne parvenaient pas à localiser correctement cette influence.

Néanmoins, avertissent les auteurs " Les résultats secondaires doivent être interprétés avec prudence. Étant donné que les résultats secondaires sont mesurés après que les participants ont indiqué leur intention de participer, cela peut affecter leur réponse sur le fait que la brochure essayait ou non d'orienter leur choix. Nous émettons l'hypothèse que les participants qui avaient l'intention de participer pourraient être plus réticents à admettre qu'ils ont été potentiellement influencés."

En tout cas il est certain et démontré que les cinq catégories d'influences augmentent l'intention de participer lorsqu'elles sont utilisées dans les documents envoyés aux cibles des dépistages.
Moins de la moitié des participants reconnaissaient ces influences, et le fait de ne pas les connaître s'associait de facto à une augmentation de l'intention de participer.

Conclusion des auteurs

" Ces résultats appellent une réflexion et une discussion sur l'utilisation de différents types d'influence pour augmenter le taux de participation aux programmes de dépistage du cancer. Les risques potentiels de la participation à des programmes de dépistage du cancer peuvent être graves et substantiels, et l'effet escompté de l'augmentation du taux de participation par l'utilisation d'influences doit être soigneusement évalué par rapport à l'effet involontaire de contourner potentiellement le choix éclairé des participants. Il est donc nécessaire de trouver d'autres moyens d'évaluer les programmes de dépistage du cancer que le taux de participation.
L'une de ces alternatives pourrait être le taux de décisions éclairées prises par les participants potentiels au dépistage."
Et cela même si, comme le supposent les auteurs, les citoyens pourraient se sentir désemparés en prenant connaissance des multiples risques des dépistages.

D'autres aspects dans la prise de décision d'une personne de participer ou pas sont aussi à considérer :
" Le matériel d'information n'est pas le seul aspect de la prise de décision, et cette étude n'examine pas les raisons externes des choix des participants, par exemple la culture (de la santé) de la société, les attitudes propres et générales de la société à l'égard des interventions de santé, le sens du devoir, le comportement et les opinions des proches, les obstacles à l'intention et au comportement réel, les incitations financières des professionnels de la santé pour augmenter le recours au dépistage, etc. ...Les recherches portant sur les raisons externes peuvent quantifier l'importance de la prise de décision sur le matériel d'information."

"L'effet considérable des influences qui sont encore renforcées par la non-conscience (de ces influences) suggère que l'application de ces influences devrait être soigneusement examinée pour les interventions où la participation informée est prévue."

Les rédacteurs de cette publication suggèrent que des recherches supplémentaires sur les effets négatifs potentiels de ces influences soient envisagées, car les effets négatifs de ces techniques d'influence sur la population débouchent un affaiblissement de la confiance dans les autorités sanitaires.

ANNEXE-LES BROCHURES

Commentaire Cancer Rose

Cette publication, avec celle de Rahbek de 2019, rappellent une fois de plus les effets désastreux sur la santé des gens des influences néfastes que des documents d'information fallacieux et déséquilibrés peuvent entraîner.

Il faut toujours avoir à l'esprit que les documents pour des dépistages sont envoyés à des populations qui se portent bien et n'ont, a priori, aucune plainte clinique. L'influence utilisée pour les faire entrer dans des processus de dépistage potentiellement nocifs s'apparente à imposer un dispositif de santé potentiellement nuisible sans en informer les personnes et en les trompant. Ce qui est éthiquement indéfendable, et pourtant fait par les autorités sanitaires.

L'INCa français, est pointé du doigt dans l'étude de 2019, comme on peut le voir dans un tableau synthétique de létude (https://cancer-rose.fr/wp-content/uploads/2021/04/nouveau-tableau.pdf ; voir les parties surlignées) ; plutôt que de consacrer des ressources à pointer du doigt une controverse de plus en plus présente sur la pertinence du dépistage du cancer du sein, l'institut ferait bien de consacrer temps et moyens pour corriger ses graves défauts de communication qui trompent les citoyennes françaises sur le dépistage du cancer du sein.

Concernant le dépistage du cancer du sein, nous pouvons mettre cette étude en relation avec une autre, française celle-ci, parue en 2016, démontrant que lorsqu’on donne aux femmes une information un peu plus objective sur le dépistage du cancer du sein par mammographie, elles s’y soumettent moins.( https://cancer-rose.fr/2020/09/08/information-objective-et-moindre-soumission-des-femmes-au-depistage/)
Cette étude est passée relativement inaperçue, et pour cause, puisque pour les autorités sanitaires un seul critère compte, c'est le rendement de la participation, et que la tromperie des femmes est une thématique scientifique tout à fait assumée : https://cancer-rose.fr/2020/09/02/manipulation-de-linformation-sur-le-depistage-du-cancer-du-sein-comme-thematique-scientifique/

Références

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